Magazine Politique

“Les barons appellent toujours à la discipline ceux qu’ils piétinent”

Publié le 24 novembre 2011 par Ncadene

“Les barons appellent toujours à la discipline ceux qu’ils piétinent”Disons les choses clairement : j’ai avalé des couleuvres, supporté des insupportables et ai toujours voulu être du côté de la proposition constructive. Les actes internes qui contredisent nos principes de base doivent être dénoncés. À la lecture de blogueurs/militants comme Marc Vasseur (ici ou là) ou Isaway, on constate que ce “ras-le-bol” est assez généralisé dans les partis politique français.

Si je pars d’une situation personnelle actuelle (j’y reviendrai plus bas), c’est le cumul des expériences, la succession ininterrompue du spectacle de la médiocrité politique, qui préparait ce moment.

Un constat de départ : le PS n’est pas un parti de militants issus de toute la diversité de la société, mais un parti d’élus. Résultat, l’appareil ne sert plus en premier lieu les intérêts de la base, mais d’abord ceux des élus, et parmi eux, des plus puissants.

Les “barons” sont ces grands élus locaux, souvent cumulards, qui sont également des hommes d’appareil. Appareil qu’ils maîtrisent parfaitement pour leurs intérêts personnels (et cela dépasse largement le cadre électif), au moins dans leur région ou leur département.

Ainsi, au sein du PS (du reste, comme dans les autres formations politiques), ne croyez pas que le choix des candidats à telle ou telle élection émane toujours des militants. Si c’est souvent le cas, conformément alors aux statuts et au règlement intérieur de cette formation politique, c’est régulièrement le fait de ces seuls barons (sauf à être inquiété par une direction nationale qui leur serait opposée).

Militant depuis une dizaine d’années, j’ai une certaine expérience de ce que sont les batailles d’appareils en amont d’élections ou de congrès socialistes. Après être passé au MJS, j’ai eu la chance de vivre de près la campagne présidentielle de 2007 en étant collaborateur du codirecteur de campagne d’alors, Jean-Louis Bianco (1) ; le malheur de vivre d’aussi près le congrès de Reims (2). J’ai participé depuis à plusieurs campagnes d’élections intermédiaires : européennes en 2009, régionales en 2010, cantonales en 2011.

Chaque fois, ce sont les manœuvres d’appareil qui ont désigné nos candidats (3). Chaque fois, ce sont les militants sincères qui ont été évincés. Chaque fois, ce sont des talents qui ont été écartés jusqu’à s’en aller d’eux-mêmes d’un parti qu’ils jugeaient “pourri jusqu’à la moelle”.  Des départs qui sont bien souvent souhaités par les “apparatchiks” : Moins il y en aura (de militants sincères), plus tout pourra se teinter de l’illusion démocratique et s’emplir de l’arrangement de l’entre-soi.

Je connais bien ces manœuvres et les désapprouve. Ainsi,  n°2 de la fédération du PS du Gard), je lutte -le mot n’est pas excessif- pour un changement des pratiques. Bien sûr, je continue de mener des campagnes de terrain, d’être actif dans l’opposition nîmoise -combat essentiel-, de participer -dans l’ombre- à la rédaction de programmes électoraux nationaux ou locaux. Reste un souhait : celui de mener campagne sur mon nom, puis être élu pour mettre en actions les principes auxquels je crois et en pratique les propositions que je formule.

Le blocage est là. Les barons sont ravis de votre présence pour mener leurs campagnes ou pour rédiger les programmes, mais ils refusent que l’on puisse “émerger” si on est extérieur à leurs pratiques. Personne ne doit leur faire d’ombre. Ils nous accusent des pires maux, souvent publiquement et dans la presse (4). Ils nous traitent “d’intellos” ou, par de formidables contorsions intellectuelles -ils n’ont jamais peur du ridicule-, d’apparatchik (!).

Dans leurs “territoires”, le renouvellement et la diversité votés lors de la convention sur la rénovation en juillet 2010 n’ont pas de valeur. S’il faut quelques jeunes, blacks ou beurs, ce seront certains de leurs fidèles qui ne sauraient sortir du rang. Ou quelques figures qu’ils exposeront pour l’affiche, dans des zones ingagnables ou à des postes sans enjeu.

Cette réalité n’est pas surprenante mais n’en reste pas moins insupportable. Un ami blogueur et militant, Romain Pigenel, l’écrit très justement : “L’idéalisme militant se heurte à un constat simple : les partis sont des organisations humaines et, en tant que tels, sont travaillés par des logiques et des tensions communes à toutes les organisations humaines. Ambitions. Arrangements. Passe-droits. Combines. Haines personnelles. Cliques et bandes. Oligarchies internes. Etc.”

C’est parfaitement exact. Néanmoins, ce constat ne justifie pas l’adhésion. C’est pourquoi il ajoute : “Pour changer le monde, il faut commencer par le prendre tel qu’il est (…) Quitter un parti par rejet d’individus ou de pratiques, c’est laisser le champ libre à ces individus, et à ces pratiques, et finalement manquer à ses idéaux”.

