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"Vendée : du génocide au mémoricide" de Reynald Seycher

Publié le 21 novembre 2011 par Francisrichard @francisrichard

Au début de cette année je publiais un article sur "La désinformation autour des guerres de Vendée et du génocide vendéen" de R. Secher .

Lors d'une rencontre au Salon du livre de Paris, qui se tenait au printemps dernier, l'auteur me faisait part de la proche publication, à l'automne, d'un livre qui devait contenir de nouveaux documents, explosifs, prouvant, s'il en était encore besoin, le génocide vendéen.

Ce livre c'est Vendée : du génocide au mémoricide, publié aux éditions du Cerf ici.

Dédié par Reynald Secher à ses ancêtres génocidés, l'ouvrage est préfacé par Gilles-William Goldnadel, président d'Avocats sans frontière, qui se posait les questions suivantes après avoir lu et relu ce livre plein de révélations :

"Pourquoi personne, avant Reynald Secher, ne s'était posé la question de la véritable nature de ce qui s'était passé en Vendée ? Là est pour moi le véritable scandale, un scandale incroyable. [...] Où est le véritable scandale ? Au niveau de celui qui relate et qui réfléchit sur les faits patents ou au niveau de celui qui les nie, les relativise, les justifie, voire les glorifie ? N'est-ce pas cela que l'on appelle négationnisme ? Pourquoi ce qui est vrai pour le génocide des Juifs et des Arméniens ne le serait-il pas pour le génocide des Vendéens ?"

Dans le livre précédent sur le sujet, Reynald Secher expliquait ce qui lui était arrivé pour avoir osé parler de génocide à propos de la Vendée et que je rapportais en ces termes dans mon article ci-dessus mentionné :

"Il a vu sa carrière universitaire brisée net. Il n'est pas bon de dire la vérité, même si elle rend libre. Il n'est pas bon de toucher à l'histoire officielle, car il y a toujours des historiens serviles, tenants du dogme, prêts à justifier l'injustifiable, ne serait-ce que pour défendre leurs propres intérêts."

L'auteur est en fait une nouvelle victime du mémoricide vendéen. Il explique dans son introduction que tout mémoricide va de pair avec un génocide :

"[Les hommes normaux] ne peuvent [...] imaginer qu'un génocide puisse s'accompagner du meurtre de sa mémoire, de ce que j'appelle un mémoricide, mémoricide qui fait partie intégrante du dispositif génocidaire et qu'il ne faut pas confondre avec le négationnisme."  

Dans ce livre l'auteur rappelle textes à l'appui que le peuple vendéen s'est soulevé "pour la liberté de conscience individuelle et l'égalité" qu'avaient trahi les révolutionnaires au pouvoir à Paris et qu'il s'est tourné vers la seule structure susceptible de lui apporter aide et secours dans ces circonstances : "l'Eglise, qui retrouve ainsi le rôle traditionnel qui était le sien depuis l'effondrement de l'Empire romain". On est très loin du complot monarchiste et étranger... 

Le génocide vendéen a une particularité par rapport aux autres génocides. Il est légal. La Convention vote en effet une loi, le 1er août 1793, qui organise la destruction "des repaires de brigands" (article VII), traduisez les habitations des Vendéens, et la déportation des femmes,des enfants et des vieillards (article VIII). Elle vote une autre loi, le 1er octobre 1793, qui modifie l'article VIII de la précédente, par laquelle il ne s'agit plus de déporter mais d'exterminer.

Cette dernière loi d'extermination est mise en application par le Comité de salut public, qui va donner des ordres précis et circonstanciés. Par hasard Reynald Secher a mis la main le 4 mars 2011 sur ces ordres rédigés par les membres du pouvoir exécutif de la Révolution de la Terreur. Ces documents se présentent sous la forme "de petites feuilles qu'ils signaient et confiaient à des copistes, avant transmission aux représentants du peuple et aux généraux chargés de l'exécution" :

"Rendues publiques ici pour la première fois, leur lecture fait prendre conscience du haut degré d'information quotidienne dont disposaient les membres du Comité sur la situation grâce, entre autres, aux députés-représentants en mission, les mains, les yeux et les oreilles du pouvoir, [...] et de leur rôle exclusif et moteur dans l'extermination."

Il y a 815'000 personnes à exterminer - selon les comptes de Reynald Secher il y aura 117'000 hommes, femmes et enfants, victimes du génocide vendéen. Pour ce faire, sous la direction du Comité, plusieurs méthodes industrielles vont être expérimentées, sans résultats probants : le gaz, les mines anti-personnelles, l'empoisonnement. Les génocideurs en reviennent donc à des moyens artisanaux : la décollation, l'éclatement des crânes, le sabrage, la noyade, l'exécution par balle. Cela va s'avèrer trop lent à leur goût et trop coûteux en argent et en main-d'oeuvre, même si on recupère les valeurs détenues, les vêtements et qu'on utilise les corps, en les fondant pour obtenir de la graisse et ou en tannant leurs peaux :

"On tanne à Meudon la peau humaine. La peau qui provient d'hommes est d'une consistance et d'une bonté supérieure à celle des chamois. Celle des sujets féminins est plus souple, mais elle présente moins de solidité." [Rapport de Saint-Just du 14 août 1793 à la Commission des moyens extraordinaires]

Finalement c'est le plan Turreau qui est appliqué, d'abord au nord de la Loire en utilisant l'armée "en masse" et en ne faisant pas de prisonniers - la détention est coûteuse, la concentration est dangereuse, la maladie est contagieuse -, puis au sud, avec l'aval du Comité, donné le 6 février 1794, par l'intermédiaire de Lazare Carnot, en recourrant à la flotille de 41 bateaux sur la Loire pour empêcher toute traversée, au Comité de subsistances, chargé du pillage généralisé, et surtout à vingt-quatre colonnes mobiles qui vont sillonner le pays, cerner les brigands pour qu'ils ne puissent pas s'échapper et pour qu'ils puissent être parfaitement anéantis, et incendier les habitations après les avoir pillées.

