Des NEO, encore des NEO

Airbus bat ses prévisions les plus optimistes.
C’est une situation exceptionnelle : il y a moins d’un an que l’A320 remotorisé NEO (New Engine Option) a été lancé et plus de 1.300 exemplaires en ont déjà été placés. Un succès commercial remarquable qui annonce un défi industriel difficile dans la mesure où l’avionneur européen est à présent obligé de remonter ses cadences de production dans des proportions importantes.
Le salon de l’aéronautique de Dubaï a confirmé cette envolée de manière spectaculaire. En effet, après un premier tir groupé de commandes en début de semaine, Spirit Airlines et Qatar Airways se sont disputé la vedette. La compagnie américaine a annoncé sa décision d’acheter 75 avions, dont 45 NEO, les autres exemplaires étant des modèles «classiques» livrables plus rapidement.
Quelques heures plus tard, ce sont les Qatari qui sont passés à l’action. Et cela contre toute attente, un problème de dernière minute s’étant visiblement posé et une conférence de presse annulée in extremis. Comme les connaisseurs l’avaient pressenti, l’imprévisible directeur général de Qatar, Akbar al Baker, avait réfuté un point du projet de contrat et n’avait pas trouvé de terrain d’entente immédiat avec John Leahy, directeur commercial d’Airbus. Puis le différend a été aplani et Qatar a confirmé son intention de commander 50 NEO, en même temps que cinq A380 supplémentaires.
L’incident avec Qatar, qui s’est évidemment déroulé derrière des portes closes, confirme qu’il faudra inciter John Leahy, maintenant jeune sexagénaire, à écrire ses mémoires, le moment venu. Il s’est en effet retrouvé au cœur de l’action, pendant de nombreuses années, découvrant l’envers du décor et la vraie vie au sein de compagnies qui ont façonné l’industrie des transports aériens contemporaine. Le tout dans une valse de dizaines de milliards de dollars.
A présent, on écoutera avec attention Airbus, compte tenu de l’obligation qui lui est faite de produire davantage d’avions. Il est trop tôt pour aborder le sujet mais on a entendu dire, il y a quelques semaines déjà, que la cadence de production de la famille A320 pourrait passer à une cinquantaine d’exemplaires par mois. Ce qui serait sans doute un minimum. Du coup, les imaginations vont certainement s’enflammer et peut-être reparlera-t-on d’un projet évoqué …dès les années quatre-vingt, celui de la création d’une chaîne d’assemblage aux Etats-Unis. Ou encore du développement des installations chinoises d’Airbus, actuellement prévues pour livrer quatre A320 par mois et pas davantage. Si les approvisionnements à long terme ne posent apparemment pas de problèmes, il n’en sera sans doute pas de même pour l’ensemble des fournisseurs. Des risques d’étranglement sont prévisibles et demanderont à être traités très tôt.
Ces jours-ci, cette actualité a laissé peu de place à d’autres sujets. A commencer par la décision d’Embraer de renoncer à lancer un avion à 130 ou 150 places. Le constructeur brésilien, bien qu’il ait les moyens de ses ambitions, a en effet opté pour la sagesse. Il va concentrer ses efforts sur sa gamme actuelle, moderniser les E-Jet, les doter de nouveaux propulseurs et éviter ainsi de se disperser en prenant des risques jugés inconsidérés. D’autant que la situation difficile dans laquelle se débat Bombardier incite à la réflexion, le C.Series ne connaissant pas le succès espéré.
Reste à savoir ce qui va se passer chez Comac et Irkut. Le C919 chinois démarre lentement mais sûrement sur son marché national, ce qui pourrait suffire au bonheur des responsables du programme, dans un premier temps tout au moins. Mais dans l’hypothèse où Ryanair s’engagerait à en acheter 200 exemplaires, l’avion chinois changerait instantanément de catégorie. L’hypothèse n’est pas absurde mais, dans l’immédiat, exige prudence et patience. Irkut, à l’opposé, ne s’exprime guère mais travaille au MS 21. Bientôt, le feuilleton abordera sa saison 2.
Pierre Sparaco - AeroMorning