Générations & investissement (3/7) : les baby boomers (1943-1959)

Publié le 15 novembre 2011 par Chroom

Selon la théorie de William Strauss et Neil Howe, la génération des boomers occidentaux serait composée en grande partie d’idéalistes et d’égocentriques. Cette génération serait en conflit avec la génération X et aurait parfois des difficultés à comprendre le conservatisme, l’homogénéité et les capacités de travail en équipe qu’arborent leurs enfants de la génération Y. Encore une fois, soulignons que nous parlons ici de typologies sociales réunissant les traits globaux d’une génération. Ce n’est pas parce que l’idéalisme est une caractéristique de beaucoup de boomers qu’il concerne tous les membres de cette génération. On trouvera sans peine aucune des « Y » plus idéalistes que des boomers.

Le sociologue français Louis Chauvel souligne la chance historique exceptionnelle des membres de cette génération, dans les pays occidentaux, et souligne ce qu’il considère comme leur responsabilité dans la crise vécue par les générations suivantes.

Il est vrai que les baby boomers ont le cul bordé de nouilles. Ils n’ont pas connu la guerre et ont grandi durant les « Trente Glorieuses », cette forte période de croissance économique entre 1945 et 1973. La plupart des boomers n’ont donc pas connu le chômage en arrivant sur le marché du travail. Bien qu’ils subissent les crises pétrolières de 1973 et 1979, ils retombent dans la croissance durant les deux décennies suivantes. Les boomers commencent à prendre le pouvoir en remplaçant peu à peu les « silencieux » durant les années ’90. Au début du 21e siècle, ils sont au pouvoir dans la plupart des organisations économiques et politiques.

Louis Chauvel n’a pas complètement tort quand il dit que les boomers sont responsables des crises vécues par les générations suivantes. Mais là encore il faut se méfier des généralisations. La recherche du succès et l’individualisme sont des valeurs que les boomers ont érigé au centre des préoccupations de nos société actuelles. Elles rythment nos vies, pour le meilleur et pour le pire. Poussées à l’excès, elles riment avec opportunisme, égocentrisme, corruption, fraude, gaspillage, et pollution.

Il faut bien reconnaître que l’arrivée au pouvoir des boomers coïncide avec de nombreuses crises dont les valeurs qu’ils prônent peuvent être responsables. Cela a commencé par la célèbre faillite en 2001 d’EnronKenneth Lay (1942) , PDG, et Jeffrey Skilling (1953), ex-PDG, ont été accusés et reconnus coupable de nombreux chefs d’accusation, notamment de fraude et de délit d’initiés.

Deux ans plus tard, c’est Calisto Tanzi (1938), fondateur de Parmalat qui est accusé et condamné dans le scandale financier qui a touché sa société. En 2008, Madoff (1938) est accusé et  condamné pour avoir monter la plus célèbre chaîne de Ponzi de l’histoire. Même si du point de vue de leur âge Tanzi et Madoff  devraient de justesse encore être considérés comme des membres de la génération silencieuse, leur soif de succès à tout prix est plus proche du type sociologique attribué aux baby boomers. Comme nous l’avons déjà dit les frontières  générationnelles peuvent être très poreuses.

En 2008, on assiste à l’apogée de ces catastrophes à répétition entamées depuis 2001, avec la faillite de Lehman Brothers. Le PDG et président du conseil d’administration de l’entreprise, Richard S. Fuld, Jr. (1946) est considéré comme l’une des personnalités les plus détestées du monde de la finance selon le Financial Times. En Suisse, c’est Marcel Ospel (1950) qui quitte l’UBS la même année et qui est critiqué pour sa gestion de la banque irresponsable et irrespectueuse envers la Société.

En 2011, Fukushima vient nous rappeler que le développement à tout prix peut avoir des conséquences irréversibles sur le long terme. Les boomers n’ont pas inventé les centrales nucléaires et ils ne sont pas les responsables uniques de cette catastrophe. Mais les valeurs individualistes de nombre d’entre eux sont souvent contradictoires avec toute notion de développement durable et se réalisent ainsi au détriment des générations futures.

