D'une crise à l'autre. Il y a plus de deux ans, la Réunion, dans la foulée des Antilles, manifestait dans la rue contre la vie chère. Quasi émeutes là-bas, manifs molles ici. Et en métropole, levée de boucliers de la part du parisianisme de plume, les éditorialistes à écharpe rouge, et de la part du bon peuple, internautes sans z, mais avec le zèle anonyme, du français moyen, pour qui le domien est un paresseux qui vit aux frais de l'Etat, et doit se contenter de fermer sa gueule en mangeant des bananes (exercice périlleux s'il en est).
Deux ans plus tard, un drame national survient. Un incendie criminel met le feu au coeur écologique de l'île de la Réunion, le parc national des hauts, classé au patrimoine mondial de l'Unesco. La Réunion hurle à l'abandon : l'Etat mettra plus de quinze jours avant de prendre en compte l'ampleur des dégâts, et la nécessité de secours appropriés.
Les Réunionnais ne sont pas contents. Et bizarrement, les Français de France sont d'accord. Sur les forums d'internet, sur les ites d'information, cette fois, nulle invective à l'encontre de ces "paresseux", nul appel à "leur donner l'indépendance", nul racisme sous-jacent, mais une forme de... solidarité. Etonnant, non ?
Des intervenants sur différents forums mettent en avant la menace sur des espèces endémiques, sur la flore "unique au monde", menacée par les flammes, et argumentent sur la nécessité absolue pour l'Etat de faire son devoir.
Que les Réunionnais (ou les autres Domiens) soient écrasés par des monopoles qui les étranglent, qu'ils soient soumis à des lois iniques, c'est une chose. Mais que des margoillats rares ou des plantes endémiques soient menacés de disparition par le feu, là, c'est une question brûlante.