Les marchés pallient en dernier ressort la défaillance du politique à l’égard des hausses de dépenses publiques et de dettes.
Par Nicolas Rannou
Alors que la crise financière continue de s’aggraver, les marchés sont sans surprise pointés du doigt. Plus intéressante est l’aporie intellectuelle qui se fait de plus en plus jour chez les détracteurs du « système », coincés entre rejet de l’économie de la dette et défense de l’incontinence publique.Question préalable : les marchés sont-ils la source de la crise actuelle ? Non. On opposera à Marianne et autres revues moi-on-m’la-fait-pas que la crise de la dette publique était annoncée depuis longtemps, que la dégradation de la dette française était prévue pour 2025 et celle de la dette américaine pour 2035. Les méga-plans de relance keynésienne, méga-inutiles, ont précipité une chute qui était inéluctable à défaut de réaction contre l’endettement public.
Et de réaction politique, il n’y avait point. Bien au contraire, ce sont les Français et les Allemands qui ouvraient la boite de Pandore du dépassement des 3% de déficit du pacte de stabilité et de croissance.
Mais ce n’est pas le sujet le plus important.
Ce qui m’intéresse dans les développements actuels, c’est qu’ils révèlent une contradiction fondamentale chez les détracteurs du système. Car ce qui se passe actuellement peut se résumer ainsi : les marchés disent stop à l’endettement.
Concrètement, les masses de dettes sont telles qu’elles obèrent à moyen terme la situation des États. La crédibilité de remboursement des États s’affaiblit ce dont témoignent les dégradations de note des agences de notation (version régulation) et le surenchérissement des CDS (depuis mi-2008, version marché), et ce qui se traduit par une hausse des taux d’intérêt. Cette dernière hausse affaiblit davantage les États dans ce qu’il est convenu d’appeler un cercle vicieux – à moins qu’il ne s’agisse d’un cercle vertueux ?
Peut-être le cercle est-il vertueux en fin de compte car il a pour effet d’assécher le pouvoir d’emprunter qu’ont les États. Fin de l’économie de l’emprunt et de la dette. Ainsi les marchés pallient en dernier ressort la défaillance du politique à l’égard du couple toujours plus de dépense publique-toujours plus de dette.
Que ne nous réjouissons-nous… Les marchés sifflent la fin de la récrée de l’argent facile ! Joie ! Et pourtant que se passe-t-il ? Les détracteurs de l’économie de la dette, cette économie de la dépense publique financée par les générations futures, se mettent à crier en chœur au scandale ! Après avoir vilipendé l’impéritie de l’État à s’endetter toujours et le vice des marchés à le droguer à la dette, voilà qu’ils deviennent tout rouge quand ils apprennent que les marchés ne veulent plus prêter à l’État.
Est-ce à dire qu’ils veulent tout à la fois que l’État ne s’endette pas et qu’il s’endette sans limite ? La critique de la dette, une fois nue, se révélerait-elle être une énième pénible rationalisation de la haine du capitalisme et de l’adoration pendante du pouvoir créateur, omnipotent, illimité de l’État ? L’inconséquence des critiques a été remarquablement mise en lumière dans un article récent de Koz.
Il va falloir se mettre d’accord. Qu’est-ce qui gêne les critiques : est-ce l’état d’endettement ie la dette accumulée ou est-ce le système ie l’économie de la dette ?
Sans doute la dette est-elle un bien triste remède au puits sans plafond de la dépense de l’État mais qu’on se le dise : c’est ça ou rien car les politiques ont amplement montré qu’ils ne parvenaient pas à maitriser les dépenses publiques.
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