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Lecture (sociologie/divertissement).

Par Ananda

Stephen CLARKE : « FRANÇAIS, JE VOUS HAIME », Pocket, 2005

Journaliste britannique, Stephen CLARKE a une très grande expérience de la France. Il a pour lui d’y avoir passé « la moitié de [sa] vie d’adulte ». Et le moins qu’on puisse dire est que le portrait du « Gaulois » qu’il dresse au fil des quelques deux cent cinquante pages de cet ouvrage n’est pas vraiment flatteur.

Mi badin, mi féroce, l’auteur épingle aussi allègrement que minutieusement les nombreux (et énormes) travers qui affligent les enfants du pays de Molière.

Rire en se regardant dans le regard de l’autre, quoi de plus irrésistible ?

Quoique…apparemment, il semblerait que le Français s’accroche trop à la fameuse « exception  nationale » pour ne pas le fuir soigneusement, ce regard. Serait-il sur la défensive ?

C’est ce que, ma foi, incline à soupçonner l’impitoyable auteur de ces pages.

Marqué par une histoire étatique forte qui a tendance à tout rigidifier, traumatisé selon toute probabilité par l’occupation nazie subie durant la Seconde Guerre Mondiale et taraudé depuis longtemps par le sentiment d’une irrémédiable défaire face à des « Anglo-Saxons » infiniment plus en phase avec le monde actuel (qu’ils ont d’ailleurs largement contribué à créer) et autrement plus « dynamiques » que lui, l’habitant de l’hexagone, en réalité, « manque d’assurance ».

Pour pallier une telle carence, il ne semble avoir rien trouvé de mieux à faire que de s’identifier à l’une des figures centrales de son Histoire : le Roi-Soleil.

Il en résulte, selon les dires de Stephen Clarke, un caractère et un comportement pénibles qui génèrent volontiers les tensions et entretiennent non moins volontiers le stress.

Pour notre « british », aucun doute: la rage d’affirmation de soi (quasi maladive) est à l’origine d’à peu près tous les inconvénients de la vie française. Il s’en faudrait, à l’écouter, de peu pour que les glorieux trois termes de la devise tricolore « liberté, égalité, fraternité » ne se trouvent, dans le concret des faits de tous les jours, supplantés en bonne et due forme par trois autres termes : « mes droits », « mon importance » et « tel est mon bon plaisir ».

Pas facile…

La vie en France nécessite, c’est un fait, une extrême patience, doublée d’une ténacité à l’avenant. Car on y cultive une fierté qui, quelquefois, confine à la paranoïa, si ce n’est au grotesque.

Susceptibles, envieux, méfiants, prétentieux, pontifiants et « pédants », conformistes et bourgeois dans l’âme (par conséquent CONSERVATEURS), hypocrites, combinards, camoufleurs (d’où le légendaire « chacun pour soi » qui dissimule si bien la « petite cuisine » et les manies peu reluisantes, tellement néfastes à leur précieuse « image »), incivils, laxistes (parce que rebelles à toute contrainte), geignards, grincheux et insatisfaits chroniques, compliqués, polémiques à l’excès et amateurs de psychodrames, xénophobes, jacobins, snobs et, ce faisant, très à cheval sur la notion de « place » (que chacun, bien sûr, doit garder), mufles, amoureux des gros mots mais pour autant non moins épris de leur polisse tatillonne et cérémonieuse, les Français vous noient sous leur CONDESCENDANCE, signe évident d’intolérance à toute forme d’altérité. D’altérité…une altérité qui se retrouve, là, à tous les échelons, puisqu’elle englobe tout aussi bien le voisin de palier que l’étranger radical, le « Qui-vient-d’Ailleurs », en passant naturellement par tout être simplement étranger au sacro-saint « MOI » et/ou non susceptible de procurer à ce dernier le plaisir qui lui revient DE DROIT.

Par quelque bout qu’on veuille prendre le problème, l’Autre, c’est celui qui gêne et, comme nous le fait remarquer fort finement et fort malicieusement S. Clarke, l’aphorisme L’enfer, c’est les autres n’a pas été pour rien le produit d’une plume française.

Que penser, après un pareil catalogue de mœurs étrangement asociales et comme faites pour dissuader l’ « alien » de se sentir bien dans l’hexagone, d’y rester ? N’est-on pas en droit de se demander, en proie à la consternation, « mais quel est le problème ? ».

Stephen Clarke – qui, ne vous y trompez pas, déclare aussi aimer la France – hasarde quelques pistes de réflexion.

En premier lieu, la France est un endroit où il fait bon vivre (on y révère la bouffe, le sexe, la séduction et l’AMOUR, bref la  dolce vita  au moins autant que l’on y cultive la religion du « secret », appelé omerta dans d’autres cultures latines), mais il faut s’accrocher. Elle se « mérite », en quelque sorte, au prix d’un effort de tout instant, d’une adhésion inconditionnelle, tripale, profonde – où l’on ne doit jamais s’engager à la légère. N’attendez pas d’elle qu’elle s’ouvre d’emblée…non, ce serait bien trop facile…Bien plutôt, elle vous « rudoie » parce qu’elle attend de vous de l’amour avec un grand A. C’est aussi simple…

Peut-être pourrait-on interpréter cela comme une forme de « test ».

Et si, par bien des côtés, l’hexagonal peut apparaître comme un insupportable crétin bien trop gâté par les protections étatiques « providentielles » et avec lequel on a trop souvent la sensation de marcher sur des œufs, il n’en demeure pas moins que la douce vie dont il jouit et dont il aime jouir ne peut que l’amollir, l’inciter tout naturellement au CONSERVATISME.

Pays de révolutions terribles (et pour elle sources d’orgueil), la France l’est sans doute à cause de l’excès d’encroûtement auquel la porte par ailleurs sa pente naturelle, cependant que la Grande Bretagne, probablement moins gâtée par son climat plus nordique, plus rude, a développé tout à la fois un flegme beaucoup plus abouti et une idéal de fighting spirit plus viril et plus stoïque qui la distingue radicalement de sa plus proche voisine.

En somme, en France, on parlerait trop, (beaucoup) trop pour, au total, peu agir, peu faire bouger les choses, alors que de l’autre côté de la Manche, ce serait le contraire.

Reste qu’on ne ressort pas de cette lecture de Français, je vous haime particulièrement fier d’être « Gaulois » (eh oui, je ne résiste pas, au passage, à paraphraser plus ou moins Max GALLO).

Un français bon teint vous rétorquera : « alors, qu’est-ce que ça fait ? On s’en fout, non ? ».

Irritante, voire horripilante, la France ? Certes, mais également si folklorique et si « spéciale » qu’on lui pardonne volontiers…et que, plus important encore, on en tire un livre qui sait faire rire, quelquefois, aux larmes !

Car, répétons-le, de bout en bout, l’amusement (même s’il est quelque peu trempé dans un vitriol qui fait redoutablement mouche) et l’hilarité sont de mise dans cet aimable ouvrage, qui constitue, soit dit en passant, le livre de vacance idéal.

Les Français sauront-il l’apprécier à sa juste valeur, sans céder à leur susceptibilité et à leur manie proverbiales de prendre au tragique toute critique à leur encontre ?

Franchement, c’est ce que je leur souhaite.

La décontraction face à la critique, voire face à la vérité, même peu glorieuse, signe l’âge de lucidité et de sagesse pleinement adulte.

Et puis, en matière de critique (des autres), ce recordman de l’ego surdimensionné qu’est le Français a aussi la dent dure !

PL.


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