Magazine Culture

Rêveries du péripatéticien solitaire

Publié le 14 novembre 2011 par Legraoully @LeGraoullyOff
Print Friendly

Rêveries du péripatéticien solitaire

« La vraie République: aux hommes tous leurs droits et rien de plus, aux femmes tous leurs droits et rien de moins« 

Susan Anthony

La Grèce n’est pas que le pays des dettes infinies où tout le monde s’appelle Lambda Papadopoulos, c’est aussi le berceau de la pensée occidentale. Quoique mon aversion pour l’autorité m’amène en général fréquenter l’école cynique et à philosopher comme un chien, il arrive qu’en étant péripatéticien on soit aussi un peu stoïque en rencontrant un horrible sophisme entretenu par des millénaires de paternalisme. Voici l’origine de mon trouble métaphysique. Alors que j’arpentais une avenue proche de mon domicile en serrant affectueusement la bouteille de vin que je venais d’acquérir, je croisais comme de coutume sur mon chemin quelques hétaïres qui monnayaient leurs charmes. Peut-être d’aucuns trouveront l’anecdote au mieux insignifiante, au pire cocasse, mais personnellement j’éprouvais une tristesse certaine de voir ces pauvres femmes se vendre au premier blaireau à 4X4 venu, alors qu’il faisait grand-froid, chagrin qui allait crescendo et se doublait d’une détresse digne de Chopin à l’endroit de mon imprévoyance, car la vodka réchauffe bien mieux que le vin et qu’il était trop tard pour faire demi-tour.

Pendant ce temps, la Bourse a intimé Berlusconi le caïman de ranger les siennes au profit de Monti le python, et le PS s’est défait de ce qui fut son membre le plus proéminent (et pas turgescent: il y a longtemps qu’il n’y a plus rien de rouge au PS). Dominique Strauss-Kahn affirme souffrir du « lynchage médiatique » dont il est la cible et et consent à admettre qu’il est « malade ». On pourrait lui arguer que ça lui apprendra à tremper son biscuit sans l’autorisation de la dame, et qu’il serait temps qu’on administre au pourceau des piqûres. Or, ces deux énergumènes furent de grands consommateurs de prostituées, et si l’une n’avait pas été mineure et quelques autres mises à disposition du priapique ex-patron du FMI par des notables, on n’a pas l’impression que grand-monde ne s’en serait ému. En France, on a même l’impression que la fréquentation des ribaudes est un signe de santé gaillarde bien en phase avec l’appétit rabelaisien qui nous distingue de l’Anglais qui ne rit que quand il brûle des jeunes Lorraines déjà bien illuminées avant que de prendre feu. De même, un adage « bien de chez nous » affirme sans aucune preuve que la prostitution serait le plus vieux métier du monde. Admettons tout de même qu’il doit y avoir une part de vérité: c’est toujours les femmes qui se cognent le sale boulot. Enfin, d’aucuns trouvent que ce serait une fine idée de rouvrir les maisons closes. Rien que le fait qu’une maison close ouverte soit toujours close m’énerve du point de vue grammatical, mais pis encore, les tenants de cette « idée » essaient de faire passer leurs tendances sadiques pour un parangon de libertinage, et c’est moi qui passe pour un réac. Bande d’atrophiés du mandibule foutatoire, tout ce que vous méritez de la maison close, c’est la syphillis, la chaude-pisse et autres maladies vénériennes qui je l’espère finiront de vous ronger l’appendice qui vous tient lieu de cerveau.

Laissons quelques instants le trottoir et revenons à notre tonneau cynique. Tout l’objet de la philosophie qui n’est pas infestée de moraline et de superstition, c’est la liberté, le droit à la sphère privée, et plus précisément l’affirmation du corps. Obliger quelqu’un à se prostituer, par la contrainte économique ou morale, c’est le priver de disposer de soi. Grisélidis Réal (cherchez sur Wikipédia, je vais pas vous mâcher tout le boulot) regrettait qu’on la prenne pour une prostituée qui écrivait, alors qu’elle était une artiste qui se prostituait. Les arguments oiseux qui voudraient que certaines « femmes publiques » se prostituent par plaisir sont un mythe assis sur un mythe aussi désolant que celui de la supériorité d’un genre sur l’autre, et si elles existent, elles ne sont dans le meilleur des cas qu’une infinitésimale exception. Le raisonnement qui veut qu’il n’y ait pas que des pauvresses maltraitées mais aussi des « putes de luxe » n’est aussi que ratiocination de macho: la dignité n’a pas de prix (ou alors on parle des acteurs de publicité et il faudra inventer un autre mot pour différencier les vendus des prostituées). Enfin, l’autre argument qui consiste à dire que le bordel est une soupape à la misère sexuelle est définitivement le plus con de tous. D’une part contrairement au recours à la « professionnelle du sexe », la psychanalyse est remboursée par la Sécurité Sociale, et d’autre part c’est le culte de la consommation qui met des femmes dehors par un froid de canard et qui crée ce constant sentiment de privation. Je ne peux qu’approuver le législateur suédois qui tape sur le « consommateur » (désolé de mettre des guillemets partout, mais le fait de « consommer » quelqu’un me dégoûte), plutôt que de mettre des vies en danger avec un délit de racolage passif qui embête tout le monde sauf les proxénètes. Et même si je crains que la plastique des jolies ukrainiennes de Femen ne fassent passer leur message au second plan, je partage totalement leur combat contre les érotomanes de supermarché qui font leurs commissions dans les lieux de misère.

Dans un prochain épisode, nous sèmerons la discorde chez les débatteurs qui opposent musulmans modérés et intégristes, en rappelant que tous les Arabes ne sont pas musulmans et tous les musulmans ne sont pas arabes.


Retour à La Une de Logo Paperblog