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Pourquoi le devoir d’agir après l’assassinat d’Agnès ?

Publié le 25 novembre 2011 par Rsada @SolidShell

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L’assassinat de la jeune Agnès au Chambon-sur-Lignon (43) a soulevé une vague d’indignation et d’interrogations, tant sur l’atrocité du crime de celui-ci que par les étranges conditions de réintégration en milieu scolaire de son jeune meurtrier de 17 ans.

Une fois de plus, la valse des chroniques et des réactions politiques est revenue tournoyer autour d’un sinistre fait-divers qui mérite un peu plus qu’une longue expression d’émotion où les engagements de principe doivent céder la place à des actes concrets sur le terrain.

Sur cette affaire, tout ou presque a été dit et entendu, surtout des propos à l’emporte pièce et des rhétoriques souvent très éloignées du sujet principal. Si la lutte contre la récidive et la prévention de cette dernière demeurent des points importants, il n’est pas inutile de recentrer le débat sur la délinquance des mineurs (et/ou des jeunes majeurs), sur les capacités de détention (et leur nécessité) et le suivi socio-éducatif et médico-psychiatrique de ces détenus.

La vérité sur le profil du meurtrier

Le jeune Matthieu avait déjà commis un viol sur une mineure de 15 ans dans le Gard en 2010. Il avait été placé en détention provisoire durant 4 mois dans l’attente de son jugement définitif qui devait intervenir dans les prochains mois. Son profil psychologique ayant été jugé « compatible » pour une réintégration sociale, sa mise en liberté conditionnelle a été acceptée par le Juge à condition qu’un établissement scolaire délocalisé accepte de l’accueillir, qu’il  soit assidu à ses cours et qu’il respecte les contraintes imposées par son contrôle judiciaire. Les parents avaient averti le Lycée Cévenol de ses conditions judiciaires en omettant toutefois de préciser la nature des faits qui lui étaient reprochés. Au nom du sacro-saint « secret », les responsables chargés de son contrôle judiciaire n’ont pas informé la direction de l’établissement du caractère sexuel du délit commis par Matthieu dans le Gard.

Matthieu n’était pas en état de « récidive » pure puisqu’il n’avait pas encore été jugé pour le délit passé.

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La vérité sur la psychologie criminelle

De l’aveu même des professionnels concernés et des experts près les tribunaux, la science psychologique est dans tous les cas « faillible » puisqu’elle ne peut être prédite. Elle ne peut-être prédite ni avant l’acte, ni après celui-ci, pour la bonne et simple raison que chaque profil est spécifique.

Toutes les données chiffrées sur les récidives sont basées sur des estimations. Ces récidives sont généralement 1 fois sur 10 répétitive du délit précédemment commis. Dans 9 cas sur 10, la récidive constatée pourra être différente soit dans la déclinaison, soit dans l’aggravation.

Ainsi, il est expliqué par des psychologues qu’un profil répond à 4 ou 5 indicateurs différents. Un premier profil répondant à 1 seul critère par une alarme orange pourra perpétrer un nouveau délit beaucoup plus grave. A l’inverse, un second profil où toutes les alarmes sont au rouge pourra perpétrer un nouveau délit inférieur en atrocité ou ne rien faire du tout.

Selon ces professionnels, l’Homme n’est pas une machine programmée pour exécuter une tâche précise. Ses expériences personnelles ou le caractère plus ou moins affirmé de l’Homme pourra l’entrainer ou non dans une spirale criminelle.

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La vérité sur le malaise de la Justice

Premier élément d’importance à retenir : le malaise conjoint du Procureur de Clermont-Ferrand et du Garde des Sceaux Michel Mercier. Mis en accusation de toute part, le Procureur tente –maladroitement- de pointer du doigt le psychologue ayant analysé le cas de Matthieu alors que le Garde des Sceaux manque d’air lorsque David Pujadas sur France 2 lui demande  « Comment l’assassin présumé a-t-il pu être réintégré dans un établissement scolaire ? » et qu’il n’a que pour seule réponse à apporter « Le Juge a suivi le cadre légal de la loi actuelle. Celle-ci n’est plus adaptée et il va donc falloir la changer » !

Par ces deux postures indisposées, les français sont plongés dans le bain d’une réalité jusqu’ici insoupçonnée : la cruelle visibilité d’une délinquance sexuelle  potentielle et, une Justice non adaptée et mal préparée à solutionner ce problème et celui spécifique des mineurs, bien ancrés au cœur de la société.

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Le devoir de vérité

La mort d’Agnès ne doit pas être détournée et instrumentalisée au moment où une campagne présidentielle s’engage. La cruauté de cet assassinat doit en revanche placer tous les acteurs de la Justice et nos politiques en position de responsabilité misant sur une concertation apporteuse de réponses concrètes.

Les français ne doivent pas être dupes de ceux qui prétendent solutionner la question par un retour –impossible- à la peine de mort, par une miraculeuse évaluation comportementale des délinquants ou par un énième programme immobilier où l’on verrait fleurir de nouvelles structures fermées, très coûteuses et inefficaces au final.

Première vérité : la délinquance ou la criminologie ne sont pas des sciences exactes ! Elles ne se décrètent pas sur un individu plus qu’un autre et ne sont pas quantifiables !

Deuxième vérité : la carence éducative et la déresponsabilisation parentale sont des terreaux favorables aux dérives des plus jeunes.

Troisième vérité : le temps de l’angélisme est révolu ! A l’image de l’Homme adulte, les plus jeunes ne sont pas tous des enfants de cœur ! La multiplication des actes de récidive, l’extrême violence de certains crimes et délits, le manque de structures d’accueil adaptées et la faiblesse de la réponse judiciaire, doivent nous interpeller sur les efforts nécessaires à engager de toute urgence.

