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Des coups de feu au quartier des fées

Publié le 20 novembre 2011 par Bababe

A la rue Petit Poucet…

Des coups de feu au quartier des fées

 « Yonntandé handé...  (la jeunesse de maintenant...)"

Maame Coumba n’échappa pas à cette expression âgée de milliers d’années et toujours conjuguée au présent.

 LE MATIN...

« Tu dois tuer un canard ! »

Même habituée aux messages laconiques, dépourvus de délicatesse de Sœur Sorcière, cette injonction rompit la sérénité de Maame Coumba, ce matin-là.

C’était le premier aout, Sœur sorcière qui voit dans son sommeil ce que la nuit cache, laissa ce message à sa sœur Maame Coumba : «Tu dois tuer un canard. J’ai fait un rêve dans lequel tu t’obstinais à  descendre dans un creux  pour délivrer un canard qui y était coincé.. Tu dois impérativement  tuer un canard pour le sacrifice ».

Sœur sorcière redoute ses rêves. Ceux qui la connaissent bien, aussi.

 Maame Coumba se méfie  plutôt de Soeur sorcière. En effet,  chaque fois que Maame Coumba a pris conscience d’avoir été injuste envers Sœur Sorcière, une catastrophe s’est abattue sur sa tête. Ce qu’elle n’a bien sûr pas révélé  à celle-ci.

Si Maame Coumba se prend pour une bergère de la faune, de la flore,  de l’air et même des étoiles, Sœur sorcière ne  perd pas son temps à extérioriser son affection et sa tendresse. Si elle avait du temps à perdre, elle le consacrerait à son obsession, la propreté.

Maame Coumba est aussi certaine qu’elle ne tuera pas le canard, que Sœur sorcière est persuadée que tuer le canard, empêchera le malheur qu’elle a vu en rêve se produire.

Faire couler exprès le sang d’un animal pour empêcher un malheur, est une idée qui ne passe pas dans la tête de Maame Coumba.

Elle ne tuera donc pas un canard qui ne lui a rien fait, surtout pas dans le mois en cours. Car ce premier août coïncidait avec le premier jour du mois de ramadan,mois de paix et de pardon chez les musulmans.

Une fois la  résolution de Maame Coumba prise, curieusement sa première rencontre ce matin-là, fut celle d’avec un corbeau et une pie, conversant paisiblement. Le pan de son pagne les frôlant presque ne les fit pas s’envoler. Comme deux ménagères à l‘ombre d’un manguier de marché Tilène qui ont réussi à remplir leur lékette (calebasse) en temps de pénurie, les deux oiseaux, l’air satisfait, continuaient complices, de papoter.

Maame Coumba s’entendit entrain de les remercier de ce comportement. Le prenant comme de la gratitude qui lui était destinée pour l’égard qu’elle avait eu pour leur parent canard.

Une gratitude dont elle voulut voir la prolongement quelques minutes après  dans un parc, avec le spectacle de deux lapins sauvages sautillant de joie, et que sa présence ne dérangea pas alors que d’habitude ils étaient prompts à détaler.

Maame Coumba fut simplement rassurée pour ce qu’elle avait pris pour des gestes de reconnaissance.

Douce matinée ressentie, finalement !

L’APRES MIDI…

Très tendue, Sœur sorcière retéléphona et insista pour que Maame Coumba ne néglige pas sa recommandation. Sœur Sorcière fit même cette concession : « à défaut de tuer le canard toi-même, tu pourrais envoyer le prix correspondant à une tierce personne pour qu’elle le fasse en ton nom. »

 Maame Coumba lui concèda ce transfert. Elle enverra la dite somme pour acheter le canard. Mais quand Maame Coumba ajouta que ce serait pour demander à la personne en question d’élever le canard pour elle, Sœur sorcière lui raccrocha brutalement au nez.

Elle  était fâchée.

Ses djinns allaient-ils se déchaîner ?  S’ils ont aussi mauvais caractère que Sœur sorcière, Maame Coumba pouvait s’inquiéter.

Une grand-mère de Sœur Sorcière ne disait-elle pas de sa petite fille que sa tête doit être habitée ». Par des djinns, bien sûr.