La même année, trois ans après la crise financière, on assiste à l’effet boomerang avec une crise budgétaire majeure, la dévaluation du rating de la note des USA, et les profondes inquiétudes à propos de la dette des PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne). L’Angleterre ne va pas mieux, et la France conserve étonnamment son triple A, même si celui-ci ne tient qu’à un fil. Encore une fois, les boomers ne sont pas les responsables uniques de cette crise. Le problème des  déficits publics des pays développés remontent à plusieurs dizaines d’années.  Mais la soif de succès à tout prix et l’individualisme de nombre d’entre eux ont creusé encore plus le gouffre de la dette et reporté le problème sur les générations futures. G.W. Bush (1946) et N. Sarkozy (1955) peuvent ainsi se vanter d’avoir atteint des records jamais atteints en la matière.

Tout récemment encore, c’est Daniel Vasella (1953) qui s’illustre avec Novartis, en supprimant 2000 emplois, dont 1100 en Suisse, alors même que l’entreprise réalise des milliards de bénéfices. Egocentrisme, quand tu nous tiens…

Pourtant, pourtant… autant l’individualisme, la soif de succès et l’idéalisme, quand ils sont poussés à l’extrême, peuvent amener aux pires catastrophes, autant lorsqu’ils sont utilisés à bon escient, ils peuvent produire de petits miracles.

Steve Jobs (1955), même s’il n’était pas le patron qu’on rêve d’avoir, a changé la vie de millions de personnes en quelques années avec son iPod, son iPhone et son iPad. Il a repris une Apple moribonde, l’a remise sur les rails et en a fait, en 14 ans, la deuxième capitalisation mondiale. L’entreprise doit énormément au charisme, à la pugnacité et à la vision de son patron.

Son concurrent de toujours est Bill Gates (1955), l’homme le plus riche du monde durant de nombreuses années. Il est aussi considéré comme l’homme le plus spammé du monde. Bill Gates est réputé pour n’avoir rien inventé et pour avoir piqué des idées un peu partout, surtout à Apple. Mais son génie commercial et son alliance avec IBM ont fait qu’il a réussi à imposer Windows à travers toute la planète. On peut détester Bill Gates, mais il faut bien reconnaître qu’on est presque obligé aujourd’hui de faire avec lui. Comme Steve Jobs, sa vision, sa soif de succès et sa pugnacité ont été les clés de sa réussite. Son idéalisme prend la forme aujourd’hui de sa fondation humanitaire, dans laquelle il s’investit pleinement et à laquelle il prévoit de léguer la plus grande partie de son héritage.

Pour le meilleur et pour le pire, les boomers ont fondamentalement changé le visage de notre planète. Leur exubérance, leur soif de succès, la recherche du plaisir dans tout ce qu’ils font contraste très nettement avec la génération silencieuse qui a précédé. Ils sont à l’origine des crises comme des plus belles réussites et leurs attitudes extrêmes peuvent peut-être expliquer le comportement chaotique des marchés depuis la fin des années ’90.

S’ils ont semé le doute dans le monde économico-politique, ils possèdent pourtant les clés pour faire redémarrer toute la machine. 43 ans après leur révolution en mai ’68, ils arrivent désormais en fin de carrière professionnelle et se préparent à vivre une retraite bien méritée. Leur condition n’a plus rien à voir avec celle des « silencieux » : la plupart ont des moyens financiers, sont en pleine santé et veulent se faire plaisir. Ces nouveaux papy boomers représenteront sans aucun doute un pilier de la consommation ces prochaines années, notamment dans le domaine de la santé.

Un boomer investisseur dans la blogosphère (avec son fils de la génération Y) :

http://www.boomerandecho.com/

Dans notre prochain article, nous passerons en revue la génération X.