Il pensait capitaliser sur les bisbilles à gauche. Les instructions avaient été données à son équipe de campagne. Il fallait continuer de taper sur François Hollande, caricaturer son projet, et dramatiser les conséquences de l'accord avec les écologistes. Le meurtre d'une adolescente permit de surfer sur un autre sujet favori, l'insécurité.
Nicolas Sarkozy en perdit ses nerfs, d'une surenchère à l'autre. Nous pouvions vomir.
Lundi, Nicolas Sarkozy était ragaillardi par quelques baromètres sondagiers qui le créditaient d'une remontée au premier tour de la présidentielle de l'an prochain. Surtout, les commentaires ici ou là dans les médias furent particulièrement savoureux. On attribuait ce résultat à sa récente séquence internationale (G20) et télévisée, et aux conséquences de l'accouchement douloureux de l'accord écolo-socialiste. Insécurité et nucléaire s'imposèrent rapidement comme les deux thèmes électoraux à pousser cette semaine.
Trois jours avant, l'horrible meurtre d'une jeune adolescente de bientôt 14 ans prénommée Agnès par un autre adolescent, au Chambon-sur-Loire, avait secoué l'opinion. Cette fois-ci, Nicolas Sarkozy sous-traita l'instrumentalisation de l'affaire à ses sbires. François Fillon convoqua une réunion « de crise ». le soir-même, Claude Guéant promit une nouvelle loi sur la justice des mineurs après les élections de 2012. Il fallait en faire un sujet de campagne.
Le Monarque, lui, s'était engoncé un peu plus dans un costume trop grand et très vieux, qu'il pensait être au croisement de Kennedy et de Gaulle. Lundi, son agenda officiel était léger, un entretient avec des
industriels européens, puis la remise d'un rapport sur les enfants placés rédigé par Dominique Baudis, le nouveau Défenseur des Droits.
Mardi, il célébrait la conquête spatiale, à l'occasion du 50ème anniversaire du CNES. Cela faisait de beaux clichés devant des statues. Il se prenait pour Kennedy avec des formules telles que « l’espace contient les clés de notre futur sur terre ».Le même jour, les agences de notation Moody's puis Fitch s'inquiétaient du sort du Triple A français. Nicolas Sarkozy ne réagissait pas. Ce n'était pas prévu dans l'agenda. Il demanda à François Fillon d'annoncer l'abandon d'une mesure qu'il avait lui-même annoncer 7 jours avant, le 4ème jour de carence d'indemnité maladie.
Mercredi, il recevait quelque 2.000 maires sélectionnés parmi les participants au 94ème Congrès des Maires de France qui se tient à Paris. Il avait refusé de s'y rendre, sans doute par crainte d'entendre trop de rancoeurs après la mise en oeuvre de la réforme territoriale et les gels de dotations publiques. Aux invités, il leur déclara combien il devait « tenir le cap ». Le sien ? Au passage, il exprima son refus d'accorder le droit de vote aux résidents étrangers aux élections locales, l'exact contraire de ce qu'il promettait en 2005. Sarkozy n'est pas indécis, il change d'avis souvent.
Son ministre de l'Education confirma un joli cadeau électoral: les jeunes enseignants seraient payés 2.000 euros par mois. A 5 mois de l'élection, tout est possible. Qui sera dupe ? Un autre ministre, François Baroin, se fait étriller par le Financial Times.
En fin de semaine, il confia à ses proches qu'il faudrait qu'on laisse « les Français en paix à partir du 15 décembre » car toute polémique politique « alors que nos concitoyens aspireront alors à un peu d'insouciance sera très mal perçu ». Sans blague ? Nicolas Sarkozy aurait-il prévu de partir à Marrakech avec Giulia et Carla dès le 15 décembre ?
Et la crise ? La crise attendra. Nicolas Sarkozy avait prévu d'en parler jeudi, à Strasbourg. L'occasion d'un micro-sommet avec Angela Merkel et le nouveau président du Conseil italien Mario Monti, cet ancien conseiller de Goldman Sachs. La rencontre fut un fiasco total et humiliant. La chancelière allemande n'avait cédé sur rien: elle ne voulait pas d'euro-bonds - que l'Allemagne serait seule à garantir en l'état actuel désastreux de la zone euro, ni davantage d'intervention de la BCE sur les marchés pour soutenir les dettes souveraines défaillantes. La grande conférence des trois de presse fut réduite à 31 minutes. Nicolas Sarkozy fait grise mine, légèrement vouté par l'échec. Il flippait. Un « écroulement de l'Italie amènerait inévitablement à la fin de l'euro » confia-t-il en coulisses à Mario Monti. Le lendemain, même la Belgique voisine perdait son AA+. En repartant sur Paris, Sarkozy promet de venir discourir à Toulon la semaine prochaine. Encore ?
Vendredi, le candidat était de nouveau d'attaque. Oubliée la crise financière ! Oubliées les menaces sur la dette française ! Nicolas Sarkozy était à nouveau concentré sur sa campagne. Ses conseillers lui avaient ajouté un dernier déplacement provincial, dans une usine d'enrichissement d'uranium d'Areva à Pierrelatte, dans la Drôme. Il n'allait là-bas que pour une seule et unique raison: profiter de son temps de parole déplafonné pour critiquer l'accord électoral écolo-socialiste. Le matin même, il avait été réjoui d'entendre une responsable CGT de la filière refuser toute sortie du nucléaire. Le Monarque croit avoir trouver là un clivage prometteur pour sa campagne. Il plongea donc lui-même dans la caricature, dénonçant une « destruction de la filière », « une folie destructrice d'emplois ». Le candidat dérapait, il était en roue libre. « Sortir du nucléaire, c'est remettre en cause l'industrie » Ce vendredi, il était censé parler des économies d'énergie...
Il aurait pu choisir, tout président qu'il prétend être, de discourir de la Syrie. La répression y est sanglante. Il y a peu, comme en Libye, Sarkozy voulait y vendre la fameuse technologie nucléaire française. Cet homme-là est dangereux. Contre la Syrie, seul Alain Juppé, ministre des affaires étrangères, s'efforce de convaincre les puissances du conseil de sécurité de l'ONU d'accepter de réelles sanctions ou, a minima, des corridors de sécurité. Sarkozy sous-traite, par indifférence.
Vendredi, la nouvelle, terrible, est tombée. Le parquet de Paris autorisait finalement les juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire, chargés du volet financier de l'enquête sur l'attentat de
Karachi, à enquêter « sur une éventuelle corruption liée à des
contrats d'armements après 1995 sous la présidence de Jacques Chirac ». L'information était du Point. Nous pensions, quelques semaines auparavant, que Nicolas Sarkozy avait donné quelques consignes d'apaisement envers le camp chiraquien.
Ami sarkozyste, où es-tu donc ?