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33 - comment s’opere une revolution scientifique

Publié le 21 novembre 2011 par Jeanjacques

Nous avons plus d’une fois ici montré et démontré que la science physique d’aujourd’hui se trouvait dans une situation pré révolutionnaire, prête à basculer dans une autre vision du monde, un autre paradigme. Le texte suivant extrait de Wikipédia présentant le travail de Thomas Kuhn semble synthétiser nos multiples analyses et propositions :

Kuhn est le promoteur du concept de "paradigme", modèle théorique de pensée qui oriente la réflexion et la recherche scientifique à un moment donné. La science  peut être dans une période calme où le paradigme est admis par presque tous : les expériences ne font que nourrir le paradigme existant. Lorsque les insuffisances du paradigme en cours deviennent de plus en plus évidentes, et qu'un paradigme de remplacement se dessine, il se produit un changement brutal de paradigme: une "révolution scientifique".

1 – L’activité de la science « normale »

Selon Kuhn, le contexte de recherche scientifique usuel est celui d'une science qualifiée de « normale » : un groupe scientifique, actif dans une spécialité donnée, adhère massivement à un paradigme qui par ses « accomplissements scientifiques passés » et sa logique, fournit « le point de départ d'autres travaux. » Durant cette phase qui constitue en durée l'essentiel de l'histoire des sciences , la science est traditionnellementprédictive  Le paradigme étant établi, les scientifiques s'évertuent à inlassablement le tester en concevant de nouvelles énigmes dans le cadre paradigmatique, de sorte à le renforcer. La tâche des scientifiques est presque exclusivement de normaliser leur branche par des exercices de nettoyage, de sorte à faire entrer la nature dans leur boîte. Kuhn soutient fermement que les paradigmes ne résolvent qu'un nombre très fragmentaire et ciblé de problèmes.

En temps normal, l'activité scientifique est celle qui consiste à résoudre des énigmes liées à un champ disciplinaire. Elle amène les scientifiques à cumuler des données, à développer des modèles  cohérents avec ces données et les travaux des pairs, puis à fournir des interprétations et des prévisions. Pour pouvoir accomplir cette tâche, la communauté scientifique concernée par un champ disciplinaire s'accorde sur une vision du monde, un paradigme, qui fournit des postulats et des méthodes de travail. Préciser le paradigme et accroître les connaissances qui y sont liées constituent le cœur de l'activité scientifique.Le principal objectif de l’activité scientifique qui suit l'apparition d'un paradigme est d'améliorer, sur le plan scientifique, cette première unification des idées. Cela passe essentiellement par une connaissance accrue des faits et par une précision toujours plus grande des prédictions permettant d'expliquer les observations. Cette activité scientifique limite le champ de vision du scientifique en concentrant son attention sur des problèmes visant exclusivement à augmenter la précision du paradigme.

Ces restrictions de l’activité scientifique sont cependant indispensables au développement empirique des savoirs, car elles forcent le scientifique à étudier très précisément un domaine particulier de la nature. Il s'agit bien là « d’augmenter la portée et la précision de l’application des paradigmes. Le succès d'un paradigme est en grande partie au départ une promesse de succès. La science normale consiste à réaliser cette promesse », si bien que « c'est à des opérations de nettoyage que se consacrent la plupart des scientifiques durant toute leur carrière

Au niveau le plus général, le scientifique est lié à une tradition paradigmatique, qu'il hérite de son apprentissage et par conséquent, du contexte historique. Des manuels et un enseignement synthétiques lui ont fourni un ensemble d’énigmes déjà résolues et de théories unifiées, qui jouent tout au long de sa carrière le rôle de référentiel. Il s'agit là d'une dimension essentielle de la science normale.

2 – Apparitions des anomalies

Lorsqu'un paradigme est mis à mal par des échecs répétés tant dans le domaine expérimental que théorique, de nouvelles idées nécessairement « révolutionnaires » émergent.

En effet, selon Kuhn, c’est  la prise en considération sérieuse des anomalies qui feront naître la crise, surgie généralement de jeunes scientifiques plus libres par rapport au paradigme en place, Les adhérents rescapés du paradigme antérieur perdent leur autorité de scientifique. À terme, un nouveau paradigme sort vainqueur d'une confrontation de points de vue théoriques que Kuhn juge partiellement rationnelle : les opinions et choix des scientifiques sont pour lui tributaires de leurs expériences, de leurs croyances et de leurs visions du monde. POUR KUHN, QUI SE POSITIONNE PAR RAPPORT AUX IDEES DE KARL POPPER, UN PARADIGME N'EST DONC PAS REJETE DES QU'IL EST REFUTE, MAIS SEULEMENT QUAND IL PEUT ETRE REMPLACE. Kuhn explique que la crise se caractérise par la multiplication des théories concurrentes, et par le chevauchement progressif entre paradigmes concurrents, jusqu'à ce qu'un des paradigmes prenne le dessus sur les autres approches.

