Magazine Journal intime

Lenny

Par Eric Mccomber

Le premier roman de Bukowski commence sur ces mots : « Tout a commencé par une erreur ». J'ai étudié un bon bout de temps le blues auprès de John McGale, le sous-estimé guitariste d'Offenbach. Le soir, après les gigs, ou dans le camion en y allant, John racontait des tas d'histoires, dont une pléthore à propos de Lenny Breau. « Qui, ça ? » Lenny Breau. Un demi-dieu, apparemment. J'ai cherché et trouvé. De temps en temps, quand je me demande à quoi sert la préservation du genre humain, je me tourne vers des cas comme le sien, et chaque fois, je reprends goût à lutter.
Lenny Breau, petit inconnu des étendues incultes de l'Ouest canadien, est allé voir Chet Atkins après un concert, pour lui demander comment il faisait pour jouer telle ou telle partie de ses disques. Atkins, distraitement, demande lesquelles. Breau sort sa guitare et lui montre. Breau lui rejoue absolument tout ce qu'il a fait, en version améliorée, approfondie, embellie, jusqu'à ces parties qu'il ne sait pas faire. Atkins, les yeux exorbités, s'exclame : « Il y a deux guitares, sur le disque. » Breau, étonné : « Mais, ils mettent seulement votre nom !… » « Moui, petit, ce sont des "overdubs". J'ai joué deux fois, pour faire tout ça. J'ai rejoué par dessus ma piste rythmique, tu comprends ? » Lenny Breau, déçu, scandalisé : « Mais… Mais… C'est de la triche ! » Ce pauvre fou de Lenny jouait depuis des années ce qu'il entendait sur les disques. Deux guitares, parfois trois.
Atkins l'embarque avec lui dans sa tournée. Et Breau devient une de ces légendes obscures, sorte de trait de fusain fulgurant dans la marge du brouillon de son époque.© Éric McComber

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