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Rigueur: Sarkozy devient dangereusement ridicule.

Publié le 08 novembre 2011 par Juan
Rigueur: Sarkozy devient dangereusement ridicule. Il y a 4 ans et quelques semaines, le tout nouveau premier ministre François Fillon avait lâché une formule malheureuse qui lui fut reprochée ensuite par son propre patron: « je suis à la tête d'un Etat qui est en situation de faillite ». Sarkozy savait que nous étions en faillite virtuelle mais s'agaçait que son premier collaborateur se pense chef du pays. Quelques 75 milliards d'euros d'allègements fiscaux plus tard, le même Fillon pouvait presque se réjouir : « Le mot de faillite n'est plus un mot abstrait ».
Le 27 octobre dernier, Nicolas Sarkozy avait annoncé une révision à la baisse de la prévision de croissance du PIB retenue dans le projet de loi de finances de l'Etat pour 2012. De 1,75%, nous tombions à 1%. Mécaniquement, les hypothèses de recettes fiscales étaient pénalisées de 6 à 8 milliards d'euros, avait-il alors annoncé.
Quelles mesures d'économies nouvelles allait-on subir ?
Au théâtre ce soir
Quand on n'a pas grand chose à dire et que la pression est forte, il vaut mieux le crier fort.
Depuis plus d'un an, Nicolas Sarkozy craint pour son Triple A. Une dégradation de la note de crédit de la France par l'une ou l'autre des trois agences de notation signifierait la défaite électorale en mai prochain. A six mois du scrutin, il était trop tard pour ré-endosser les habits d'un Indigné contre les méchantes agences de notation. Il l'a d'ailleurs dit, le 27 octobre dernier sur TF1/France 2: « le problème, c'est pas les agences de notation ». Non, il ne lui restait plus qu'une option: défendre sa rigueur et s'abriter derrière la Grande Crise pour effacer l'échec de son mandat. Vendredi, en marge du G20 à Cannes, un conseiller élyséen avait anonymement confié à deux journalistes du Monde: «  Si Nicolas Sarkozy perd le triple A, il est mort. La philosophie de ce plan est simplissime et correspond à ce que souhaitent le FMI et les agences de notation: des mesures extrêmement engageantes à terme, mais qui ne pèsent pas sur la conjoncture immédiate ».
Après son plan estival, 11 milliards d'euros de « rabot », voici le second, pour 7 milliards d'euros. Comme le premier, il était peu convaincant, évidemment illisible, et donc il fallait crier le contraire sur tous les tons. Tout fut donc mis en oeuvre pour optimiser le fond comme la forme.
Samedi, François Fillon, François Baroin et Valérie Pécresse étaient publiquement convoqués à l'Elysée pour d'ultimes arbitrages décidés dans le plus grand « secret ». Le matin même à Morzine en Haute-Savoie, Fillon avait prévenu: « Le budget 2012 sera l'un des plus rigoureux que la France ait connu depuis 1945 ».
En coulisses on nous annonçait d'incroyables « surprises ».
Lundi matin, le Figaro titrait sur « la grande bataille contre les déficits ». A quelques jours des cérémonies du 11 novembre, la métaphore était puissante. Le président français terminait ce misérable show par un conseil des ministres « exceptionnel ». A midi, la nouvelle feuille de route était connue, François Fillon s'autorisait une demi-heure de discours devant ministres et journalistes pour présenter l'ensemble. Il voulait frapper fort pour taire les contestations et rassurer les marchés. Rappelez-vous ce que disait ce conseiller élyséen vendredi: ce plan doit correspondre « à ce que souhaitent le FMI et les agences de notation ». 