Les grands changements conceptuels sont à la fois plus rares et plus complets que de simples modifications, et Khun constate qu'ils sont détachés du régime normal de la science : ils apportent selon lui une rupture complète. S'il est admis que « la science normale ne se propose pas de découvrir des nouveautés, ni en matière de théorie, ni en ce qui concerne les faits, comment l'évolution des idées scientifiques est-elle alors possible ? POUR KUHN, LE MECANISME ESSENTIEL DE TRANSFORMATION DE LA SCIENCE EST PRECISEMENT L’ECHEC DE SON REGIME NORMAL. Lorsque l'activité de recherche peine à résoudre une énigme, les scientifiques font face à une découverte potentielle, au sens noble du terme — et pour commencer, à de l'inattendu. « La découverte commence avec la conscience d'une anomalie, c'est-à-dire l'impression que la nature, d'une manière ou d'une autre, contredit les résultats attendus dans le cadre du paradigme qui gouverne la science normale. »

Contrairement aux ajustements habituels du régime normal, ces travaux sont essentiellement spéculatifs et imprécis, car ils s'éloignent du paradigme mis en échec et cherchent bien à inventer de nouvelles règles. L’invention de nouvelles théories constitue donc l’autre source de changements majeurs dans les phases de crise scientifique, au côté de l'apparition d'éléments expérimentaux inattendus.

À partir du moment où une anomalie est reconnue comme fondamentale, l'état de crise est explicite. De façon schématique, il suffit qu'une individualité ou un groupe de scientifiques voit en elle un contre-exemple sérieux de la théorie-paradigme en place. C'est en effet l'intuition que la solution à une énigme ne pourra jamais être apportée par le paradigme qui donne naissance à la crise ; cette même intuition va de fait guider les premiers temps révolutionnaires.

De la focalisation sur une anomalie, jusqu'à l'établissement d'une nouvelle science normale stable, le régime de la science est qualifié par Kuhn d'extraordinaire. Durant cette phase, des éléments habituellement tenus hors du cercle scientifique classique entrent en jeu et deviennent même à un point prédominants.

Kuhn insiste sur le fait que le rejet d'un paradigme ne se fait pas dès qu'une anomalie est constatée. Il faut qu'il puisse être remplacé par un successeur en mesure d'établir un nouveau régime normal, une nouvelle tradition scientifique, de nouveaux outils. Comment cette transformation sèche se met-elle en œuvre. Kuhn aborde donc la question de la science extraordinaire en insistant sur les déterminants sociologiques et psychologiques. Il remarque que les premières étapes en sont, d'abord, la focalisation sur le problème, puis l'apparition de propositions théoriques multiples. Il souligne la « nature divergente des nombreuses solutions partielles qui se proposent. » Les scientifiques qui poussent le plus loin leurs recherches d'une nouvelle théorie-paradigme sont finalement amenés à se détacher complètement de leur précédente vision du monde.

De la même façon, les scientifiques pris dans une révolution conceptuelle regardent ce qu'ils regardaient déjà hier, mais non seulement ils ne voient plus la même chose, mais encore, le sens de ce qu'ils voient est différent — la signification des concepts généraux, notamment, n'est plus la même. Il est donc inévitable qu'une polarisation du monde scientifique s'opère entre traditionnels et révolutionnaires Globalement, la science extraordinaire se caractérise par une dimension spéculative, souvent doublée de questionnements métaphysiques. Jusque-là écartés par les scientifiques, ils visent à estimer la légitimité des théories en l'absence de règles viables issues du paradigme.

Les scientifiques impliqués dans la « révolution », Kuhn juge qu'ils « se livrent à leurs activités dans des mondes différents […], voient des choses différentes quand ils regardent dans la même direction à partir du même point. C’est pourquoi, avant de pouvoir espérer communiquer complètement, l’un ou l’autre des groupes doit faire l’expérience de la conversion que [Kuhn a] appelé un changement de paradigme.

Selon Kuhn, « dans la mesure où deux écoles scientifiques sont en désaccord sur ce qui est problème et ce qui est solution, elles s'engagent inévitablement dans un dialogue de sourds en discutant les mérites relatifs de leurs paradigmes respectifs » L’argument le plus fort, et qui est bien évidemment une condition nécessaire pour qu’une théorie puisse prétendre au titre de paradigme, est qu'elle soit capable de résoudre l’anomalie à l’origine de la crise. Mais pour Kuhn, ce n'est pas suffisant, et les autres arguments décisifs proviennent de la comparaison des candidats paradigmes entre eux et avec la Nature. Fait étonnant, ces arguments sont souvent d’ordre esthétique ou personnel comme dans le cas de Kepler dont l'attrait mystique pour le soleil l'a en partie amené à croire en une forme d'héliocentrisme.

Un nouveau paradigme s'imposant au terme d'une crise scientifique doit non seulement être capable de résoudre les problèmes à l'origine de la chute du précédent paradigme, mais aussi conserver l'essentiel des résultats passés — les énigmes résolues par le paradigme remplacé doivent majoritairement le rester, faute de quoi la situation est bloquée.


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