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Quand Laurent Wauquiez prétendait que « les classes moyennes seront la clef de l’élection présidentielle de 2012 »

Publié le 18 novembre 2011 par Kamizole

UM/Possible de n’y point songer en lisant le tissu d’âneries de François Baroin sur lequel je travaille en ce moment, quand il ose prétendre dans une longue interview donnée aux Echos que les mesures d’austérité seraient « équitables » ! « Nous sommes en guerre contre les spéculateurs »  (16 nov. 2011).

Partagée comme toujours entre colère et verve ironique, je souhaiterais vivement que Joly Jumper - qui rigole aussi bien que moi de l’imbécillité d’un Rantanplan - descendît d’une page d’un album de Lucky Luke pour flanquer les ruades que mérite cette bande de Frères Dalton pilleurs sans vergogne du coffre-fort de la Maison France. Ensuite de quoi, une bonne petite "reconduite" avec plumes et goudron réservée aux joueurs de poker professionnels - tricheurs par essence - s’imposerait pour notre plus grande joie.

Mais trêve de plaisanterie même si cela fait toujours du bien de rigoler, surtout quand l’heure est si grave et que nous morflerons un max. M’étant dernièrement intéressée à la répartition annuelle des revenus selon la méthode des "déciles" de l’Insee De la monstrueuse inégalité des revenus en France et son impact sur l’austérité (16 nov.2011), je m’aperçois que la conception de « classes moyennes » chez Laurent Wauquiez est à peu près aussi floue et inepte que celle de nombreux analystes dotés d’une formation autrement supérieure à la mienne.

Je ne dispose malheureusement pas de données plus anciennes sur la dispersion des revenus. Faute de place, je n’ai pas conservé les anciens « Etats du Monde » achetés depuis 1983, parus d’abord en revues puis sous formes de livres édités par La Découverte, où à chaque fois j’épluchais méthodiquement cette rubrique. Je ne suis pas une chercheuse et n’ai pas le temps de me consacrer à un tel travail de fourmi mais je suis persuadée que sur une période autrement longue que les dernières années sur lesquelles je me suis attardée, nous ne trouverions aucune époque - depuis les 30 glorieuses jusqu’à aujourd’hui - où les écarts de revenus entre les plus modestes et les plus riches fussent aussi importants, j’oserais dire : exorbitants.

Or donc, travaillant à un nouvel article sur les mesures d’austérité défendues par François Baroin et au passage sa curieuse conception de « l’équité », je me souvins opportunément d’un ancien article du Monde (8 juin 2010) dont je savais avoir archivé le contenu dans l’ordinateur.

L'UMP veut reconquérir les classes moyennes dont j’avais retenu un mémorable enfilage de perles. Laurent Wauquiez ne craignant pas en effet d’affirmer par exemple : « depuis une vingtaine d'années, les plus riches ont profité de la mondialisation et les plus pauvres ont bénéficié très fortement du système social : les perdants, ce sont les classes moyennes »…

Sur quelle planète vit-il pour oser affirmer que les plus pauvres auraient bénéficié très fortement du système social lors même que c’est précisément depuis le début des années 1990 qu’ont commencé la lente dégradation de la protection sociale et la remise en cause permanente des acquis sociaux ?

Encore faudrait-il savoir ce qu’il entend par « classes moyennes » et nous retrouvons les mêmes inepties que j’ai déjà pointées : Les gens qui se voient comme des "français moyens"… J’ai beau savoir que le « sentiment d’appartenance » a extrêmement d’importance en sociologie, je doute qu’il demeure aussi pertinent quand il s’agit d’élire un président de la République sortant alors que sa politique n’a cessé de rabioter leur pouvoir d’achat.

Il viserait, selon le politologue Jérôme Fourquet directeur adjoint du département "Politique et opinion" de l'IFOP « ceux qui sont trop pauvres pour profiter du bouclier fiscal, mais trop riches pour bénéficier de prestations sociales (…) ont le sentiment d’être les éternels oubliés (…) une classe qui a l’impression de payer pour tout et de ne rien toucher ».

Or, comme il le remarquait par ailleurs, Laurent Wauquiez a une définition très large des classes moyennes : les ménages se situant entre 1.400 et 4.500 € de revenus moyens.

