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Cliquez pour ‘Alaa Abdel Fattah, blogueur de la Révolution arabe…

Publié le 06 novembre 2011 par Gonzo

 Cliquez pour ‘Alaa Abdel Fattah, blogueur de la Révolution arabe…

لو شفتم فيا شجاعة أو شهامة أو جدعنة اعرفوا إنها مستمدة من أمي و أخواتي البنات الأصغر مني و مراتي (اللي فراقها أصعب حاجة في الحبس

« Si vous trouvez que j’ai du courage, du cœur, du cran, sachez que ça me vient de ma mère, de mes jeunes sœurs et de ma femme (être séparé d’elle, c’est le plus dur en prison. » Alaa Abdel Fattah, 3 novembre 2011.

Il y a quelques semaines, début octobre, s’achevait à Tunis la troisième rencontre des blogueurs arabes. Une grosse opération − une centaine de participants en provenance de 16 pays différents − qui oblige à s’interroger, au-delà des bonnes intentions, sur la nature de la « machinerie » politique qui la sous-tend. Que dirait-on si les Iraniens finançaient à Athènes la rencontre de cent indignés européens ou étasuniens acteurs de la presse en ligne ? Du point de vue pratique, la réunion a été rendue possible grâce au soutien de deux fondations européennes, la Heinrich Boell Foundation and Global Voices Online, en liaison cette année avec un acteur local, une première, l’excellent portail Nawaat, qui se définit comme un « blog collectif indépendant ».

Bien entendu, le choix de la Tunisie ne relève pas du hasard : c’est là « que tout a commencé » si l’on peut dire, et là où la nouvelle culture politique numérique a joué un rôle si important. Néanmoins, la réunion ne s’est pas déroulée sans incidents, même là où la révolution arabe semble avancer du pas le plus décidé (90 % de participation à des élections globalement très régulières, c’est une chose certainement plus importante que les commentaires sur le bien-fondé du choix des électeurs). Sans plus d’explications, une délégation de douze blogueurs palestiniens s’est ainsi vu refuser son visa d’entrée par les ambassades de Tunisie en Egypte et à Ramallah. En signe de protestation, les participants (photo ci-dessus) ont posé collectivement derrière les sièges qui portent le visage des « présents-absents » (le nom donné à l’origine par les Israéliens aux Palestiniens « illégalement » présents sur le territoire gagné en 1948).

On peut jeter sur l’événement un regard critique et trouver qu’il y a un petit côté boy-scout dans cette réunion de jeunes tellement sympathiques. Une image bien lisse et presque trop parfaite en somme… Mais tout de même, il se trouve qu’un des participants du forum des blogueurs vient d’être emprisonné par les autorités provisoires du second pays arabe « libéré » par le printemps arabe. Pionnier de la contestation numérique à travers le blog qu’il tient avec sa femme Manal, l’Egyptien ‘Alaa Abdel Fattah (علاء عبد الفتاح) est en effet détenu depuis le 30 octobre dernier. (Il me semble que c’est lui qui est assis, en quelque sorte de manière prémonitoire, au centre, le seul à être à hauteur des absents.) Les mauvaises habitudes ne se perdant pas facilement, l’accusation qui lui a été signifiée permet de le déférer devant un tribunal militaire grâce à un tour de passe-passe juridique qui prend la forme d’une « incitation à la violence contre les forces armées », le seul motif qui permet la traduction d’un civil devant une cour militaire…

Depuis sa prison (une expérience éprouvante, qu’il connaît bien pour avoir déjà été emprisonné en 2006, du temps de Moubarak bien évidemment), l’accusé fait savoir qu’on lui aurait proposé un intéressant marchandage : une sortie anticipée contre la promesse de ne plus s’en prendre à la personne du maréchal Tantawi, actuel dirigeant de ce qui ressemble tout de même un peu à une junte militaire, qui affirme pourtant qu’il ne sera pas candidat aux élections…

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Y a-t-il un pouvoir politique numérique ? On peut en faire l’expérience in vivo en donnant sa signature à une pétition internationale qui demande au président Obama d’œuvrer immédiatement à la libération de ‘Alaa Abdel Fattah (cliquer ici). Il faudra être très nombreux car il n’est pas certain que le président des USA soit dans de bonnes dispositions, quelques jours après l’invasion de sa page Facebook par une avalanche de commentaires d’internautes tunisiens réclamant, souvent sur le mode ironique et en arabe dans le texte (sur le mode Al-cha’ab yurîd isqât Wall Street, Le peuple veut la chute de…), plus de démocratie de la part des autorités américaines vis-à-vis des manifestants de Wall Street !

Le renversement des flux de l’information et même des symboles, car les militants de We Are the 99% reprennent désormais les slogans des soulèvements arabes, est inédit et donne la mesure de l’incroyable révolution qu’a provoquée le “printemps arabe” dans les représentations collectives. Mais pour l’heure, cette nouvelle répression du blog-journalisme – qui fait suite à bien d’autres affaires moins médiatisées, tel le procès intenté à cinq journalistes du quotidien Al-Rayy aux Emirats, « coupables » de s’être exprimés sur un forum en ligne – rappelle aussi que, malgré tous les discours sur la « puissance de feu » de Facebook, ce sont bien les blogs, et en particulier les blogs de journalistes-citoyens, qui attirent sur eux le plus de répression. Est-ce la conséquence d’un vieux réflexe autoritaire, prompt à faucher les têtes qui dépassent ? Ou bien la preuve que le travail en profondeur de formation des réseaux sociaux se cristallise sur certains sites de militants qui polarisent les mobilisations ?

Les commentaires sont bienvenus ! En attendant, cliquez pour Alaa !

(En complément, ce billet sur The Arabist qui donne une traduction pour ceux qui n’ont pas accès à l’arabe et cet autre, plus détaillé, sur le site Egypte solidarité, repéré grâce à Snony qu’il faut toujours prendre le temps de lire !)


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