Magazine Humeur

Rétrospective du « traitement social du chômage » depuis 1976

Publié le 01 décembre 2011 par Kamizole

Autant l’affirmer d’emblée : si l’expression « traitement social du chômage » fit longtemps florès aussi bien à gauche qu’à droite, de même que parmi les spécialistes et chez les journalistes pour exprimer l’ensemble des mesures - sans doute bien insuffisantes - en faveur des chômeurs, elle n’a plus aucun cours en Sarkozie. Ce qui est infligé aux chômeurs - de même qu’à l’ensemble des bénéficiaires de prestations sociales lato sensu - en vertu (?) de la conception ultra-réac de Nicolas Sarkozy littéralement aveuglé par sa haine à l’encontre de « l’assistanat » et des supposés parasites - par nature paresseux et fraudeurs - qui en bénéficient, abusant entre autres de l’extrême générosité des Assedic, mériterait bien mieux le nom de « traitement pénal du chômage » !

Pourquoi me livrer à ce petit exercice rétrospectif des mesures prises pendant 30 ans en faveur des chômeurs, notamment de longue durée, sans d’ailleurs prétendre à l’exhaustivité car n’ayant pas le temps ni l’envie de me livrer à des recherches qui d’ailleurs n’ajouteraient rien à l’essentiel, je ne solliciterais que ma seule mémoire ? Mes plus fidèles lecteur/trices (que je remercie au passage) connaissent sans nul doute la réponse : il ne faut jamais mettre mémé Kamizole en colère !

Or, comment ne l’aurais-je pas été hier matin en découvrant, non pas les derniers chiffres du chômage qui n’ont rien de surprenant mais une déclaration de Xavier Bertrand sur l’article du Monde Le chômage atteint un nouveau record en octobre (28 oct. 2011) « Tant que la situation économique ne s'améliorera pas, je ne vois pas comment les chiffres de l'emploi pourront réellement s'améliorer »…

Meilleure preuve qu’ils n’ont vraiment rien à secouer du taux de chômage pourtant catastrophique - de surcroît, surtout totalement oublieux que derrière les statistiques, ce sont des millions de vrais gens qui souffrent : au chômeur lui-même il faut ajouter sa famille - et que désormais le ministre du Travail (antiphrase !) ne fait même plus mine de prétendre que le gouvernement va prendre le problème à bras le corps selon son habituel lait d’beu mensuel…

Ce serait proprement renversant si nous ne savions que c’est Nicolas Sarkozy et ses amis des multinationales qui ont encore davantage accru et organisé les délocalisations et la désindustrialisation de la France à l’évidence responsables au premier chef de l’ampleur de la crise économique et sociale et, qui pour toute réponse, ne savent que réduire encore plus drastiquement le pouvoir d’achat des salariés et retraités ce qui ne peut que précipiter la France dans la récession voire la dépression, la chronique annoncée des faillites en chaîne et donc l’augmentation du nombre de chômeurs et de pauvres toujours plus pauvres. Cercle vicieux s’il en est.

Depuis 1976 la France a traversé des crises économiques et sociales graves mais c’est bien la première fois que je vois un gouvernement ne même plus faire semblant de se préoccuper du chômage et n’apporter aucune solution, bien au contraire. Pour n’être que des panacées - des emplâtres provisoires - ces mesures avaient toutefois l’insigne mérite d’améliorer les conditions de vie matérielles et financières des chômeurs, ce qui sur le plan humain n’est pas rien.

Certes, l’on entendit souventes fois « contre le chômage, on a tout essayé » sauf l’essentiel : ne pas laisser le travail partir à l’étranger. Car bien avant les délocalisations, il y eut la concurrence de pays étrangers produisant à très bas coûts. Qui ruinèrent, entre autres, l’industrie textile et l’électronique lato sensu, notamment téléviseurs et magnétoscopes à l‘époque. Ce que l’on nomma au début des années 1980 la « contrainte externe ».

