Selon de nombreux analystes économiques, la plupart des indicateurs sont au rouge et la récession pourrait gagner l’économie mondiale. Christine Lagarde, directrice du FMI, a déclaré qu’elle craignait une « décennie perdue ».
Par Bob Adelmann, depuis les États-Unis
La semaine passée, durant son intervention à Beijing, Christine Lagarde, directrice du Fond Monétaire International (FMI), a déclaré que le monde fait face à un risque de « décennie perdue », et que « des nuages sombres planent sur l’économie mondiale ».
Dans notre monde de plus en plus interconnecté, aucun pays et aucune région ne peuvent fonctionner seuls. (…) L’économie mondiale est face à un risque de décennie perdue.
Réitérant son appel à une gouvernance économique mondiale, elle a ajouté:
Si nous n’agissons pas, et si nous n’agissons pas ensemble, nous allons entrer dans un cercle vicieux d’instabilité et d’incertitude financières, et un effondrement de la demande mondiale. Finalement, nous pourrions faire face à une décennie perdue de croissance faible et de chômage élevé.
Suite à un dialogue financier entre l’Inde et la Chine, il a été annoncé que l’économie mondiale rentrait maintenant dans une phase critique. « Il y a des signaux clairs d’un ralentissement économique qui commence à peser sur les deux pays » a déclaré Mme Lagarde. Le chef de l’exécutif de Hong Kong, Donald Tsang, a dit plus tôt cette semaine que l’économie mondiale faisait face à un risque de récession de 50%.
L’économiste John Hussman, de l’université du Michigan et président de Hussman Funds, pense que les risques sont plus proches de… 100%. Dans la newsletter envoyé à ses clients, il a dit qu’il prévoyait un ralentissement significatif de l’économie mondiale.
Nos modèles de prévisions les plus larges continuent à afficher une probabilité de récession de près de 100%. (…) Il est important de reconnaitre qu’il y a une telle uniformité des avertisseurs de récession (…) que même une moyenne non pondérée et peu sophistiquée des indicateurs annonce une très forte probabilité de récession à l’échelle mondiale.
Il a ensuite averti ses investisseurs sur les risques liés aux investissements en actions:
Alors que Wall Street reste expansif sur les titres bon marché basés sur les bénéfices d’opérations avancées, cette conclusion repose sur l’hypothèse que les marges bénéficiaires se maintiendront à des niveaux records de plus de 50% au dessus de leurs normes historiques, dans un avenir indéfini.
Cette hypothèse est terriblement en contradiction avec les preuves historiques.
Wall Street est elle-même au milieu de sa propre récession. Comme le rapporte le New York Times, les bonus de Wall Street vont diminuer cette année selon une moyenne de 20 à 30%, reflétant non seulement le manque de participation des petits investisseurs, mais aussi l’augmentation de frais généraux créée par l’application de la loi de régulation financière Dodd-Frank (loi signée par le président Obama le 21 juillet 2010). Même Goldman Sachs a rapporté une baisse de 37% des résultats de ses diverses activités financières au cours des neuf premiers mois de 2011 comparativement à l’année 2010, et vient d’annoncer sa première perte trimestrielle depuis le début de la récession.
Robert Higgs, chroniqueur à l’Independant Review, vient d’annoncer que la reprise de l’économie américaine est « au mieux anémique », notant que bien que le PIB revient à son niveau de fin 2007, l’investissement privé tel que mesuré par le département du commerce à 1800 milliards de dollars est encore bien en dessous de son sommet à 2300 milliards de dollars de septembre 2006. Et la majeure partie de l’investissement privé consiste à remplacer et à moderniser les équipements existants, ce qui aura peu d’impact sur la croissance de l’économie. L’investissement dans l’immobilier résidentiel privé reste à plat : 40% du niveau avant la récession, avec peu de signes d’améliorations. Quant à l’investissement immobilier privé non résidentiel, il reste 7% inférieur à son sommet d’avant la crise, malgré une reprise modeste.
La plus grande préoccupation de Robert Higgs concerne le nombre d’emplois annoncé par le ministère du travail. Il note:
Bien que près de 3 millions de personnes sont retournés au travail au cours des deux dernières années, il reste que l’industrie emploie six millions de personnes de moins qu’à la pointe de la récession.
Par ailleurs, il y a moins de personnes employées par le secteur privé qu’en 2000, alors que la population était beaucoup plus faible.
Bien que nous voyons certains signes de reprise, étant données les perspectives actuelles assombries pour la sécurité des droits de propriété privée des investisseurs, avec l’incertitude planant sur les régimes de politique publique dans de nombreux domaines critiques, la probabilité d’expansion des investissements doit être considérée comme extrêmement faible.
Voilà typiquement de la part d’un économiste une façon de dire que l’économie se porte mal et qu’elle est susceptible de se porter encore plus mal. Ajoutez à cela la prédiction précise de l’Economic Cycle Research Institute sur le fait que l’économie mondiale est déjà dans une nouvelle récession, couplée à la reconnaissance tardive de l’insolvabilité de la Grèce et de l’Italie, ainsi qu’à l’impuissance de l’Union Européenne à faire quelque chose, et vous avez la recette pour la récession mondiale en cours.
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Article publié dans le New American Journal le 10.11.2011.
Traduction : David pour Contrepoints.
(*) Bob Adelmann est un journaliste libertarien et un businessman connu pour son analyse sur le rôle de la Fed dans l’histoire des États-Unis. Il est membre influent de la John Birch Society et de la National Rifle Association.