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Poils

Publié le 02 novembre 2011 par Odealamode

La fausse fourrure est en vogue, penchons-nous sur la vraie. Non pas les visons et autres rats de Sibérie que je souhaite laisser hiberner en paix, mais celle que nous avons à disposition le plus légitimement du monde et que nous traitons, taillons, et teintons joyeusement, la plupart du temps sans se demander ce que l’on fait là : le poil.  Or aussi tendancieux (qui suit la tendance, mais on ne sait pas toujours laquelle) que puisse être la chevelure rainbow

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la barbe (enfin les barbes, toutes, nattes y comprise)  à la Dash Snow

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ou les pochoirs à épilation rigolos

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(depuis le fameux pubis en G comme Gucci initié par Tom Ford et Carine Roitfeld (ci-dessus), la plupart des instituts proposent toutes sortes de formes), on oublie souvent les implications profondes du poil. Pourtant le poil est profond (comme un iceberg), et il dit beaucoup des normes sociales, politiques et religieuses d’une société. C’est ainsi que le poil a une histoire, que deux universitaires ont décidé d’étudier dans un ouvrage collectif réunissant différentes contributions.

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Cette Histoire du poil a été dirigée par  Marie-France Auzepy et Joël Cornette. A cette occasion, ce dernier était récemment sur France Culture, et grâce au podcast, j’ai appris hier des tas de choses (je n’ai en revanche pas lu le livre). Je savais déjà que le poil est l’un des mots les plus drôles de la langue française (qui contrairement à de nombreuses autres, le distingue du cheveu qui n’en est qu’une sous-catégorie), mais je n’avais en revanche pas complètement mesuré sa dimension de « fait social total », ainsi que le présente l’auteur du livre. L’idée qui sous-tend cette série d’études est qu’il s’agit du seul élément corporel que l’on puisse réellement manipuler – et ce plus facilement et  joyeusement que dans les cas d’une lourde orpération de chirurgie esthétique ou d’un port du corset. Du coup, au même titre qu’une tenue ou qu’un accessoire, le poil fait signe : il fait coucou, et fournit ce faisant de précieuses informations sur celui ou celle qui s’en recouvre ou le taille, le frise, le poudre, le colore, l’arrache, etc. Spécialiste du XVIIème siècle, Joël Cornette s’attarde particulièrement sur la perruque de Louis XIV. Atteint d’une malheureuse calvitie précoce (à 20 ans), le jeune roi lança la mode de la perruque qui s’installera pendant plus d’un siècle, permettant plus tard à des stylistes foufous tels que Léonard, le coiffeur de Marie-Antoinette (quil l’accompagna même lors de la fuite à Varenne) de laisser libre cours à leur imagination. Il y a quelque temps je vous parlais des fleurs de pomme de terre ; et bien sachez désormais que ces perruques révolutionnaires pouvaient également contenir des nids de souris tellement elles étaient gigantesques (c’est France Culture qui dit). On notera que de manière générale, le jeu sur les poils s’opère pour les hommes par la pousse, et pour les femmes par le fait d’en ôter plus ou moins. Autour de cette norme sexuelle, toisons et épilations en tous genres dessinent différentes frontières sociales et religieuses. Le poil décide de la sainteté des Saints, de la fontion des eunuques, du statut de freak de la Femme à Barbe (Clémentine Delait, Peaches, etc.). L’occasion de s’interroger sur un débat toujours ouvert, depuis au moins Easter de Patti Smith : faut-il être rock jusqu’au bout des poils ?

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Ce qui est sûr, c’est que le poil peut être une arme. Du moins une force, ainsi que l’atteste l’anecdote rapportée par Joël Cornette, de ce soldat s’étant saisi de la barbe d’Henri IV lors de l’ouverture de son tombeau, afin de posséder la force du monarque éteint – mais dont la barbe continuait de pousser, puisque cheveux et autres poils n’en ont que faire de la mort. Rechignant personnellement quelque peu à utiliser les poils des autres pour augmenter ma force, je propose l’arme sourcil : le sourcil, je l’aime marqué et volontaire. Velu en somme. Depuis quelque temps et à ma grande joie, on voit même des mannequins poilus du sourcil. Je me rappelle une affreuse couverture Closer qui courait sur les murs de la ville au temps de la prépuberté de la fille de Madonna. Sur un zoom de mauvaise qualité, un cercle rouge était rageusement tracé autour d’un sourcil luxuriant avec cette injonction, empreinte de la bienveillance légendaire de Closer :  « Il faudrait songer à débroussailler Lourdes ». Eh bien moi je dis que le sourcil qui broussaille librement, c’est bien, ça donne de la force. Cela n’empêche pas de l’épiler par-ci par-là, mais de grâce ! Laissez-le vivre. D’ailleurs Natalia Vodiaovna est super belle et elle est d’accord avec moi :

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Le livre Histoire du poil est publié par les Editions Belin, contient 352 pages et coûte 29,50 euros.

Plus de beaux mannequins avec de beaux sourcils pour vous prouver qu’il ne faut pas trop épiler : en diaporama sur le site du Vogue allemand.


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