Contrairement à ce qu’affirmaient en 1976 et les années qui suivirent nombre d’économistes et de politiciens, ce chômage n’avait rien de conjoncturel ou frictionnel. Il m’apparut immédiatement comme structurel. Non seulement parce qu’il fut très rapidement massif mais surtout parce qu’au-delà de la crise pétrolière de 1973 - phénomène assurément conjoncturel - qui sans doute y contribua fortement, d’emblée il fut procédé à ce que l’on nomma l’élimination des « canards boiteux » : entendre les entreprises jugées non rentables parce que vétustes (l’étaient-elles réellement ?) et au « dégraissage » (sic !) des effectifs sous prétexte de rentabilité et de compétitivité.

Il m’apparut de même très vite évident qu’Albert Sauvy - l’inventeur de la formule « Tiers-monde » - était dans l’erreur, du moins pour les phénomènes que nous pouvions observer à l’époque, quand il affirmait que le chômage frictionnel - dû essentiellement à des changements de technologie et nécessitant donc de mettre la formation des demandeurs d’emploi en adéquation avec celle-ci pour répondre à la demande des entreprises en main d’œuvre qualifiée - se traduisait ensuite par une amélioration non seulement de la situation globale de l’emploi mais aussi du niveau général des rémunérations du fait de la meilleure qualification d’un plus grand nombre de salariés.

C’est sans doute vrai dans l’absolu mais hormis quelques filières et de façon tout à fait transitoire - notamment l’électronique et ensuite l’informatique - cela ne se vérifia nullement. La raison en est très simple : du fait de la concurrence extérieure - qu’elle fut le fait de pays technologiquement plus avancés comme le Japon ou commençant à s’industrialiser - les « dragons du Sud-est asiatique » ou beaucoup moins avancés mais produisant - notamment des produits textiles de qualité très moyenne pour ne pas dire franchement mauvaise - mais beaucoup moins chers en raison de la faiblesse des salaires et autres avantages sociaux, démarra alors une vaine course-poursuite pour rester compétitif.

Au détriment non seulement des salariés sur le plan des rémunérations mais de l’emploi lui-même : il suffit de penser à la « robotisation ». un seul salarié en remplaçant dix, vingt, parfois plus. La technologie censée améliorer les conditions de travail en supprimant la pénibilité de certaines tâches se transformait en une arme redoutable contre les travailleurs. Uniquement parce que la concurrence et la logique productiviste commandaient de fabriquer toujours plus, sans nullement se soucier de l’utilité réelle et sociale ni moins encore écologique des produits - leur durée de vie devant être la plus courte possible ! - seul comptant en dernière analyse la rémunération des actionnaires. Dans la « Fin du travail » (1996 pour l’édition française, La Découverte) Jérémy Rifkin démontre l’inanité de cette compétition dans la mesure où tous les pays exportateur s’y livrent avec un acharnement sans précédent.

J’étais bien naïve dans ma jeunesse, pensant que le progrès technologique s’accompagnerait inéluctablement d’une amélioration des conditions de travail et que permettant de produire davantage en moins de temps, cela nous conduirait logiquement vers une diminution générale du temps de travail. Mais j’entendais bien évidemment celui-ci par « socialement utile » : devant répondre à la demande des consommateurs, la qualité et la durabilité des produits me semblant essentielles.

Au lieu de quoi, du fait de la compétition internationale, de l’hyper-productivisme et la société de consommation - « le vice soutenant le crime » pour plagier Chateaubriand - la pub nous enjoignant de consommer à outrance des quantités de produits toujours plus rapidement obsolètes ou de très médiocre qualité (voire les deux !) il ne saurait être question de travailler moins longtemps, bien au contraire.

Le partage du travail - surtout en période de crise et de chômage de masse - serait la plus parfaite hérésie selon la vulgate ultra-libérale. Il suffit de se référer à leurs charges constantes contre les 35 heures. Nicolas Sarkozy ayant bien évidemment opté dans cette logique pour les heures sup’ défiscalisées. Ensuite de quoi, il peut taper à bras raccourcis sur les chômeurs restés sur le carreau. On se demande bien pourquoi.