Comment nommer un tel crime qui ne consiste plus à éliminer l'autre pour ce qu'il a fait mais pour ce qu'il est ? Faute de mot commun à disposition, Gracchus Babeuf inventera le mot de populicide à propos de la Vendée. Les Vendéens parleront de Martyrologe, les Arméniens d'Aguet, les Juifs de Shoah, les Tsiganes de Samudaripen, les Ukrainiens d'Holodomor. Jusqu'à ce que Rafaël Lemkin invente le mot de génocide qui associe curieusement une racine grecque à un suffixe latin.

Génocide est défini dans l'article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 des Nations Unies et les actes punissables en rapport avec le génocide dans son article 3. Dans le Code pénal français il en est donné une définition plus large. En vertu de ces définitions on ne peut parler que de génocide pour la Vendée : 

"La spécificité du génocide des Vendéens tient à sa légalisation ce qui explique que les décideurs, s'inscrivant dans cette légalité, forts de leur bonne foi et sans en mesurer les conséquences, n'ont pas hésité à légiférer en la matière, à transmettre des ordres et à faire rédiger des rapports notamment par les généraux et les commissaires de la République chargés de la transmission des ordres et de leur application."

Comme le dit Hélène Piralian dans sa postface :

"Dans ce nouveau livre - Du génocide au mémoricide : mécanique d'un crime légal contre l'humanité -, Reynald Secher poursuit son travail d'exhumation et de maillage de l'histoire et de la mémoire et fait un pas de plus en ajoutant, à la demande de reconnaissance du génocide des Vendéens, celle de mémoricide, introduisant ainsi, explicitement, la dimension d'atemporalité et son corollaire, l'imprescriptibilité, qui sont les caractéristiques de tous les génocides."

Pour empêcher que la vérité n'éclate, tout va être mis en oeuvre par les bourreaux qui vont aller jusqu'à faire de leurs victimes des bourreaux. Ils vont réussir pleinement à dissimuler le génocide qu'ils ont perpétré au point que les Vendéens eux-mêmes vont avoir du mal à se percevoir comme victimes de ce crime inimaginable :

"En effet, qui peut imaginer que des hommes puissent concevoir et mettre en oeuvre la destruction systématique d'un groupe humain à cause de sa spécificité ?"

Si bien que, jusqu'au moment où paraît la thèse de doctorat de Reynald Secher, en 1985, "tous les historiens, quelle que soit leur référence politique ou idéologique, sont unanimes quant au traitement de la Vendée réduite à une simple guerre civile."

Ne se percevant toujours pas comme victimes, les Vendéens n'ont aucune chance de se voir rendre justice, d'autant que les génocides communistes, plus proches de nous dans le temps, n'ont pas davantage été jugés.

La France devrait pourtant, pour son bien, mettre un terme au mémoricide :

"Cela mettrait d'abord fin à un mensonge et à tout le mécanisme qu'il a engendré tant au niveau régional et national qu'international. Cela permettrait aussi de remettre l'histoire en ordre, et pour la France de s'inscrire dans la durée, de s'enraciner de nouveau dans un passé partagé et valorisé et de retrouver ainsi des capacités à construire un avenir commun."

Reynald Secher pose en effet aussitôt la question :

"Comment peut-elle être crédible dans sa dénonciation des génocides commis par les autres tant qu'elle n'a pas admis le génocide des Vendéens et alors qu'elle revendique toujours le message universel et intemporel de la Révolution ? "

En attendant le mémoricide continue. Il englobe des procédés de toutes sortes que l'on peut regrouper sous les vocables de négationnisme, de relativisme, mais aussi d'une improbable justification des atrocités commises et d'un ostracisme à l'égard des génocidés et de tout qui pourrait rappeler leur seule existence.

Dans sa postface Stéphane Courtois, co-auteur du Livre noir du communisme, retrace l'histoire des historiens qui, de Jules Michelet à Georges Soria en passant par Jean Jaurès, Georges Lefebvre et Albert Soboul, ont fait jouer la grosse caisse du mémoricide. A laquelle n'a pu s'opposer qu'une petite musique, celle d'un François Furet et d'un Reynald Secher.

Le mémoricide cependant recule déjà localement et préfigure son recul au-delà dans la France entière. Le 21 septembre 1993, Alexandre  Soljenitsyne, inaugurant le mémorial de Vendée aux Lucs-sur-Boulogne, ne disait-il pas :

"Aujourd'hui, je le pense, les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée."

Le livre de Reynald Secher devrait participer à cette ouverture des yeux des Français sur ce passé toujours douloureux pour les descendants des génocidés, de même que l'abrogation des lois génocidaires du 1er août 1793 et du 1er octobre 1793. Qui sont toujours en vigueur...

Francis Richard

PS

Le livre de Reynald Secher peut être commandé ici 


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