Ce titre est une référence peu subtile aux "Lettres persanes", de Montesquieu. Imaginons, à l'instar de Usbek et Rica, les deux touristes perses visitant un Paris pour eux délirant, deux autres touristes (appelons-les Willy et Giovanni) déambulant dans la Réunion d'aujourd'hui.
Ne poussons pas le bout jusqu'à les mettre en scène dans la France d'aujourd'hui. Encore moins dans l'Europe de maintenant.
Ce serait cruel.
Willy voudrait satisfaire sa soif d'une bière Dodo.Giovanni suivrait, et envisagerait un sandwiche bouchons gratinés. Las, le patron du bar-PMU leur rétorquerait avec cruauté : "paye zot dette d'abord".
Or, la dette de Willy et de Giovanni, noté sur le carnet de la boutique, était libellé en Euros. Après un coup de fil à un pote chinois, Willy comprit qu'il pouvait avoir un crédit illimité. "Mèt la tournée !", tonna-t-il, en frappant du poing sur le comptoir.
Le patron mit la tournée.
Bien des tournées plus tard, leurs têtes ayant tourné, les deux compères sortirent tant bien que mal du PMU. "Comment peut-on être yab", lâcha Willy, tandis que le patron, qui gardait précieusement ses carnets, où s'accumulaient des mois de dettes, se disait in petto : "Comment peut-on être aussi con ?"
Bah, voilà comment l'économie de la Réunion s'est faite, à l'instar de l'économie mondiale : les carnets. Autrement dit les dettes. On ne vit que de dettes. Et les commerçants ne vivent que de nos dettes.
Sauf les Grecs. Et bientôt les Italiens. Et les Portugais. Et les Français... Ah, non, pas nous. En tout cas pas à la Réunion. Comment peut-on être Persan ? Comment peut-on être con ?
François GILLET