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[Economie sociale] La Nef : une banque alternative – Terri(s)toires

Publié le 21 novembre 2011 par Yes

Julien Lecouturier de la Nef Spéculation, parachutes dorés, filiales dans des paradis fiscaux… la liste des griefs contre les banques n’a jamais été aussi fournie. Pourtant, toutes ne sont à mettre dans le même panier. En France, La Nef est ainsi considérée comme l’exemple le plus abouti en termes d’éthique et de transparence. Cette société financière a une autre spécificité : elle soutient de nombreux projets écologiques et solidaires comme Le Champ commun, un café-culture-magasin situé dans un village du Morbihan.

Le 7 décembre dernier, Éric Cantona appelait à vider ses comptes en banque pour détruire un système qu’il jugeait perverti. Il a été aussitôt accusé d’irresponsabilité, et ses partisans ont été confrontés à un dilemme : quitter les banques, certes, mais alors, que faire de ses économies si ce n’est les planquer sous le matelas ?  L’ancien footballeur n’avait visiblement pas pris connaissance du guide «  Comment choisir ma banque ?  » publié par l’ONG Les amis de la Terre. Celle-ci a évalué les impacts sociaux, économiques et environnementaux des plus importants établissements français. Seuls deux d’entre eux s’en sortent honorablement : le Crédit coopératif et la Nef (Nouvelle économie fraternelle). Cette dernière se refuse non seulement à placer de l’argent en bourse et à commissionner ses conseillers, mais elle pratique également la transparence. C’est ainsi la seule à rendre public chaque année l’intégralité des prêts professionnels qu’elle octroie.

bar du Champ Commun à Augan
Le bar du Champ Commun à AuganTous concernent des projets écologiques ou solidaires, parmi lesquels figure Le Champ commun. Cette coopérative bretonne fédère 91 associés installés pour la plupart aux alentours d’Augan, un village de 1 400 âmes, situé dans le Morbihan. Leur ambition ? Créer du lien social et des emplois via une grande épicerie et un café-concert convivial. Ensemble, ils ont réuni 70 000 euros sur un besoin de financement global de 150 000 euros. Pour compléter leur mise, ils ont effectué une tournée des banques. « Seuls le Crédit Mutuel et la Nef ont pris la peine de nous répondre. Le premier a dit non, la seconde, peut-être. Pour toutes les autres banques, c’était un projet fou : trop d’associés, et une activité, le bar en milieu rural, en perte de vitesse. Quant au magasin, ils n’y croyaient pas, car nous avons trois grandes surfaces à moins de 10 km« , explique Mathieu Bostyn, gérant de la coopérative. « Nous étions culottés, c’est sûr, mais nous y avons toujours cru parce que nous connaissions le terrain et que nous avions de vraies compétences en interne : des experts comptables, des anciens de la grande distribution, un brasseur, des commerciaux…« 

Oui non oui

La Nef a donc fini par dire oui… non sans hésitation. Elle a d’abord donné son feu vert tout en demandant au Champ commun de trouver des cofinanceurs. Une exigence qui s’est avérée insurmontable. « Nous aurions peut-être pu convaincre d’autres banques en retravaillant notre business-plan de fond en comble, mais cela aurait pris beaucoup de temps« . Après des discussions et la mise en place d’un cercle de caution (1), la Nef a fini par céder et par débloquer seule un prêt de 50 000 euros. Une action mûrement réfléchie. « Nous avons vocation à financer des projets innovants. C’était la volonté des fondateurs de la Nef, des écologistes qui se sont lancés en 1988. Pour autant, nous ne soutenons que des initiatives économiquement viables« , explique Julien Lecouturier, délégué régional de la banque pour le grand Ouest.

Ce positionnement a permis à la société financière de développer une expertise reconnue dans certains secteurs, comme celui des énergies renouvelables. Un savoir-faire qu’elle met d’ailleurs au service de particuliers qui souhaitent s’équiper (2). La délégation nantaise s’est, elle, particulièrement impliquée dans le développement de la filière bio, avec le souci constant de ne soutenir que des projets éthiques dans leur ensemble : « Nous ne nous satisfaisons pas d’un label, nous nous basons sur le terrain et la rencontre humaine« . Mathieu Bossin estime cependant que la Nef peut encore s’améliorer. « Même si elle est largement au-dessus de la moyenne, elle n’est pas assez présente au niveau de l’accompagnement, et nous payons un taux d’intérêt élevé. Et puis,  nous aurions aussi aimé qu’elle nous soutienne en entrant directement au capital de notre coopérative. De notre côté, nous sommes bien devenus sociétaires de la Nef pour pouvoir emprunter ! « .

