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Yann Arthus-Bertrand : "faire de l'écologie, c'est aussi s'intéresser aux hommes"

Publié le 14 novembre 2011 par Bioaddict @bioaddict

Yann Arthus-Bertrand

Célèbre photographe auteur des clichés "La terre vue du ciel" et réalisateur passionné d'environnement, Yann Arthus-Bertrand nous livre quelques confidences écolos et nous donne un avant-goût de son prochain film. Une interview exclusive pour bioaddict.fr.

  1. Bioaddict.fr : Plutôt bio addict ou bio novice ?

    YAB : Je fais toujours très attention à ce que je consomme. J'achète directement ma viande auprès de producteurs bleu blanc coeur, j'ai un poulailler et un potager, donc je mange des oeufs et des légumes bio. On peut dire que j'ai commencé à manger des produits bio depuis que j'habite à la campagne.
  2. Le déclic de votre intérêt pour l'environnement :
    Je suis un peu comme tout le monde. Il n'y a pas vraiment eu de déclic. Cela s'est fait petit à petit, à force de voyages, en lisant des bouquins, etc. Je m'intéresse à la nature et à l'environnement depuis que j'ai fais 20 ans et aujourd'hui je suis devenu un "activiste" grâce aux personnes impliquées que j'ai pu rencontrer, aux scientifiques avec qui j'ai pu parler, ce que j'ai pu constater dans l'exercice de mon métier, etc. Cela s'est fait de manière progressive.
  3. Une rencontre qui vous a marqué : 
    Récemment, j'ai été dans un petit orphelinat d'une cinquantaine d'enfants à Brazzaville, tenu par une soeur aveugle. Certains pensionnaires étaient atteints du SIDA et se faisaient accompagner à l'hôpital par leurs ainés. Ceux qui ne pouvaient pas aller à l'école assistaient aux cours de ceux qui y étaient allés. J'ai été très touché par toute cette solidarité.
    Dans ma fondation (ndlr : Fondation Goodplanet), nous nous axons beaucoup vers des projets humains, au travers du projet de films " 6 milliards d'autres " (aujourd'hui " 7 milliards d'autres "). Nous faisons certes de l'écologie mais il est impossible de lutter contre la déforestation si on ne lutte pas contre la pauvreté. Aujourd'hui faire de l'écologie, c'est aussi s'intéresser aux hommes.
  4. Qu'est ce qui vous révolte ?
    Je ne suis plus vraiment dans le sentiment de révolte... Comme tout le monde, je mange de la viande, comme tout le monde je prends la voiture et l'avion, mais j'essaie autant que possible d'éviter les excès. Ce qui m'affecte - plutôt que me " révolte " - c'est pourquoi j'ai réussi à prendre conscience de ces excès et pourquoi d'autres ne font pas cette démarche, ou ne changent que sous la contrainte (parce que c'est moins cher, parce qu'il y aura une pénurie de pétrole, etc).
    D'autre part, la manière dont nous traitons les animaux sauvages et les animaux domestiques dans notre société industrielle, me semble anormale.
  5. Une région du monde qui vous a particulièrement charmée :

    Les endroits les plus préservés sont les endroits où l'homme ne vit pas, mais si l'homme n'y habite pas, c'est qu'il y a une raison et que les conditions de vie y sont particulièrement difficiles. Ou alors, ces espaces sont tellement protégés que c'est un privilège d'y accéder et on finit par y séjourner dans des hôtels de luxes.
    Les endroits qui m'intéressent réellement sont ceux où il y a une d'harmonie entre l'homme et la nature. Il y en a des moins en moins car la pression démographique ainsi que notre soif de confort sont telles qu'aujourd'hui nous avons pris l'habitude de détruire la nature. L'homme fait partie de cette nature, mais il est unes espèce particulièrement invasive qui ne laisse plus beaucoup de place aux autres espèces... Je cite souvent ce chiffre car je le trouve très percutant : 98 % de la biomasse des vertébrés dans le monde sur terre, c'est l'homme et les animaux domestiques. Ce qui veut dire que les espèces animales sauvages ne se résument qu'à 2 % de la biomasse totale... S'il est trop tard pour faire marche arrière, j'estime qu'il est également trop tard pour être pessimiste.

  6. Un mot sur le film ou les films que vous réalisez en ce moment ?
    Je réalise un film sur les Océans pour France 2, qui sera diffusé lors de la conférence de Rio + 20, libre de droits, gratuit pour les écoles. Et je suis également en train de tourner mon nouveau film, Human, qui donne la parole aux hommes.

  7. Un message pour nos lecteurs ?
    Je ne suis pas quelqu'un qui dicte la conduite des autres. Le monde d'aujourd'hui est extrêmement complexe, entre la crise économique, le chômage, (...), on ne sait plus très bien vers quoi se tourner. Par exemple, on va nous dire de manger moins de viande pour réduire nos émissions de CO2. Alors, on va se tourner vers le poisson, en risquant, en contrepartie, de vider les océans. Il me semble que le conseil le plus juste est d'ouvrir les yeux et de voir la vérité en face. Il faut se donner la peine de réfléchir aux améliorations possibles, et surtout, éviter le gaspillage qui me semble être un problème majeur. Que ce soit dans la restauration, les cantines ou à la maison, j'estime qu'on n'a plus le droit de jeter. 
    Il faut limiter les dépenses, apprendre à vivre mieux, avec moins.
    Propos recueillis par Alicia Muñoz

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