« …l’histoire retiendra que Claude Guéant fut d’abord un mauvais ministre de l’intérieur » N. Demorand dans Libération le 29 novembre 2011
Curieux cliché de C. Guéant en contre plongé, regard glacé, mâchoire serrée. On l’imagine fixer cette Une de Libération du 29 novembre de cette façon. Un prédateur jaugeant une proie. En titrant “la voix de Le Pen”, le quotidien de “gauche” semble céder à une certaine facilité. Un tropisme sociétal, une bienpensance mondialiste bercée d’angélisme quant à la question migratoire et sécuritaire. Oser le parallèle entre un ministre de la République et le parti d’extrême droite pose une question d’objectif. On sort là du domaine de l’information factuelle pour entrer par une image et une seule phrase dans l’analyse politique. Problème, le traitement du FN oscille entre stigmatisation et subversion, et dans chacun des cas, la partie est perdue.
J. P. Chevènement (classique exemple) trouve la comparaison “injuste” et “excessive”. On peut comprendre sa position, comme souverainiste aux accents nationalistes, ce type de comparaison/stigmatisation pourrait, au détour d’un discours, l’éclabousser. Il participe là, au brouillage de la frontière entre ce qui relève de l’ignominie et de ce qui permet de nourrir le débat. Et mieux, de trouver des solutions.
Les hommes politiques n’ont pas choisi entre prendre à bras le corps les questions économiques et sociales ou se tourner vers des expédients électoraux. On préfère conserver l’opacité sur le discours xénophobe. Bien aidé en cela par un contexte culturel favorable. C’est là où Libération touche juste. En publiant en Une, cet immense tag hurlant “FUCK !”, il sort du marasme et de la stérilité dans lequel le débat a été plongé. Il excite, et c’est étrange de le dire, la réflexion de ceux qui le lisent. Il prend position loin des nuances habituelles sur une question lancinante qui empoisonne depuis 30 ans le débat public.
Il remet surtout les sujets dans le bon ordre. Sortir des bricolages électoraux secondaires, pour entrer vivement dans la politique. Loin du fumet pestilentiel dominant.
La pensée dominante, suprémaciste s’incarne bien dans celle de C. Guéant, E. Levy, ou A. Finkielkraut (chacun dans son registre) qui, sans le dire ouvertement (quoi que), labourent le sillon de la xénophobie. Dans une attitude qui selon leurs auteurs relève de la subversion. Une subversion qui tient au fait que selon une mythologie largement diffusée, il serait interdit d’aborder ces sujets (bien qu’on ne fasse que ça). Qu’une police de la pensée, dont Libération serait le héraut, mettrait sous l’éteignoir ceux qui ont une liberté de parole.
D’ailleurs même si Libération touche juste, il permet aussi d’étayer la thèse de la bienpensance angélique. Il s’est créé un contexte hexagonal tel que tout conspire à la fin des fins à ramener au débat migratoire et (sa thématique devenu connexe) sécuritaire.
On n’y échappera pas.
Vogelsong – 30 novembre 2011 – Paris