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L’éditorial d’Alexander Addle

Publié le 23 novembre 2011 par Legraoully @LeGraoullyOff
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Ladies Graoulliennes, Gentlement Graoulliens, amical good morning des rives de la Tamise ! Une fois de plus, les idéalistes prompts à s’enflammer dès que la populace entame un semblant de révolution ont été détrompés par la dure réalité : ah, on nous l’a reproché, d’avoir défendu le « despotes sanguinair » dont le régime n’était cependant pas une dictature univoque ! Ah, ils se sont bien moqués de nous, ces progressistes naïfs qui criaient au « printemps français » en ce jour du 4 septembre 1870 où la République était proclamée, deux jours après la déroute des armées de Napoléon III à Sedan ! Ils étaient bien fiers de nous dénoncer comme complices de l’empire, comme bourreaux de Victor Hugo, quand ils ont su que le peuple de France allait enfin pouvoir élire ses dirigeants politiques ! Ils en voulaient, des élections libres en France ? Ils en ont eu, les Français sont allés voter, et qu’est-il sorti des urnes ? Il en est sorti une majorité monarchiste.

Nous l’avions dit, la preuve est maintenant faite : les Français ne sont pas du tout prêts pour la démocratie et ne le seront sans doute pas avant un siècle ; avec le résultat de ce scrutin, ils viennent de prendre, dans le chemin qui mène à la maturité politique, un retard que Bonaparte avait entrepris de rattraper. Aussi illégitime son coup d’État eût-il pu paraître auprès d’écrivaillons illuminés et sans avenir comme cet Hugo dont on nous rabat les oreilles, le régime bonapartiste n’en était pas moins la meilleure solution, en l’état, pour conduire sur la voie du progrès et de la prospérité ce peuple de barbares arriérés englués dans les traditions primitives de leur religion archaïque, le papisme. Qu’on ne m’accuse pas de condescendance, c’est un fait bien établi, la civilisation catholique est fondamentalement incompatible avec l’esprit démocratique : croire que les Français étaient malheureux sous l’autorité de l’empereur était méconnaître la spécificité de la culture française. On aura beau jeu de rappeler que nous, anglais, dûmes patienter, après la révolution de 1649, pendant onze ans de despotisme cromwellien et vingt-huit ans de restauration monarchique avant de vivre sous le régime parlementaire qui est le nôtre : l’esprit anglais n’est pas du tout de même nature que l’esprit français et celui-ci ne peut que conduire, quand il ne se trouve pas un empereur pour le brider, aux pires catastrophes, ce qui se confirme aujourd’hui.

Maintenant que les monarchistes ont remporté haut la main les élections françaises, la liberté du peuple de France n’est déjà plus qu’un beau rêve et, plus grave encore, un nouveau roi va prochainement monter sur le trône de France, vraisemblablement le duc de Chambord, et le royaume d’Angleterre retrouvera bientôt à ses portes un ennemi à sa hauteur, tant on ne peut ignorer que ce nouveau monarque ne manquera pas de dresser ses sujets contre nous, ce qui lui sera d’autant plus facile que les Français, comme on le sait, ont la violence dans le sang. Le soutien de l’élite intellectuelle d’Angleterre, dont je pense, toute fausse modestie mise à part, faire partie, à l’empereur Napoléon III nous a valu beaucoup de critiques acerbes, mais l’éternelle meute de jaloux ignares ont sous les yeux une nouvelle preuve du fait qu’ils feraient mieux de laisser parler ceux qui savent au lieu de sauter de joie à la première occasion ! Le peuple de France renoue avec les démons dont l’empereur commençait tout juste à les libérer, ce qui n’est que la conséquence logique de l’erreur d’avoir laissé un vent de liberté souffler sur ce peuple qui vit encore au moyen-âge et ne sera toujours pas une démocratie digne de ce nom dans trente ans… Allez, good bye.

  ALEXANDER ADDLE, chroniqueur au Daily Telegraph, le 9 février 1871.

P.C.C. BLEQUIN

L’éditorial d’Alexander Addle


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