Quatrième vérité : notre pays ne se distingue pas par les conditions d’enfermement qui sont les siennes. Nos prisons, notre « honte nationale » comme ne cesse de les décrire Robert Badinter, n’ont jamais été un souci pour nos compatriotes. Pourtant, c’est par l’Education et la Justice que l’on reconnait la grandeur d’une Nation ! La France, notre pays, n’est pas suffisamment armée pour faire face aux errements d’une jeunesse déboussolée et pour gérer des cas improbables comme celui du jeune Matthieu !

En 2011, 3 faits-divers sont venus bousculer les certitudes : les assassinats (à caractère sexuel) perpétrés sur Laetitia, la petite Océane et Agnès n’ont pourtant rien de similaire. Laetitia a été victime d’un homme à peine sorti de prison et dont le contrôle judiciaire a montré ses limites. Océane a été victime d’un jeune père de famille, désocialisé, alcoolique et sans antécédents judiciaires. Agnès elle, a succombé à un jeune adolescent ayant déjà violé et dont les conditions de suivi (accordées à un mineur) ont connu un néfaste dysfonctionnement. A chacun de ces faits-divers de nombreuses voix se sont élevées. A chaque fois le Gouvernement a répondu par d’énièmes dispositions qui viennent régler la forme mais ne font qu’effleurer le fond. Pour tous ces drames les français ont réclamé une Justice exemplaire et ont découvert avec effroi que la société dans laquelle ils vivent n’est pas aussi belle qu’ils l’auraient espéré.   

Ecoutant certains commentaires sur le drame du Chambon-sur-Lignon : il faut lever bien haut la matraque en enfermant tous les délinquants, toutes les « racailles » et tous ces pervers sexuels pour qu’ils ne nuisent plus à la société ! Les enfermer oui, mais dans quel but et dans quelles conditions ?

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La seule parole de vérité qui méritait d’être entendue est celle d’André Vallini, sénateur et Président du Conseil Général de l’Isère, spécialiste des questions de Justice au PS : « Rien ne sert d’incarcérer un délinquant sexuel pendant 10, 15 ou 20 ans, si on l’abandonne à l’oisiveté promise en prison et qu’aucun suivi et traitement médical ne lui sont appliquées durant cette période. Lors de sa remise en liberté, il constituera un danger encore plus grand pour la société ! ».

Dans cette phrase, cette simple phrase : tout est dit !  Le meurtrier d’Agnès offre un panel relativement étendu des maux frappants la Justice et auxquels elle se doit de répondre précisément sans s’égarer :

1/ l’âge du meurtrier : 17 ans. 16 ans lors du premier viol.

2/ la nature des crimes dont il s’est rendu coupable : viol sur mineur de 15 ans puis viol avec assassinat aggravé sur mineure de moins de 15 ans. Pour les deux, la question de la préméditation reste posée.

3/ sa libération conditionnelle accordée après une courte période d’incarcération préventive de 4 mois.

4/ sa réintégration en milieu scolaire, même délocalisé du lieu du premier délit, alors que son premier délit était à caractère sexuel.

5/ les conclusions du rapport psychologique l’ayant reconnu comme réinsérable dans la société sans risque majeur pour autrui.

Il n’est pas possible ici d’évoquer tous ces sujets sans risquer de faire l’impasse sur des données essentielles. Parlons de quelques évidences :

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Au moment où Claude Guéant, Ministre de l’Intérieur, propose la création d’un Code Pénal pour les mineurs, alors que le Code Pénal existant favorise déjà le jeu des jurisprudences tant l’empilement des lois les unes sur les autres complique lourdement la tâche des magistrats ; Au moment où le recours aisé aux TIG (Travaux d’Intérêt Généraux) ou la prison avec sursis sanctionnent des actes de dégradation du bien public ou de délits jugés mineurs crées une vaste confusion sur les mots « peine » et « Justice », que la collectivité n’a pas à payer pour réparer les dommages de certains et que l’évidence même impose que la réparation doit être effective et les parents mis à contribution financièrement ; Au moment enfin où la prison ne fait plus peur et que l’efficacité des Centres Educatifs Fermés ou des Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs (actuellement en fonctionnement) est fortement mise en doute car jugés sans effets, il semble désormais nécessaire de poser les bonnes questions :

L’excuse de minorité a-t-elle encore une raison d’être lorsque la gravité des délits et l’atrocité des crimes demeurent exponentielles ?

Les structures actuelles réservées aux mineurs et aux jeunes majeurs s’appellent E.P.M. (Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs) et C.E.F. (Centre Educatif Fermé). Quelle est la réalité de la détention dans ces établissements ? Quelle devra-être la « nouvelle » réalité de demain en tenant compte des faits énumérés ci-dessus ? Quelles différences fondamentales nous séparent des « BootCamp » à l’américaine de « l’encadrement militaire des jeunes délinquants » prôné pour notre pays ?

Entre la lutte contre la récidive, la prévention de celle-ci et les possibilités de réinsertion offertes aux détenus, travaillons-nous réellement dans le bon sens ?

Enfin, concernant le délicat sujet de la délinquance sexuelle, quelles solutions sont aujourd’hui appliquées ? Nos prisons sont-elles adaptées pour traiter le cas des détenus concernés qu’elles ont pour charge de tenir éloignés de la société ?

A la manière de Charles-Ferdinand Ramuz : « Etre isolé du reste des hommes, c’est se sentir inutile. Se sentir inutile est pire encore que de se sentir coupable ! ».


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