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Publié le 06 novembre 2011 par Zako

06 NOVEMBRE 2011 | PAR LA RÉDACTION DE MEDIAPART
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suite/ source: Mediapart/ pour comprendre le bombardement de Bouake.

L'action de la justice française entravée

En réalité, les Biélorusses ont été arrêtés pour la forme dans le but d'apaiser les protestations de militaires du rang qui avaient fait part à leur état-major de leur « rage » après la mort de leurs camarades. Au cours de l'un de ses interrogatoires devant la juge du TAP, le général Poncet lui-même n'a pas caché son incompréhension: « L'ordre m'a été donné de libérer la quinzaine de mercenaires slaves. Je n'avais pas du tout envie de lâcher ces personnes... Moi je ne demandais pas mieux que les mettre dans un avion pour les envoyer en France. » Sept ans après ce tragique bombardement, les familles des soldats tués et les victimes attendent toujours un procès et une indemnisation. Pourtant, Brigitte Raynaud et Florence Michon, les deux juges qui se sont succédé jusqu'en 2010 au Tribunal aux armées pour instruire ce dossier, n'ont pas ménagé leur peine en auditionnant des centaines de personnes. Depuis l'instruction est au point mort. Frédéric Digne, le dernier juge nommé, est souffrant depuis plusieurs mois. Depuis 2004, les autorités françaises ont sciemment multiplié les embûches pour empêcher la justice de faire son travail. En voici un listing non exhaustif :
  • Le 6 novembre 2004, un représentant du ministère de la Justice dépêché à Bouaké veut informer le procureur de la République pour avoir des directives. Sa demande est refusée. Il faut attendre le 10 novembre pour qu'une enquête de flagrance soit ouverte et que la justice soit officiellement saisie. Entre-temps, les corps des victimes ont été rapatriés à Paris. De nombreux éléments de preuves ont disparu. D'autres sont ensevelis sous le « secret » et ne seront déclassifiés qu'à doses homéopathiques sous la pression des parties civiles.
  • Dans le dossier, on ne trouve aucune trace du civil américain tué dans le bombardement et, à ce jour, son mystère reste entier. Quelques plaintes de parties civiles (les premières seront déposées à partir du 1er décembre 2004) ont disparu. C'est le cas d'une ressortissante ivoirienne, Mme Kouassi Amoin épouse Rolland.
  • Il faut attendre le 14 décembre 2005 pour qu'une demande de mandat d'arrêt à l'encontre des copilotes ivoiriens, Patrice Ouei et Ange Gnanduillet, soit transmise du juge d'instruction au procureur de la République. Le 19 juin 2006, le juge Blé Kokobo Nicolas, qui officie au tribunal militaire d'Abidjan, s'étonne que ces mandats d'arrêt ne soient pas parvenus en Côte d'Ivoire. Le 9 février 2006, soit plus de quinze mois après les faits, des mandats d'arrêt sont enfin délivrés contre les mercenaires Youri Suchkine et Boris Smahine.
  • Lorsqu'elle est remplacée par Florence Michon, Brigitte Raynaud, juge au Tribunal aux armées chargée de l'affaire de Bouaké, laisse une lettre testament à l'adresse de Michèle Alliot-Marie, son ministre de tutelle : « Je relève qu'à la fin de ma mission aucun renseignement ne m'a été fourni sur les raisons pour lesquelles les mercenaires et leurs complices, identifiés comme auteurs de ce crime, bien qu'arrêtés immédiatement ou dans les jours qui ont suivi les faits, avaient été libérés sur instruction ou avec le consentement des autorités françaises sans avoir été déférés à la justice. »
La juge a interrogé tous les plus hauts gradés de l'armée française (sauf Bentégeat) : les patrons de l'opération Licorne, Poncet et Thonier, celui de la DRM, Masson, le directeur de la DGSE, Pierre Brochant. Dans un même chœur unanime, ils affirment ne rien savoir sur l'audition des mercenaires slaves par les forces spéciales. Il n'est pas exclu qu'ils disent la vérité et que l'opération Bouaké ait été décidée en tout petit comité élyséen. Dominique de Villepin, qui, depuis 2002, surveillait comme le lait sur le feu l'évolution de la crise ivoirienne, a été cuisiné pendant cinq heures par la juge du TAP. Conclusion de l'audition : il ne sait rien. A l'écouter, il connaîtrait à peine l'existence de la Côte d'Ivoire, note ironiquement Jean Balan. « Son témoignage est un monument, ajoute-t-il, un exemple parfait de comment botter en touche avec talent sans donner l'impression de se moquer de la justice. » Instruction en panne, dossiers toujours couverts par le secret-défense, mercenaires exfiltrés, témoins amnésiques, l'affaire du bombardement de Bouaké contient tous les ingrédients d'un mauvais polar françafricain. Le général Poncet, qui était aux premières loges, l'a qualifiée un jour de « bavure manipulée ». Bavure, manipulation, encore faut-il s'accorder sur l'ordre des mots. La manipulation a-t-elle précédé la bavure ? De fausses informations ont-elles été données aux pilotes dans le but de discréditer Gbagbo et d'entraîner sa chute ? Pourquoi les plus hautes autorités de l'époque se sont acharnées à empêcher la manifestation de la vérité ? Et pourquoi, sept ans après, alors qu'il est aux arrêts dans l'attente d'une éventuelle traduction devant la Cour pénale internationale, après avoir été délogé de son bunker présidentiel par l'armée française, personne ne se soucie d'entendre Laurent Gbagbo, le « commanditaire présumé » de l'attaque? Lire aussi
  • Côte d'Ivoire: un dossier spécial de Mediapart

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