Cette même grand-mère expliquait aussi les humeurs de Sœur sorcière. Si celles-ci passaient brusquement du chaud au froid, c’est parce que Sœur Sorcière avait quitté  les tropiques chaudes où elle avait vécu jusqu’à l’adolescence,  pour se retrouver du jour au lendemain dans les neiges sibériennes. Un séjour de Fille au pair qu’un de ces proches lui avait trouvé. Il  pensait donner une petite chance à Sœur Sorcière qui avait quitté l’école dès le C.P. (cours préparatoire)

 C’est à se demander si ses djinns n’ont pas influé sur ce rejet de l’école. Peut-être jugeaient-ils sans doute que leurs savoirs et ceux de l’école ne pouvaient cohabiter dans la tête de Sœur sorcière.

AU CREPUSCULE …

Entre une route étroite et une cité, Maame Coumba  et une autre dame étaient coincées sous un abri bus. Des jeunes blacks et beurs (noirs et arabes) discutaient  à l’entrée de la cité.

A la suite d’une banale dispute entre deux adolescents noirs, l’un d’eux  la rendit moins banale en menaçant d’aller chercher un couteau. Le temps de se demander s’il bluffait, le voilà de retour avec un couteau et une barre de fer. Si lui était détaché et détendu, la vue du couteau effraya Maame Coumba au point de lui faire perdre son réflexe habituel de s’interposer entre jeunes sur le point de se taper dessus. Interposition qui souvent les calmait. Maame Coumba sait  que c’est plus par amusement que par obéissance qu’ils toléraient cette intrusion d’une inconnue qui se prend pour leur mère en utilisant un sermon traditionnel prétendu périmé.

Cette fois, le sermon de Maame Coumba fut interrompu sans concession avec cette effronterie : « Madame, ce n’est pas votre problème ! »

Maame Coumba était d’autant plus surprise que cette réaction lui venait d’un jeune noir qui au milieu des  garçons de quinze/dix-huit ans, devait lui avoir quatre ou cinq ans de  plus. Il faut dire que sa djellaba rayée noir et blanc au milieu des autres garçons habillés en jean, avait inspiré confiance à Maame Coumba.

Sur son visage, Il afficha de la méchanceté « à volonté ».

Etait-ce là  la réalité de son être profond comme semblait l’indiquer cette réponse sans ménagement avec laquelle il gifla le statut d’adulte de Maame Coumba ?

Des texto indiscrets ?

En tout cas un autre black du même âge que celui qui venait de « jeter » Maame Coumba, entra en action. Il était beau comme Sidney Poitier. Avec l’allure d’un acteur d’Hollywood, il descendit d’une voiture qu’il gara en trombe, pour  se diriger comme un cowboy vers le groupe, laissant dans sa voiture deux  copains Peaux Roses.

Ce garçon faisait penser à un de ces dribleurs adulés dans un terrain de foot.

 Sauf qu’ici ses adversaires étaient tous des ballons qui ne rebondissaient pas. Il tapait sur eux avec cette insolence que des « stars» peuvent s’accorder et susciter l’admiration de leur public. Il cognait indifféremment sur blacks et beurs.

Le bus arrive au milieu de cette scène. Le chauffeur hésite à s’arrêter.  L’expression déconfite de la dame qui attendait avec  Maame coumba décida le chauffeur à s’arrêter. Les deux  femmes s’engouffrèrent dans le bus.

Maame Coumba était déçue et angoissée.

Déçue de ne pas avoir pu éteindre un feu de brindilles naissant : angoissée par la perspective d’une issue peut-être fatale qui pourrait se solder par un mort et un futur prisonnier. Avec pour conséquences dramatiques : l’affliction de deux parents, et le désarroi d’une mère qui risquerait de se retrouver seule parente d’un fils désormais catalogué comme « bandit », et dont le père serait tenté de renier sa paternité.

Et pourtant, au commencement, avant la bagarre, un jeune beur avait fait sourire Maame Coumba en brandissant  la menace qu’il avait affirmé faire à sa mère : « j’ai trouvé le truc pour calmer ma mère. Dès  qu’elle me prend la tête, je menace de stopper mon ramadan. »

Est-ce cette mère qui fit penser à Maame Coumba aux autres mères ?

Safi Ba

LA SUITE est diffusée en commentaire.


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