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L’intégration des islamistes, prudente mais irréversible

Publié le 27 novembre 2011 par Jcharmelot

Les processus électoraux entamés en Afrique du nord et au Moyen-Orient ont un objectif commun, celui d’homologuer les partis islamistes comme protagonistes du jeu politique des pays concernés.  Cette qualification de formations écartées du pouvoir ou marginalisées depuis des décennies reflète le réalisme des élites dirigeantes, militaires ou civiles, et de leurs soutiens occidentaux. Elle s’accompagne d’une grande retenue de la part des partis qui défendent le rôle de l’Islam en politique: nulle part, ils ne souhaitent emporter une victoire complète, et partout, ils prônent la collaboration avec d’autres forces de gouvernement. A la fois pour éviter un scenario à l’algérienne –les dix années de guerre civile qui ont suivi la victoire des islamistes en 1991– et pour ne pas avoir à porter seuls la responsabilité de régler les problèmes de sociétés en crise: explosion démographique, croissance exponentielle du chômage, marginalisation de cohortes de jeunes diplômés et dégradation inquiétante de la condition des femmes.

Cette stratégie d’implication des islamistes, défendue depuis des années par tout un pan de la diplomatie américaine, a commencé avec les élections d’octobre en Tunisie. Elles ont permis au parti Ennadha de remporter 40 pc des sièges de la nouvelle Assemblée constituante. Cette  consultation a été marquée par une forte abstention, près de la moitié des électeurs potentiels, un élément qui relativise la poussée des islamistes et rend possible leur collaboration avec d’autres formations politiques et avec l’armée. Une autre étape a été franchie, le 25 novembre, avec les législatives au Maroc: là encore, les islamistes modérés sont devenus la première formation politique au sein d’une assemblée élue, en l’occurence la chambre basse du Parlement qui compte 395 députés. Le Parti Justice et Développement s’est assuré d’un quart des sièges et pourra former un gouvernement de coalition qui gérera le royaume chérifien dirigé par Mohamed VI. Pour que personne ne se trompe sur ses intentions, le PJD a insisté sur son caractère « monarchiste » et sur ses liens étroits avec les partenaires occidentaux du Maroc.

Une intégration de la confrérie des Frères Musulmans au processus de décision en Egypte est également en cours, alors que s’ouvre une période électorale qui va durer plus de trois mois. L’enjeu des violences qui accompagnent cette dynamique dans le pays le plus peuplé et le plus stratégique du monde arabe est de justifier la poursuite de la co-gestion du pouvoir entre les islamistes et l’armée qui s’est établie depuis l’éviction du président Hosni Moubarak. Le maintien des élections législatives et l’anticipation du scrutin présidentiel, décidées par la junte militaire, ont tout lieu de satisfaire les Frères Musulmans, dont l’ancrage dans le pays leur assure de sortir en tête de ces consultations. Et confirme que l’attelage envisagé pour mener l’Egypte dans les années qui viennent est celui d’une alliance entre les militaires et les religieux.

Cette recette est toutefois plus difficile à appliquer dans un autre pays de la ligne de front avec Israël, la Syrie. L’absence de liens forts de l’Occident avec une armée à même de garantir la stabilité du pays et la sécurité de l’état hébreu, et l’absence d’une opposition organisée, avec laquelle encadrer la marche vers plus de représentation populaire, rendent l’ouverture d’une phase de changement plus problématique qu’en Tunisie, en Egypte, ou au Maroc. Et même en Libye, où finalement la dislocation de l’état ne freine que partiellement l’exploitation des ressources pétrolières et gazières, seul véritable objectif des Américains et des Européens dans cette affaire.

Le cas syrien va donc devoir évoluer sans véritable « feuille de route »: le voie la plus vraisemblable sera celle d’un long harcèlement du régime de Bachar al Assad par des groupes armés inspirés par des revendications sectaires et soutenus de l’extérieur. Cette situation peut perdurer jusqu’à ce que la donne régionale ou internationale permette à Damas de retrouver son rôle de pivot indispensable des équilibres au Moyen-Orient.


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