Le tableau d’ensemble ayant été peint à grands traits, je peux maintenant aborder la question des différentes formes que prit au fil du temps le « traitement social du chômage », sachant néanmoins que dans un monde où les économies - sans même parler de la finance qui désormais commande tout - s’interpénètrent à un point jamais connu, sur le plan national les remèdes ne peuvent être que palliatifs et forcément boiteux, dans le sens ou tour à tour, l’on a aidé telle ou telle catégorie qui semblait plus fragile et/ou retenait plus l’attention selon la sensibilité particulière des dirigeants de l’époque et beaucoup plus certainement dans un but purement électoraliste

J’en parle en connaissance de cause, l’ayant appris par des témoignages directs. L’on privilégia une certaine époque les femmes, notamment mères de famille et encore davantage élevant seule leur(s) enfant(s). Retournement de tendance : le chômage des jeunes devenant la priorité des priorités, ses femmes passèrent à la trappe, et leurs contrats aidés du même coup. Retour à la case ANPE ou RMI.

Loin de moi l’idée de dresser les catégories de chômeurs les unes contre les autres mais « déshabiller Pierre pour habiller Paul » n’a jamais été une solution. D’autant que nous savons pertinemment que lorsque les entreprises procèdent à une vague de licenciements partiels - le plus souvent, hélas ! suivie de beaucoup d’autres jusqu’à le fermeture définitive - les premières personnes faisant partie de la charrette sont les femmes (en vertu de l’idée que le revenu de leur travail ne constituerait qu’un "salaire d’appoint") et les derniers embauchés, donc très généralement les plus jeunes.

Néanmoins, entre 1976 et 1981 le gouvernement de Raymond Barre - bien critiquable à de nombreux égards - améliora nettement l’indemnisation des nombreux chômeurs licenciés économiques et mit en place des stages - sans doute "bidon" pour la plupart mais qui présentaient l’avantage d’être rémunérés à un niveau relativement correct. Les vieux étant tout autant qu’aujourd’hui devenus persona non grata dans les entreprises - ils coûtent plus cher que les salariés plus jeunes - il fut instituée par une loi de 1974 une allocation dite « d’attente » à la charge des Assedic leur permettant de percevoir 90 % de leur ancien salaire brut jusqu’à leur retraite.

Il semble me souvenir que dans ce cas, celle-ci intervint automati-quement à 60 ans, ce qui ne posait aucune difficulté, la plupart ayant commencé à travailler très jeune, ils avaient acquis suffisamment de trimestres, de toute façon la période de chômage indemnisé comptant de même façon.

De ces années datent aussi les premiers dispositifs de pré-retraite, soit à l’initiative de l’Etat soit à celle des entreprises les plus importantes, et parfois une combinaison des deux. Ils ont perduré sous plusieurs formes jusqu’en 2007 : Sarkozy y mit fin au nom de sa lutte contre l’assistanat… De même que fut supprimée la dispense de recherche d’emploi pour les chômeurs les plus âgés pour les mêmes raisons.

Par la suite, vint la période des contrats dits « aidés » quelque furent selon les époques leurs diverses dénominations administratives, des TUC aux CES, réservés aux administrations, collectivités locales et certaines associations travaillant dans le domaine social ou culturel. Les contrats dits « Borloo » mis en place avant 2007 relevaient du même principe avec même une certaine amélioration dans la mesure où les organismes qui bénéficiaient de cette main d’œuvre quasi gratuite furent obligés de sacrifier à l’obligation de formation en alternance de ces salariés qu’ils employaient sans qu‘il leur coûta grand chose. Ce qui n’avait été que très rarement respecté dans le cas des CES.

Relevaient du même principe les contrats d’alternance - en fait l’apprentissage d’un métier - réservés aux jeunes de 18 à 25 ans sortis de l’école sans diplôme et qui partageaient - leur temps comme d’ailleurs la plupart des apprentis (sauf ceux qui suivent leur scolarité en LEP) entre travail chez un artisan et session dans les mêmes CFA (centres de formation des apprentis). Une fois obtenu un CAP ou Brevet professionnel, ils peuvent poursuivre leur formation par un BEP voire un Bac-pro que certains complètent ensuite par un BTS ou un diplôme universitaire en IUT. Sans oublier les cours du soir des Arts et Métiers qui ont permis à certains de devenir ingénieurs.

