Au croisement de Pitt Street et de K’Road, Georges, notre ingénieur du son, me tend son casque. La voix puissante de Chris Saines, directeur de la Auckland Art Gallery, couvre les bruits des voitures de la rue dans laquelle nous l’avons interviewé quelques heures plus tôt. Et cette certitude : la mondialisation ne gagnera pas la bataille des sons.
En arrière plan, il y a certes le bruit des moteurs, pots d’échappements et portières, comme en toute artère urbaine du monde industrialisé. Mais point de klaxons. En dix jours à Auckland, je n’ai entendu personne utiliser cet instrument mal accordé. Je n’ai pas non plus été dérangé par les sonneries de téléphones portables tant elles sont réglées à leur plus bas niveau, quand elles ne se résument pas à quelques vibrations.
Constat propre « au pays poli », où l’on hausse le ton en journée*, que lorsque son équipe favorite manque un essai sur le terrain de rugby ?
De CDB, quartier central, à Mount Albert, banlieue résidentielle, chaque prise de son reflète le caractère unique de la rumeur urbaine captée. Celle de cette Californie Anglaise est étonnante quand on y prête l’ouïe.
Outre le lointain qu’évoquent les conversations glanées, aux accents des campagnes écossaises ou du Henan, traversez une rue (entre les lignes blanches !) et vous serez projetés dans un jeu vidéo du siècle passé, Pacman ou Space Invader.
Entrez dans un fast-food d’une chaîne implantée dans le monde entier, et vous découvrirez une signature vocale calquée sur celle des karaokés où se pressent les importantes communautés asiatiques de la ville.
Dormez à côté d’une caserne de pompiers et vous maudirez la gamme de tons utilisée par les sirènes des soldats du feu, ni américaine, ni anglaise, ni chinoise.
Le son d’Auckland est unique; nous sommes bien en climat sonore tempéré.
Au 3ème sous-sol d’une barre d’immeubles, près de Myers Park, le bruit existe cependant. Des quatre coins de la Nouvelle-Zélande, The Audio Foundation a convoqué des artistes sonores le temps d’un week-end. Armés de VTT customisés en harpes ou de centimètres de bricolage transformés en cymbales, les membres de « L’Orchestre des Instruments Inventés » a défié la calme Auckland. Virgules que nous distillerons dans le documentaire.
Auckland – Villes Mondes – Audiofoundation par franceculture
* En cette période de coupe du monde et de sortie de l’hiver, où les statistiques de consommation nocturne de bière par les Aucklanders sont perturbées, il se peut que quelques éclats de voix ou musiques très cockney altèrent ces considérations.
Pour écouter le documentaire Auckland Villes Mondes sur le site de France Culture +++