Relier les épargnants et les emprunteurs

Les prêts de la Nef en Loire-Atlantique
Les prêts de la Nef en Loire-AtlantiqueLes clients de la banque sont en effet directement associés à son fonctionnement. En entrant au capital, ils peuvent peser sur l’ensemble des décisions. « La part est à 30 euros et nous sommes ouverts à tous« , précise Julien Le Couturier. Une possibilité qui séduit largement. Pour preuve, les 650 sociétaires des débuts sont désormais… 25 000 ! Certains d’entre eux jouent d’ailleurs un rôle essentiel en tant que bénévoles. À Nantes, ils sont ainsi une cinquantaine à seconder les huit salariés permanents. Tous ont pour objectif d’humaniser les activités de la Nef en créant le lien entre les emprunteurs et les épargnants. Autrement dit, de montrer concrètement d’où vient l’argent et où il va. « C’est une approche cohérente avec notre attachement à l’économie locale« , réagit Mathieu Bossin.

La Nef se finance donc grâce à ses parts de capital, mais aussi avec les plans d’épargne (3) souscrits par ses clients.  » Ils touchent des taux d’intérêt légèrement inférieurs à ceux du marché, mais c’est un placement sûr puisque l’argent est fléché et ne part pas en bourse« , explique Julien Le Couturier. Quant aux comptes courants et aux comptes chèques, la banque n’est pas habilitée à les délivrer directement. Elle a donc conclu un partenariat avec le Crédit coopératif, ce qui lui permet de répondre aux besoins quotidiens des particuliers… tout en préservant une qualité d’écoute hors norme. « Nous avons eu des divergences, mais nous en avons toujours parlé ouvertement, à cœur ouvert.  La différence fondamentale de la Nef, c’est le dialogue et la transparence« , témoigne le gérant du Champ commun.

2016 : une banque éthique européenne ?

L'estaminet à Augan
L’estaminet à AuganÀ Augan, l’épicerie « Le garde manger » a ouvert ses portes en janvier 2010. Elle propose 3 000 références de produits dont 250 sont fournies par des producteurs locaux. À ses côtés, le bar l’Estaminet s’étend sur 90 m2 et déborde sur une vaste terrasse. Concerts, théâtre, ateliers… il accueille de très nombreuses animations et réunit sans distinction « les jeunes footeux, les chasseurs du dimanche et les grands-mères qui sortent de la messe« .  La coopérative parvient aussi à respecter ses objectifs comptables. Elle a créé huit emplois et une vingtaine de bénévoles vient régulièrement lui prêter main forte. Reste un défi de taille : « parvenir à l’équilibre d’ici 5 ans de manière à pouvoir rémunérer décemment l’ensemble des heures travaillées« .

Du côté de la Nef, le challenge est tout aussi ambitieux : continuer à croître tout en maintenant ses valeurs fondatrices. Ces dernières pourraient bien essaimer à une toute autre échelle. La Nef a en effet décidé de se grouper avec des consœurs belges, allemandes ou encore italiennes pour bâtir la première banque éthique européenne à l’horizon 2016.

(1) Avec les cercles de caution, chacun est garant pour un montant limité, et non pour la totalité de l’emprunt.

(2) Pour les prêts personnels, la Nef finance exclusivement les investissements écologiques comme l’écoconstruction.

(3) La Nef propose des plans d’épargne nourris par des prélèvements mensuels ou trimestriels sur une durée de 25 mois à 10 ans. Elle offre aussi la possibilité de faire des dépôts à terme : une somme minimale de 500 euros est alors bloquée pour une durée déterminée qui conditionne les taux d’intérêt.

Voir le Site de la Nef et celui du Champ commun

Le Guide des placements solidaires et celui des activités financées par la finance solidaire

Pour avoir des infos sur l’éthique des banques :

À l’échelle française, voir le site financeresponsable.org nourri par l’ONG Les amis de la Terre. On y trouve notamment le guide « comment choisir ma banque ?  » et des détails sur le classement.

À l’échelle mondiale, banktrack.org est le site incontournable.  On peut aussi consulter secretsbancaires.fr qui permet de visualiser sur une carte des exemples de projets controversés soutenus par les plus grandes banques.

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