Mais contrairement à ce que je sais de l’Allemagne, en France le mépris pour les métiers manuels et techniques - qui ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui, j’entendis parler depuis ma jeunesse de cette stupide concurrence entre «cols blancs » et « cols bleus » - a quelque chose d‘effarant. Aussi bien dans les familles qu’au sein de l’Education nationale, beaucoup d’enseignants compris. Considérés comme une voie de garage pour les cancres. Vous y ajoutez que dans ma jeunesse les centres de l’AFPA (formation professionnelle des adultes) délivraient un très bon enseignement avec des CAP recherchés par les employeurs. Les enseignants techniques étaient recrutés parmi les professionnels très qualifiés. Aujourd’hui cela ne semble plus du tout le cas. Absence de volonté politique, les pouvoirs publics les ont laissés en pleine déshérence.

Une personne de ma connaissance qui y suivit un stage en alternance dans les métiers du second œuvre du bâtiment me rapporta qu’il y avait chez les formateurs un turn-over constant et que de surcroît ces enseignants bien que qualifiés et compétents pour la plupart, avaient parfois le même statut que leurs stagiaires : contrats Borloo !

Je ne saurais toutefois pas passer sous silence deux - et même trois si l’on y ajouter le Contrat nouvel embauche de Villepin - mesures absolument anti-sociales en direction des jeunes, à savoir le CIP (Contrat d’insertion sociale)) de Balladur en 1994 et le CPE (Contrat première embauche) de Villepin en 2006. Les deux dispositifs ayant pour particularité d’instaurer ce qui fut nommé un « Smic-jeunes » : inférieur au Smic légal déclenchèrent un tel tollé et des manifestations d'étudiants et lycéens que tant Balladur que Villepin durent bien vite rétro-pédaler.

Nicolas Sarkozy - tout heureux de voir son rival le plus direct mis en difficulté - alla soutenir en catimini les étudiants de sa solidarité dans leur lutte contre le CPE. Comme l’apprend un article du Nouvel Obs, l’on sait moins qu’il osa prétendre avoir été également opposé au CIP de son mentor dont il était le ministre du Budget, lors même que Pour Balladur, Sarkozy a défendu "avec flamme" le CIP (Nouvel Obs 30 sept. 2009). Les arguments qu’il utilisa pour justifier sa position laissent pantois quand on connaît cézigue : « Il est inacceptable qu'on n'ait pas les mêmes droits sociaux selon qu'on a tel âge ou tel âge (…) J'ai toujours été opposé à des contrats jeunes à statut social inférieur ». Tu parles !

Le Contrat nouvel embauche (CNE) participait de la même démarche mais s’adressant cette fois aux adultes demandeurs d’emploi : permettre aux employeurs de leur proposer un salaire inférieur au Smic ! Vous pensez bien qu’un grand nombre s’engouffrèrent dans la brèche, profitant de cet effet d’aubaine. Je passerais les détails mais le projet fut retoqué par la suite, à la suite d’un recours devant le Conseil d’Etat qui s’appuya sur la jurisprudence de l’Organisation internationale du travail (OIT). Je n’ai jamais d’ailleurs compris comment le Conseil constitutionnel avait pu valider une telle disposition…

En 2002, avec le retour de la droite (Chirac et Raffarin) passèrent aussi à la trappe les « emplois jeunes » de l’ère Jospin qui avaient pourtant fait preuve de leur utilité tant s’agissant des bénéficiaires qui outre un salaire, avaient acquis une formation et une expérience professionnelle, que pour les collectivités, établissements publics - l’on pense en tout premier lieu à l’éducation nationale - ou du secteur associatif.