Là encore, nous sommes d’accord. Mais ça ne suffit pas. Les barons ne cessent de tout faire pour  nous conduire à la sortie

Et on ne se bat pas à armes égales. Quand on fait adhérer par conviction quelques personnes, les barons font adhérer en masse des “alimentaires”, des salariés de leur collectivité, tout à fait extérieurs au parti et par ailleurs tout à fait honnêtes, mais qui voteront en interne dans le sens souhaité par leur patron. Voilà une façon de biaiser un vote militant. Quant aux scrutins de listes, il suffit aux barons de vous en exclure -si vous êtes candidats-, tout en intégrant quelques noms peu “gênants” -qui ne leur font pas “d’ombre”- et pouvant satisfaire le plus grand nombre.

“Les barons appellent toujours à la discipline ceux qu’ils piétinent”
Il y a mieux : l’utilisation de la parité et des partenaires politiques (5). Je viens d’en être la victime en ayant formulé l’été dernier le souhait d’être candidat à la candidature -au vote militant- pour les élections législatives à Nîmes en juin 2012.

Alors que les secrétaires de section, les militants concernés et les instances fédérales du PS avaient demandé par une majorité très claire -pour ne pas dire la quasi-unanimité- de laisser les deux circonscriptions législatives nîmoises au PS, une des deux a été donnée à Europe Écologie – Les Verts (EELV), l’autre a été féminisée. N’étant ni à EELV, ni une femme, je suis donc dans l’incapacité totale de seulement candidater devant les militants, même si le travail de terrain de notre section est reconnu par tous. Malgré quelques adhésions  douteuses de leur part, les barons locaux me savaient capables d’emporter un scrutin interne et l’ont donc empêché. Ça a le mérite de la simplicité et de la clarté.

Pourtant -ils le savent-, donner une circonscription nîmoise à EELV alors que le PS se reconstruit (6) obère sérieusement la reconquête de la municipalité en 2014. Les secrétaires de section l’avaient rappelé, sans succès.

Sans parler de la pertinence d’un tel accord, plus que contestable : le programme de fond est occulté et la dynamique unitaire est inexistante. Il offre plus de 60 circonscriptions à un EELV qui pourra néanmoins présenter des candidats contre nous sur toutes les autres circonscriptions, qui n’hésite pas à reprendre le nom de notre ancienne candidate comme adjectif dévalorisant, à qualifier notre candidat actuel de potiron qui a pris le melon, à comparer les socialistes à des marionnettes et à juger notre projet archaïque.

Mais qu’en est-il du libre choix des militants ? On s’en fout disent les barons. Le travail de terrain ? Ça sert à rien répètent-ils. La rénovation du PS votée en 2010 ? On s’en contre-fout affirment-ils. Dans le Gard, sauf surprise, il n’y aura aucun renouvellement, aucun respect du non-cumul, aucune diversité. Rien.

Sans vouloir généraliser, tout cela est néanmoins transposable à de nombreux départements. Cette situation étant donc plutôt “banale”, on imagine comme il devient compliqué de renouveler notre classe politique. Et si “renouvellement” suppose “compromission” et trahison de ses idéaux, alors autant laisser tomber.

Ces pratiques ne cessent de creuser le fossé entre citoyens et élus. Un peu d’espoir : comme dit un ami en détournant un proverbe africain, “ils ont la montre mais on a le temps”.

Quant à la phrase qui ouvre cette note (son titre), elle prévient ce que l’on va me reprocher : On dit toujours à ceux qui l’ouvrent qu’ils doivent se taire faute de quoi il font le jeu de l’opposition. Et c’est ainsi que d’année en année, de scandale en scandale, on réduit au silence au nom de la discipline ceux qui voudraient faire de la politique de manière droite et responsable. Le parti n’a pas besoin de moi, ni de ceux qui sont encore lucides et qui dénoncent, pour être affaibli. Rien ni personne ne l’affaiblissent autant que ces méthodes et ceux qui les emploient.

Nicolas Cadène

Notes :

1 ”Grand élu”, qui n’a rien d’un baron puisqu’il est tout à fait extérieur -fait rare- à l’appareil et n’a été élu que sur son travail de terrain.

2 Auprès de Ségolène Royal et, à l’époque, Vincent Peillon, François Rebsamen, Gérard Collomb, Manuel Valls, Patrick Mennucci, Julien Dray, Éric Andrieu et beaucoup d’autres

3 Aux élections comme aux instances internes de notre parti.

4 Rarement en leur noms propres, préférant l’anonymat ou les “portes-flingues”

5 Europe Écologie Les Verts -EELV-, PCF, PG, PRG, MRC.

6 À Nîmes, au sein de la gauche, le PS est “derrière” le PC.

Share me !

Retour à La Une de Logo Paperblog