Puisqu'il fallait frapper les esprits, Fillon et Sarkozy cumulèrent les années et presque tout le quinquennat à venir. On en avait le tournis: « Au total, c’est un effort supplémentaire de 17,4 Md€ sur la période 2012-2016, dont 7 Md€ dès 2012, qui sera mis en œuvre. Ce plan permettra d’économiser près de 65 Md€ de dette d’ici 2016. »
Le soir même, Fillon assurait le service après-vente au Journal Télévisé de TF1.
Qu'en est-il réellement ?
Voici les mesures.
Pas crédible
Ce plan n'est pas rigoureux. Les austérités infligées par le conservateur David Cameron au Royaume Uni ou le socialiste Georges Papandréou en Grèce étaient autrement plus sévères que les rabots sarkozyens. L'argument du Monarque, développé par Fillon lundi soir à la télévision, est en effet illisible: pas d'austérité, de la gestion rigoureuse mais la plus rigoureuse depuis 1945... Sans blague ?
Pour les traders et les agences de notation, il n'est pas sûr, loin s'en faut, que ce fatras sera convaincant. Sarkozy a attendu trop longtemps (deux longs mois) pour officialiser le ralentissement de la croissance.
Son nouveau plan d'économie ne touche ni le gros des dépenses publiques - ce qui rassurerait malheureusement les agences de notation - ni les plus fortunés du pays. Sur les 18 milliards d'euros d'efforts budgétaires sur les deux plans de l'année, 85% du montant est constitué d'augmentation d'impôts, et 15% seulement de réduction de dépenses. Pire, ces dernières sont symboliques ou mal identifiées (cf. ci-dessous).
Bien qu'ils s'en défendent, Nicolas Sarkozy et François Fillon continuent de détricoter leurs propres mesures fiscales. « Il ne s'agit pas de rupture » a prétexté Fillon: « le Gouvernement a choisi d’accélérer les réformes engagées depuis 2007. » Voici l'histoire qu'on voudrait nous faire avaler: Sarkozy ne se renie pas, il « accélère ».  La formule est un peu creuse, puisque l'ampleur de la crise est également avancée comme justificatif facile à la non-tenue des promesses. Et Sarkozy lui-même ne cesse de répéter depuis un an que la France est sortie plus rapidement que les autres de la crise.
1. Premier exemple, les niches fiscales. « Un effort supplémentaire sera également fait sur les niches à hauteur de 2,6 Md€ d’ici 2016 » expliqua Valérie Pécresse au conseil des ministres. Devant la presse un peu plus tard, Fillon ajouta que le dispositif Scellier, créé par son gouvernement en 2009, serait supprimé fin 2012. Et le nouveau Prêt à Taux Zéro serait « recentré pour en limiter le coût ». Rappelons que ce PTZ venait justement d'être réformé pour remplacer une autre plantade sarkozyenne, la défiscalisation partielle des intérêts d'emprunts immobiliers. Le plus drôle fut sans doute d'entendre Fillon évoquer que ces dispositifs favorisaient l'inflation immobilière ! Autre victime de la rigueur, le crédit d'impôt développement durable subira «un rabot supplémentaire de 20%». La fiscalité verte serait-elle sacrifiée ?
2. Autre exemple de mensonge (et non d'accélération), la réforme des retraites. Nicolas n'a cessé de répéter qu'il avait sauvé le régime des retraites. « Les Français sont désormais assurés qu'ils pourront compter sur leur retraite et que le niveau des pensions sera maintenu » déclarait-il il y a un an, jour pour jour. C'était faux et archi-faux. En juillet dernier, la Cour des Comptes prévenait déjà que « les risques pesant sur la prévision d’un déficit des régimes de retraite ramené à 2,6 Md€ en 2020 sont de l’ordre de 10 Md€ et le déficit à cette date pourrait donc être supérieur à 12 Md€.» Finalement, la transition vers le passage à 62/67 ans sera accélérée d'une année (2017 au lieu de 2018).
En 2011, la CNAV table sur 107.000 départs en retraite en moins qu'en 2010 (-11%), soit 220 millions d'euros d'économie. Autant de gens qui risquent de pointer au chômage.