Enfin, au fil des années, je ne pus que constater une formidable régression du droit du travail. En général et en particulier s’agissant des licenciement collectifs et des droits des chômeurs. Il s’agissait - pour la droite, essentiellement - de libérer le "marché du travail" de toutes les contraintes qui l’entraveraient. Antienne connue de l’ultralibéralisme chantée sur l’air du « libre renard dans le libre poulailler ».

Ainsi disparut fin décembre 1986 - gouvernement Balladur - « l’autorisation administrative de licencier ». Pensez donc ! Donner à l’Inspecteur du travail le pouvoir de contrôler si le motif économique invoqué par l’entreprise était sérieux en examinant sa comptabilité (étant bien évident qu’il y a des entreprises qui y sont obligées, le plus souvent du fait de la crise économique : les carnets de commande se vident) pour déterminer si les dirigeants ne veulent pas tout simplement se séparer d’un grand nombre de salariés pour accroître leur compétitivité et leurs profits au seul bénéfice des actionnaires. Ce que l’on nomma par la suite « licenciements boursiers ».

Par la suite, les plans sociaux relevèrent du contrôle du juge judiciaire qui effectuèrent le même travail de contrôle sur le sérieux du motif invoqué. Ce temps-là est apparemment totalement dépassé puisque s’agissant de tous les licenciements pourtant massifs qui se profilent je lis sur la plupart des articles que je dépouille : pas de plan social !

Pourtant, à moins que ne m’ait échappé une réforme essentielle, je ne crois pas avoir lu quelque part que l’obligation de présenter en cas de licenciement collectif un plan social - devenu en 2002 par un curieux sens de l’antiphrase « plan de sauvegarde de l’emploi » - eût été abrogée.

Je ne sais s’il vous en souvient mais le 20 mai 1993 l’usine SKF de Saint-Cyr-sur-Loire, banlieue de Tours (Indre-et-Loire) inaugura le « licenciement minute » : 33 salarié(e)s renvoyés immédiatement en taxi dès après l’entretien préalable au licenciement - sans même avoir le droit d’aller dans leur vestiaire… de peur qu’ils ne déclenchent un mouvement de protestation dans les ateliers - lequel licenciement n’avait été précédé d’aucune lettre recommandée comme le veut la loi ni a fortiori de la faculté légale de se faire assister d’un représentant syndical.

Par la suite, après le krach de la nouvelle économie en mars 2000, certains patrons de « start up » trouvèrent une méthode encore plus originale, envoyant à leurs salariés un SMS : « Vous êtes virés !» sans autre forme de procès.

Une loi adoptée en juin 2008 - sous l’insistance de Laurence Parisot - permet dorénavant la rupture négociée « amiable » ! du contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Il ne fallait pas être grand clerc pour subodorer qu’elle serait largement utilisée par les employeurs pour se débarrasser des salariés ou cadres qui n’auraient plus l’heur de leur plaire pour diverses raisons. Ce qui n’est pas nouveau. Il suffit souvent d’un changement de direction ou de chef, si la tête de l’employé(e) ou du cadre qu’il a sous ses ordres ne lui revient pas, c’est cuit pour lui. Il lui trouvera tous les défauts, le mettra en quarantaine dans un placard quand il n’inventera pas une faute lourde justifiant un licenciement.

Les autres salariés, comprenant qu’il "craint" un max, se garderonnt bien de le fréquenter ou le soutenir. Eprouvant également le lâche soulagement - mais sentiment humain - de voir s’éloigner d’eux le vent du boulet, sachant toutefois qu’ils peuvent en être les prochaines victimes. Dérives de « l’entreprise barbare » que j’observai depuis le milieu des années 1990 en lisant certains articles du supplément « emploi » du Monde. Entendons-nous bien, sauf très rares entre-prises, le monde du travail n’a jamais été un univers de bisonours ! Rivalités, luttes d’influence, incompatibilités de personnes, etc. n’y ont jamais manqué.

Mais ce qui caractérise précisément l’entreprise barbare, c’est précisément d’avoir érigé le harcèlement moral des subordonnés pour les faire craquer - entendre démissionner - en méthode de management du personnel et des effectifs. Vous trouverez d’ailleurs un article du Monde très révélateur, et de la méthode et des drames humains qu’elle peut engendrer Ces salariés "contraints" d'accepter une rupture conventionnelle (28 nov. 2011).

