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Mahomet superstar

Publié le 02 novembre 2011 par Variae

AVERTISSEMENT. Le texte qui va suivre est purement fictionnel. Toute ressemblance avec une situation actuellement vécue, et impliquant une œuvre théâtrale attaquée par des intégristes chrétiens, serait purement fortuite et involontaire de la part de Variae. D’ailleurs, si jamais une telle ressemblance était avérée au départ, les suites des événements, dans le monde réel d’une part et dans ce texte d’autre part, divergent tant qu’elles lèveraient tout soupçon.

 

Mahomet superstar

Mercredi 2 novembre, dans la journée

Une nouvelle pièce très controversée, intitulée « Mahomet superstar », fait sa première ce soir au Théâtre de la Ville à Paris. Œuvre d’un metteur en scène à succès tunisien, et se revendiquant de confession musulmane, elle met en scène le dialogue entre Allah et Mahomet, relooké en jeune de banlieue parlant avec l’accent des cités. A peine annoncée, la pièce a déclenché une profonde émotion dans les milieux conservateurs et intégristes musulmans en France. Plusieurs associations confessionnelles ont tenté, sans succès, de faire interdire le spectacle par voie de justice avant sa première représentation.

Mercredi 2 novembre, soir

L’heure de la première arrive. Sur la place du Châtelet se massent progressivement des manifestants, hommes barbus, femmes en burqa, qui scandent des slogans hostiles au spectacle. Les spectateurs qui commencent à arriver se font agonir d’insultes et sont bombardés de projectiles en tous genres et d’œufs pourris. Quand les portes du théâtre se ferment, des jeunes manifestants accourent et tentent de les forcer. Pendant ce temps, à l’intérieur de la salle, des spectateurs se lèvent de leur siège et investissent la scène en un mouvement coordonné, criant « Allah Akbar » et déployant des banderoles au nom du « Renouveau Islamique » et de « L’Institut de la Charia », deux organisations fondamentalistes. Puis ils se mettent à genoux pour prier. Une intervention musclée de CRS est nécessaire, sous les applaudissements du public, pour libérer la scène et les abords du théâtre.

Jeudi 3 novembre, matin

La nouvelle fait la une de tous les journaux et de tous les sites d’information. Libération s’indigne : « Ras-la-barbe des barbus ! ». Laurent Joffrin, dans le NouvelObs, signe un éditorial rageur où il appelle solennellement « tous les démocrates et les défenseurs de la liberté » à manifester leur solidarité à la pièce en achetant une place. L’Express achète un stock de places et les met en jeu parmi ses abonnés via un tirage au sort. François Bayrou et Marine Le Pen, à peu près en même temps, organisent des conférences de presse depuis le siège de leurs partis respectifs pour lancer « un appel à la défense de la laïcité ». Jean-Luc Mélenchon y consacre un long papier sur son blog.

Jeudi 4 novembre, soir

Deuxième représentation de Mahomet superstar. L’agitation continue avec un appel à une prière de rue sauvage place du Châtelet. Dans la réacosphère circule un appel pour prendre les armes et « bouter les barbus hors du Châtelet », appel relayé par Fdesouche. Dans un communiqué, Riposte Laïque recommande d’organiser des apéros saucisson-pinard devant toutes les mosquées et les Quick halal de France. Sur le site de l’Institut de la Charia est annoncée une grande manifestation le samedi suivant, de République à Nation, avec comme slogan « Islamophobie ça suffit ». En marge d’une importante réunion sur la crise européenne, Nicolas Sarkozy déclare à des journalistes : « Je veux qu’en France les créateurs et les spectateurs jouissent de la plus totale liberté. ».

Vendredi 4 novembre, matin

Le Figaro fait sa une sur la photo en gros plan d’un manifestant de la veille, yeux exorbités et injectés de sang, bouche grand ouverte sur un cri haineux. Titre : « SOS Fous de Dieu ». A l’intérieur du journal, un long dossier est consacré au sujet, avec une interview de Claude Guéant. Il annonce, en concertation avec Frédéric Mitterrand, le dépôt d’un projet de loi « sur la liberté des spectateurs et des créateurs », pour mettre un terme aux agissements « des intégristes et des obscurantistes ». Elle prévoit notamment d’interdire le port de la barbe pour les hommes, et du voile pour les femmes, dans un périmètre de 1km autour des salles de spectacle. La droite populaire applaudit.

Vendredi 4 novembre, midi

Charlie Hebdo annonce sur son site le lancement d’un grand concours d’écriture de pièces de théâtre, et de scénarios de film, sur Mahomet. Le gagnant se verra proposer une aide financière pour monter concrètement son projet. 20 Minutes organise un chat internet avec une spectatrice agressée lors de la première de Mahomet superstar. Le titre : « Plus jamais ça ».

Vendredi 4 novembre, fin d’après-midi et soir

Pas une station de radio, pas une chaîne de télé sans son talk show, ou émission avec participation des auditeurs, sur « la menace islamiste ». Des experts sont convoqués, les mêmes mots reviennent : radicalisation des musulmans français, bien au-delà des franges islamistes de cette population, rupture du pacte républicain, communautarisme, danger d’une dérive politique d’ici à mai 2012. Marine Le Pen explique en boucle sur les plateaux de  télévision comment elle est littéralement submergée de témoignages d’enseignants devant renoncer à l’étude de certains textes dans leur classe, de peur de représailles physiques par des « grands frères ». Laurent Gerra diffuse un sketch réalisé pour l’occasion, où il imite Franck Ribéry, converti à l’Islam, en train de critiquer la pièce sans parvenir à prononcer correctement son nom.

Samedi 5 novembre

Le Monde du week-end publie une longue interview d’Alain Finkielkraut, mettent en garde contre « les nouveaux barbares qui vomissent le beau mot de laïcité ». Selon lui, « ce débat devra être au cœur de la prochaine présidentielle ». Eric Zemmour et Max Gallo annoncent qu’ils vont, « avec d’autres personnalités », organiser une « veille républicaine » chaque soir devant le Théâtre de la Ville pour « faire rempart de leur corps » aux « barbares barbus ». Leur mot d’ordre : « Laïcité, laïcité chérie ».

(…)

Mercredi 2 novembre, retour au monde réel

Les attaques et menaces répétées d’intégristes catholiques contre une pièce de théâtre actuellement jouée, et contre une autre qui arrive, nourrissent un petit filet d’articles dans les pages spécialisées des journaux. Claude Guéant, de son côté, appelle les Français à être « solidaires » de Charlie Hebdo, victime d’un attentat qui pourrait être l’œuvre d’islamistes. Les indignations de personnalités politiques se multiplient.

Deux intégrismes, deux mesures ?

Romain Pigenel


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