"J’ai l’impression de me retrouver quinze ans en arrière" lance un Riké aux yeux rieurs en ouvrant la porte du Studio 214. C’est dans ce local logé au bord d’une artère grenobloise que pendant dix jours les musiciens de Sinsémilia se sont remis à l’ouvrage.
La première session de travail s’achève en ce mercredi de février, et on devine qu’elle a été éprouvante sur le plan physique en regardant les visages. Assis devant la console, Laurent "Edgar" Guéneau a les traits vraiment creusés par la fatigue. L’ingénieur du son installé à Paris, qui avait notamment mixé le single Tout le bonheur du monde – vendu à 400.000 exemplaires – sur le précédent album, a été sollicité cette fois pour remplir les fonctions de réalisateur.
Derrière lui, au fond de la pièce, calés dans leurs chaises, Ivan, Riké et Natty écoutent avec une attention très studieuse la chanson encore incomplète que diffusent les enceintes. "Little Child, toi l’enfant de Dakar/ Il y a quinze ans déjà je croisais ton regard/ (…) Quinze ans ont passé, raconte-moi ton histoire" dit le refrain de Little Child 2, suite d’un morceau paru sur Première Récolte en 1996. Le jeu de guitare, dans la plus pure tradition jamaïcaine, a de quoi surprendre chez Sinsémilia. "J’ai passé un mois avec Earl China Smith et il m’a tout appris" plaisante Riké avant d’expliquer que c’est en réalité Nordine, un musicien de Grenoble, qui a apporté son savoir faire.
Après la pause déjeuner, Zaz fait son apparition. Il est venu ajouter quelques parties aux claviers. Pendant une dizaine de minutes, il fait des essais en écoutant la musique, puis propose différentes options à ceux qui sont présents avant que Laurent Guéneau appuie sur la touche "record".
Le reggae roots, dont les Sinsémilia se sont tant nourris dans leur jeunesse, sera visiblement à l’honneur sur le prochain album, comme le laisse augurer certaines compositions déjà enregistrées en grande partie. La nouvelle version de Nice Coming, un titre que les fans de la première heure ont eu l’occasion d’entendre en live mais qui n’a jamais figuré sur aucun disque du groupe, rappelle sans ambiguïté l’esprit de l’album Live & Direct du trio Aswad, un chef d’œuvre du reggae. Les Grenoblois auraient-ils invité des vétérans jamaïcains, seuls capables de jouer de la sorte ? Dans quel placard, derrière quel rideau se cachent-ils donc ? En guise de réponse, les saxophonistes Karine et Bozo arrivent au studio, suivis un peu plus tard par Oliver, le tromboniste. La section cuivres de Sinsémilia a pris, sur le plan musical, une sacrée dimension au fil des années.
De façon tout à fait informelle, voilà le groupe quasiment au complet en fin d’après-midi. Dans le couloir, autour d’un thé ou d’un café, la discussion s’engage. On parle des prochaines échéances pour l’album, des répétitions pour la tournée d’été qu’il va falloir préparer. La motivation et la joie de passer à nouveau du temps ensemble ne font aucun doute. Une ambiance idéale dont sera à coup sûr imprégnée le prochain album qui sera achevé "au mieux, au plus vite", se contente d’indiquer Mike, soucieux que sa troupe conserve le même état d’esprit.
source: rfi