Indubitablement, sur le plan « du traitement pénal » du chômage, les années Sarkozy resteront gravées pour la postérité comme autant d’années noires. Aucune avanie n’aura été épargnée aux chômeurs. Je ne reviendrais pas longuement sur l’ineptie d’avoir regroupé dans une même entité l’ANPE, dont le rôle essentiel consistait à enregistrer leur demande et ensuite les aider à retrouver un emploi ou suivre une formation et les Assedic qui étudiaient leurs droits à être indemnisés.

Les demandeurs d’emploi n’avaient que très peu souvent à se déplacer à l‘Assedic, sauf s’ils contestaient le montant de leurs droits ou le refus de les indemniser ou éventuellement, pour signer un contrat de stage. Mariage de la carpe et du lapin : on a demandé à des comptables de conseiller les chômeurs dans leur recherche d’emploi et à des conseillers en placement de chômeurs de devenir comptables !

Le Pôle emploi a d’ailleurs été soumis à la même logique que toute la fonction publique : effectifs en baisse avec toujours plus de chômeurs dont il leur faut s’occuper et seule obsession typiquement sarkoïdale : faire du chiffre ! Seul comptant le nombre de dossiers traités et non le résultat : passer beaucoup de temps sur un dossier particulièrement épineux et trouver une solution satisfaisante ? Pfft ! Quelle importance. Faire du chiffre, c’est aussi faire chuter artificiellement les chiffres des demandeurs d’emploi.

Les « radiations administratives » des chômeurs qui ne venaient pas pointer - à l’origine, il fallait se déplacer pour pointer physiquement, ensuite le pointage se fit en renvoyant un document et depuis, par téléphone (numéro spécial… payant !) - ou ne se rendaient pas au rendez-vous prévu avec le conseiller ne sont pas une nouveauté. Mais sous l’ère Sarkozy elles ont pris une tournure proprement ubuesque. Tout est fait pour mettre les demandeurs d’emploi à la faute. Des convocations à l’entretien qui n’arrivent jamais ou après le jour du rendez-vous (et pour cause, envoyées trop tard), le refus de considérer comme motif valable le déplacement pour un entretien d’embauche ! J’en passe et des meilleures.

Je ne délire pas, je l’ai lu sur de très sérieux articles du Monde. Bien évidemment, dans la majorité des cas, les droits du chômeur sont rétablis le mois suivant mais ces manœuvres ont permis d’alléger les statistiques pour un mois. Je me doute bien que les conseillers du Pôle emploi, à moins qu’ils ne fussent particulièrement sadiques ne s’y livrent ni par plaisir ni de leur propre chef mais sous la pression de leur hiérarchie qui obéit aux ordres.

Sans doute existe-t-il quelques chômeurs qui n’ont guère envie de retrouver un travail pour diverses raisons et se satisfont tout a fait d’une indemnisation aussi minime fût-elle, surtout s’ils peuvent l’améliorer par les revenus d’une activité non déclarée. Cela n’est pas plus nouveau que le chômage. Mais c’est un phénomène très minoritaire et pour l’essentiel les chômeurs cherchent désespérément du boulot alors que celui-ci fuit à la vitesse grand V, bien évidemment exponentielle. Nul hasard si mes amis d’Actu-Chômage parlent de Pôle sans emplois !

Or donc, comme il y a de moins en moins de travail à proposer aux chômeurs et qu’en même temps Sarkozy et les différents ministres qui se sont succédés au Travail entendent faire des économies sur tout et notamment sur le dos des demandeurs d’emplois qu’ils considèrent comme étant par nature des tire-au-flanc cherchant à profiter de la généreuse manne des Assedic, il était naturel que de baisses de la durée ou du niveau de l’indemnité - l’idée que faire baisser le montant de l’indemnité du chômage inciterait à reprendre un emploi fait partie de la vulgate ultralibérale ; elle n’a été prouvée d’aucune manière par des études sérieuses et devient carrément inepte quand les emplois manquent autant - l’on en arrivât sans coup férir à la manière forte : obligation d’accepter n’importe quel emploi pour n’importe quel salaire à une distance pouvant aller jusqu’à 40 km de leur domicile si ma mémoire est bonne. Avec à la clef, la radiation après trois refus, le Pôle emploi ayant toute latitude pour en apprécier le bien fondé.