Déjà, le terme « ménage » ne veut rien dire puisque sur le plan statistique, il désigne une unité de consommation, qu’il s’agisse d’un individu ou d’une famille, indépendamment du nombre de personnes adultes et d’enfants. Une personne vivant seule vivant avec 4.500 € sera à l’aise comparée à une famille ayant deux enfants voire plus. En admettant que le mari et la femme travaillent avec le même revenu, ils gagneraient chacun environ 1.400 € euros par mois, ce qui ne les situe très certainement pas parmi les classes moyennes stricto sensu. Je n’y reviendrais pas.

Ensuite, il est tout à fait inexact d’affirmer que ces classes moyennes ne percevraient pas de prestations sociales.

Les allocations familiales sont versées sans plafond de ressources., seul comptant pour leur montant, le nombre d’enfants au sein de l’unité familiale. Quant au plafond de ressources conditionnant le versement éventuel de l’allocation-logement il semble être un secret d’Etat digne de la Défense nationale car il m’a été impossible d’en connaître le montant, aussi bien sur le site de la CAF que d’autres !

En cas de chômage les allocations versées par Pôle emploi le sont - en fonction des revenus antérieurs - à toute personne privée d’emploi et ayant suffisamment cotisé pour y prétendre. La durée d’indemnisation étant variable selon le temps de travail antérieur et divers facteurs. De surcroît les cadres relèvent de l’Apec.

Tous les assurés sociaux relevant du Régime général de la Sécu sont remboursés - totalement ou partiellement selon les dispositions applicables à tous - de leurs frais médicaux lato sensu et perçoivent comme tout un chacun des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, de congé maternité, etc. lesquelles sont fonction des salaires, jusqu’au plafond de la Sécu pendant la période préalable à l’interruption de travail.

De même, tous les assurés sociaux qui ont cotisé pendant un nombre de trimestres suffisants, perçoivent la retraite du Régime général ainsi que la retraite complémentaire - celle des employés complétée par la retraite spécifique des cadres quand ils y ont été affiliés en fonction de leur statut.

J’ajouterais que pour les plus privilégiés - travaillant dans des entreprises suffisamment importantes, multinationales ou PME d’une taille assez importante - les cadres et employés bénéficient par l’intermédiaire des comités d’Entreprise - abondés par la direction - d’avantages non négligeables qui améliorent fort agréablement le pouvoir d’achat : mutuelles à des tarifs nettement plus intéressants, parfois des sur-retraites complémentaires, tickets-restaurants. Sans même parler d’autres prestations liées aux loisirs : tickets cinéma, colonies de vacances ou autres séjours en résidences de vacances.

Laurent Wauquiez qui est né une cuiller d’argent dans la bouche et ne connaît rien à la vraie vie des vrais gens est donc fort mal placé pour parler autant des avantages - forcément « indus » chez lui des « assistés » - que de la frustration des classes moyennes, lesquelles sont d’ailleurs loin de représenter une classe sociale homogène, en prétendant qu’elles ne bénéficieraient d’aucun avantage social.

Diviser pour régner, on leur fait surtout rentrer dans le ciboulot qu’elles paieraient pour les « assistés » ! Elle payent sans doute plus d’impôts sur le revenu que les plus démunis qui en sont exonérés mais proportionnellement encore plus que Liliane Bettencourt !

Mais selon Confucius : « quand on lui montre la lune du doigt, l’imbécile regarde le doigt » ! Il restera néanmoins à savoir si les électeurs des classes moyennes les moins privilégiées mais bien plutôt laminées par la politique économique, sociale et fiscale de Nicolas Sarkozy seront sensibles à ce désespéré « chant des sirènes ».

Réponse en mai 2012 mais de mon avis, il est fort possible que toutes les taxes et mesures sociales qui vont leur pleuvoir dessus - auxquelles s’ajoutera la liste des licenciements massifs qui ne fait que commencer : PSA et donc équipementiers automobiles, banques, etc. Ah ! S’ils avaient pu attendre juin 2012... C’est la faute à la crise - joueront le même effet que le bouchon dans les oreilles d’Ulysse et ses compagnons de voyage.


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