AAA : voilà la note qui aura le plus fait parler d'elle en 2011 ! Encore inconnue il y a quelques mois, elle est désormais sur les lèvres de tout à chacun, même si le plus grand nombre ignore tout de sa signification et ne fait donc que répéter ce qui a été entendu dans les médias eux-mêmes n'ayant pas toujours bien compris le film du reste...
Je ne reviens pas sur le conflit d'intérêt qui ne manque pas d'exister lorsqu'une entreprise paye pour se faire noter par une agence de notation et sur l'absurdité de noter la dette souveraine d'un État, qui finit par ne servir qu'à spéculer contre lui ! Je souhaite aujourd'hui montrer comment le psychodrame du triple A est en train de tout emporter sur son passage (le probabilité forte à mon sens d'une nouvelle récession en Europe en témoigne), à l'image d'un tsunami que l'on aurait provoqué.
En octobre, l'agence Moody's avait donné le premier coup de semonce en annonçant un délai de trois mois pour déterminer si la note de l'État français méritait encore la perspective "stable". Ne faisant ni une ni deux, le gouvernement français a répondu... par un nouveau plan d'austérité, qui prévoit des économies de 7 milliards d'euros en 2012 ! Concomitamment, des mesures d'austérité furent prises dans de nombreux États de la zone euro, précipitant encore un peu plus les économies vers une nouvelle récession. Preuve, s'il en fallait, que les plans d'austérité ne sont plus que des plans de soumission aux diktats des marchés financiers, et ce n'est visiblement pas près de s'arrêter puisque le commissaire européen aux affaires économiques, Olli Rehn, a exigé de nouvelles mesures d'austérité en 2013 !
Puis est venu hier le message suivant dans les salles de marché : "Alerte pays souverains - République française - Dégradée - Notation non sollicitée". Expédié par l'agence de notation Standard & Poor's, qui s'est ensuite confondue en excuses arguant d'une erreur technique, ces quelques mots ont fait l'effet d'une bombe non pas dans le monde financier, mais bien dans le landerneau politique. L'AMF a même promis de faire toute la lumière sur cette question et c'est avec impatience que nous attendons ses conclusions sous 20 ans.
Mais ce dont on peut être certain à l'heure où j'écris, c'est que personne n'est dupe que si les marchés n'ont pas surréagi à cette nouvelle, c'est bien parce qu'ils l'anticipaient déjà depuis un certain temps. Si elle devait être effective, elle ne viendrait que confirmer ce qui existe déjà de facto. Ainsi, lorsque l'ineffable Jacques Attali déclare que la note AAA de la France est déjà perdue, il ne fait que traduire - pour une fois - la réalité des choses. Et ce ne sont pas le déni et les incantations de Valérie Pécresse, aidée en cela par le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer, qui y changeront quoi que ce soit. Voilà un bel exemple d'hypothèse autoréalisatrice partiellementi déjà réalisée ! C'est du reste ce que l'on a pu constater aux États-Unis, où la dégradation de la note par Standard & Poor's, de AAA à AA + avec une perspective négative, fut loin de provoquer le cataclysme tant redouté... tout simplement parce que d'une part les marchés l'avaient anticipée et d'autre part les bons du Trésor américain restent très prisés des investisseurs (où voulez-vous que les excédents soient investis ?).
Pourtant, malgré le AAA de l'État français et de l'État allemand, l'écart de rendement entre les OAT à 10 ans en France et les Bunds allemands (cet écart s'appelle spread dans le jargon) a atteint un record de 164 points de base. Cela signifie que lorsque l'État allemand emprunte sur 10 ans à 1,77 %, il en coûte 3,41 % à son homologue français. La tendance se confirme par ailleurs en étudiant le spread sur moyen terme :
[ Source : Fairness Finance ]
Est-ce à dire que le modèle allemand est celui vers lequel devraient converger tous les États membres de la zone euro ? Non, absolument pas, à moins de faire primer les aspects financiers sur la composante sociale ! C'est ce que j'avais expliqué dans un billet, où je montrais que la compétitivité allemande fut acquise au prix d'une compression des salaires et d'une orientation de l'économie tournée quasi-exclusivement vers l'exportation, stratégie qui s'apparente à une désinflation compétitive interdite par les traités européens !
Au reste, cela n'a même pas permis d'entraîner l'économie réelle comme en témoigne le fait que, sur la période 1999-2007, la croissance de l'économie française fut en moyenne de 2,2 % contre 1,6 % pour l'Allemagne... Mais que va-t-on chercher alors à converger vers un tel modèle économique ? Des solutions existent pourtant, comme j'en ai parlé ici ou là, mais on en trouve également sur ce site. Mais pour cela, il faut en priorité répondre à l'intérêt des peuples, ce que l'on appelait il n'y a encore pas si longtemps l'intérêt général, quitte à déplaire aux marchés financiers ! C'est donc tout le système qu'il faut remettre sur le métier et abandonner les solutions-rustines trouvées à chaque sommet européen...
N.B 1 : la photo de ce billet provient du site wikistrike.com
N.B 2 : ce mercredi j'animerai, à partir de 18h30, une rencontre de la cafet'éco à l'Université Populaire de Sarreguemines. Thème retenu : la crise de la zone euro !
N.B 3 : semaine chargée puisque j'animerai également une conférence-débat à l'UPT de Forbach, ce
jeudi 17 novembre à 19h. "La zone euro peut-elle survivre à la crise ?", telle est son sujet dont je reparlerai dans les prochains jours.