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De la servitude moderne

Publié le 17 novembre 2011 par Hermes
De la servitude moderne« De la servitude moderne »,
Tel est le titre, sur un modèle debordien, d’un film, d’un livre ou d’un site… On ne sait pas trop.
Pourquoi pas, même si déjà « Les temps modernes » de Chaplin, pour ne citer que celui-là nous donnait une critique quelque plus caustique de ce monde de servitude.
 Mais n’est pas « situationniste » qui veut et, là où il y avait créativité, imaginaire et effraction dans les codes politiques, esthétiques et linguistiques, on ne trouvera ici qu’un triste ramassis de vieux clichés dont il n’est pas inutile de faire l’analyse tant ceux-ci prolifèrent chez ceux qui, paradoxalement ( ?) ne pensent la révolution que comme spectacle.
Car Debord c’est autre chose.
 Et d’abord de la dérision pour notre culte du dérisoire. Donc de l’humour, de la jubilation très loin de cette récupération qui ratisse large, si large qu’elle ne vise aucune cible si ce n’est que l’apparente bonne conscience de ceux qui sont l’auteur de cette « œuvre », laquelle , bizarrement, s’achève sur un appel à l’émeute - message subliminal, non dit, métaphorique, mais qui en irrigue le style jusqu’à aboutir à des images d’émeutes, lesquelles sont, bien sûr, l’alpha et l’oméga de ce « petit traité de savoir vivre à l’usage des bisounours modernes ». Même style, même plagiat de Debord que ces zigotos pieds nickelés de la révolution, auteurs de "L'insurrection qui vient." 
Et soyons sûr que le néolibéralisme et ses oligarchies, curieusement épargnés ici, n’y sont pas étrangers.
Et puisque toute cette "oeuvre" n’est qu’un fatras de citations pour faire chic et choc, il faut quand même rappeler que « citation n’est pas raison ». Pourtant, je me limiterai à celle-ci, page «33 de « Commentaires sur la société du spectacle » de Guy Debord :
« Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi, le terrorisme. Elle veut, en effet être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats. L’histoire du terrorisme est écrite par l’Etat ; elle est donc éducative. Les populations spectatrices ne peuvent certes pas tout savoir du terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et démocratique. »
Et plus loin, page 60 : « La conception policière de l’histoire était au XIXe siècle une explication réactionnaire, et ridicule, alors que tant de puissants mouvements sociaux agitaient les masses. Les pseudo-contestataires d’aujourd’hui savent bien cela, par ouï-dire ou par quelques livres, et croient que cette conclusion est restée vraie pour l’éternité ; ils ne veulent jamais voir la pratique réelle de leur temps ; parce qu’elle est trop triste pour leurs froides espérances. L’Etat ne l’ignore pas, et en joue. »
« De la servitude moderne » ce n’est que ce miroir aux alouettes dans ce que le spectacle d’aujourd’hui a de plus pernicieux. Il suffit de voir le film, de suivre ses séquences apocalyptiques dans le meilleur style new age et millénariste. D’écouter sa musique lugubre. De comprendre que nous sommes dans l’esthétique de la propagande et des sectes. La peur. Le grand soir. Et l’aube merveilleuse. Un parfum sulfureux de grand spectacle nazi. Il n’y manque que les défilés de Nuremberg et les chants de Lohengrin. La révolution revue par Spielberg, dans Tintin ? pourquoi pas !
Toute cette bouillie pour faire l’éloge de ce qu’il y a de pire : L’anarchisme.Avec son côté spontané et égalitaire qui n’en est que la façade séduisante. Derrière elle, une autre vérité : il n’y a, partout, dès que plusieurs personnes se rencontrent et qu’une société se compose, que son « autogestion », c'est-à-dire que la loi du plus fort, et, finalement, ce fameux renard qui rêve d’exterminer le poulailler. C’est ce rusé Renard qui se cache là. L'anarchie est la pire des oppressions! Le libéralisme et l'idéologie libertaire, c'est la même chose sauf que les libertaires sont ceux qui se rêvent les libéraux de demain... Vous remarquerez que dans ce triste pensum hollywoodien, l'injustice sociale ce n'est leur tasse de thé: Connard d'esclaves qui ne vous soulevez pas pour nous mettre au pouvoir!
Donc je préfère la Loi. Elle seule protège et régit les relations entre les hommes. L’absence de règles et de loi c’est le rêve du libéralisme et de ceux qui asservissent. Les élections, même imparfaites, sont préférables au système tribal et que ceux qui rêvent d’une démocratie idéale qu’ils seraient d’ailleurs bien incapables de formuler, que ceux qui rêvent de sortir de ce spectacle dont ils se repaissent pourtant, que ceux qui rêvent d’écologie et de pureté, que ceux qui rêvent d’incendier le monde tout en s’épargnant, qu’ils sachent qu’ils ont le moyen de vivre leurs rêves : Qu’ils s’installent ensemble en Amazonie. Si, si ! Le territoire est encore suffisamment immense, surtout pour eux. Ils y retrouveront Tintin et Indiana Jones. Au moins nous épargneront-ils leurs dangereux délires.
Le dernier mot restera à Guy Debord ("Panégyrique", page 90):
"La décadence générale est un moyen au service de la servitude; et c'est seulement en tant qu'elle est ce moyen qu'il lui est permis de se faire appeler progrès."




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