Le poste proposé étant rarement en adéquation avec leurs qualification, compétences et expériences. Cela me fit penser au service militaire quand il était question d’affecter les appelés à un quelconque poste : « Tu est coiffeur dans le civil ? Tu seras boucher. Tu es boucher dans le civil ? Tu seras coiffeur ». Personne ne s’étonnant ensuite de voir leurs têtes massacrées ni de savoir la bidoche découpée n’importe comment atterrir dans leurs assiettes.

J’en terminerais avec la grosse connerie du RSA, grosse usine à gaz en remplacement du RMI et que Martin HIRSCH présenta comme une innovation majeure. Notamment le fait de donner un supplément d’argent aux personnes reprenant un emploi. Or, je connais très bien le dispositif du RMI pour avoir travaillé bénévolement à partir du début 1989 - au moment où précisément il fut mis en place - pendant mes études de droit et pas mal d’années après, pour une association sociale qui s’occupait des exclus et notamment des personnes à la rue.

Une disposition que l’on appela « intéressement » permit aux personnes qui reprenaient un emploi (très souvent à mi-temps et en CES ou pour une association dite « intermédiaire ») de percevoir le RMI en même temps que leur salaire, pendant une période de 6 mois, renouvelable une fois si ma mémoire ne me trahit pas, le niveau du complément de ressources diminuant progressivement. Le RSA n’a rien apporté de plus. Sinon d’interminables débats parlementaires, des prises de tête sur son financement, lors même qu’il n’innovait en rien par rapport au coût du RMI (que la droite avait dans le collimateur) et une taxe sociale supplémentaire à laquelle échappèrent les privi-légiés protégés par le bouclier fiscal au motif qu’il ne fallait pas les taxer davantage !

Ceci résumant parfaitement l’axiome favori du sarkozysme réel : « les salauds de pauvres doivent payer » !

Il reste que le cynique Xavier Bertrand, pour justifier son piteux bilan osa prétendre sans rire que la France "résiste le mieux" au chômage en Europe, hormis l'Allemagne (dépêche AFP 29 nov. 2011). Connaissant la propension à mentir de Sarkozy et ses sbires, je me méfiais d’instinct et sachant trouver quelque lièvre sous gîte, partis comme une limière à sa recherche. Bingo ! Je trouvai sans trop de difficultés la réponse dans un article de Boursier.com (pas vraiment des plaisantins sur de tels sujets !) Le chômage progresse encore dans la zone euro  (30 nov. 2011). La France se situerait nettement derrière l’Autriche (4,1%), le Luxembourg (4,7%) et les Pays-Bas (4,8%). Ce n’est pas beau de mentir, hein ? Et nous prendre pour des cons, comme d’habitude.

Je ne saurais dire si les Français - dont les principales priorités demeurent le chômage et le pouvoir d’achat - se laisseront abuser. J’avais vu passer une photo de François Fillon faisant une incroyable moue, encore pire que celle de Sarkozy, mais impossible de la retrouver sur les articles explorés ni sur Google. Toujours est-il qu’elle suscita cette interrogation : pense-t-il qu’avec ce bilan et l’annonce que le gouvernement a définitivement renoncé à s’occuper des chômeurs, lors même que les chiffres du chômage ne pourront que continuer à progresser et que grâce à l’avalanche de taxes et autres ponctions sur le pouvoir d’achat de la « France qui souffre » l’année 2012 s’annonce d’ores et déjà comme aussi « inhumaine » que fut 1923 en Allemagne, les carottes sont définitivement cuites pour la présidentielle ? Qui vivra verra.


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