3.  Sans toutes les détailler, Fillon a annoncé une réduction de 500 millions d'euros dès 2012 sur les dépenses de l'Etat, à quoi il ajouta une accélération de la réduction des surfaces occupées par les administrations : l'objectif est porté à 5% pour les trois prochaines années et « le programme de cessions immobilières sera accéléré pour atteindre 500 M€ par an ».
4. Dernier exemple incompréhensible, l'impôt sur les sociétés des grands groupes (i.e. affichant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros par an) sera relevé, à titre exceptionnel, de 5% en 2012 et 2013, « jusqu’au retour en dessous de 3% de déficit public ». Pour les grands groupes ? En fait, ceux-là parviennent à mieux optimiser la fiscalité que les PME et payent moins d'IS. Mais pourquoi ne pas supprimer la niche Copé sur l'exonération fiscale des plus-values encaissées par les holdings en cas de vente de leurs filiales ou titres de participation détenus depuis plus de deux ans. Elle coûte environ une dizaine de milliards d'euros par an !
La stratégie économique de Nicolas Sarkozy - s'il en a une - apparaît complètement incompréhensible et injuste.
Injuste
Notre Monarque est coincé, et son nouveau plan de fausse rigueur le montre. Il choisit d'abord l'injustice, sans oser avouer qu'il faut protéger coûte que coûte le Premier Cercle. L'effort sera donc d'abord porté par une hausse de la TVA.
1. Le taux réduit de TVA à 5,5 % sera porté à 7% l'an prochain, à l’exclusion des produits de première nécessité que sont l’alimentation, l’énergie, et les produits et services destinés aux personnes handicapées. Le gouvernement tente de contrer les critiques contre l'injustice sociale de cette mesure. «Je serai très attentif aux produits les plus sensibles qui bénéficient actuellement de ce taux réduit: ainsi les équipements et les services à destination des personnes handicapées ne seront donc pas concernés par la hausse» a expliqué Fillon. Au passage, il rabote un cadeau qu'il avait lui même fait voici deux ans à la restauration, récupérant ainsi environ 400 millions d'euros de recettes sur les 2,5 milliards abandonnées.
Victime collatérale, le secteur du bâtiment paye le prix fort. Aux réductions de niches fiscales (cf. infra) s'ajoutent cette augmentation du tarif des travaux, pour un secteur de main d'oeuvre, de proximité et ... non délocalisable.
2. Les barèmes (c'est-à-dire les seuils de revenus et patrimoine) des impôts sur le revenu, la Fortune et les successions/donations seront gelés en 2012 et 2013. Le gouvernement, dans sa note explicative, explique que cette mesure aura « un impact portant essentiellement sur les contribuables les plus aisés ».
3. Outre les 2,2 milliards d'euros d'économies identifiées dans le projet de loi de financement pour 2012 étudiée depuis septembre au Parlement (grâce notamment à la baisse des indemnisations maladie), le gouvernement rabote l'ensemble de 500 millions d'euros supplémentaires pour se caler sur un plafond d'augmentation des dépenses d'assurance-maladie à 2,5% (versus 2,8%).
4. Sarkozy modifie également la revalorisation des prestations sociales, limitée « de manière forfaitaire comme la croissance prévisionnelle, à hauteur de 1% », alors que ces dernières étaient jusqu'alors indexées sur l'inflation. Seuls les minimas sociaux et les pensions de retraites resteront indexés sur l’inflation. On savait déjà, depuis la semaine dernière, que les prestations familiales ne seraient revalorisées qu'en avril au lieu de janvier.


Electorale 

Tout le monde sait que Nicolas Sarkozy est candidat à sa réélection. Il n'y a que lui qui ne peut l'avouer pour conserver son temps de parole hors des quotas le plus longtemps possible. Ce « plan de rigueur » contient quelques mesures symboliques qui en deviennent ridicules. 
1. Pour faire bonne figure, Sarkozy relève les prélèvements sur les dividendes et les intérêts de placement de 19% à 24%. Fillon a osé rappeler l'évidence, qu'il s'agissait de «réduire l'écart de taxation entre les revenus du travail et du capital.» Encore un effort monsieur le Président, et nous y serons ! 
2. Après s'être augmenté de 170% dès le 1er janvier 2008, Nicolas Sarkozy a accepté de geler son traitement (ou plutôt, celui de son successeur), ainsi que celui des membres du gouvernement. C'est symbolique, ça gêne peu et c'est utile. Fillon a même le symbole contagieux: « J'appelle les responsables politiques et les dirigeants des grandes entreprises, en particulier des entreprises du Cac 40, à faire exactement la même chose. » Bizarrement, on ne sait pas pourquoi les dépenses de communication gouvernementale ou de sondages élyséens (bien plus conséquents) ne sont pas concernés par cette rigueur souda
3. Autre mesure prétendument exemplaire, le plafond de remboursement des dépenses électorales et les aides électorales aux partis politiques sera réduit de 5% l'an prochain. Les micro-partis en vogue à l'UMP seront-ils affectés par la mesure ?
Incompréhensible, illisible, injuste, la politique budgétaire de Nicolas Sarkozy finit par inquiéter.


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