Le phénomène «Mademoiselle K» aurait pu être un feu de paille. Mais cinq ans après son éclosion avec «ça me vexe», le groupe de Katherine Gierak est toujours bien là.
Un troisième album studio, «Jouer dehors» est sorti en début d’année, et Mademoiselle K sera demain soir au Krakatoa pour l’une des toutes dernières dates de la tournée (aux salles bien remplies) qui a suivi.
Comment ça va en cette fin de longue tournée ?
KG: Ca va bien ! C’était long c’est vrai mais on change souvent la «setlist», alors on ne se lasse pas. Et puis avec le public c’est sympa, il y a des fervents qu’on retrouve de concert en concert.
Quel est votre rapport aux «fans» ?
Il y a des personnes vraiment super, d’autres avec qui c’est moins évident. Je me souviens d’un mec un peu flippant que j’ai du remettre à sa place... Je me méfie de ça, tout le monde connaît l’histoire de Lennon ! Mais en général les gens sont assez respectueux, ils savent qu’il y a une distance à garder du fait qu’on se rencontre dans une situation quand même très particulière. Il y a beaucoup de choses intimes qui passent par les chansons mais ça n’est pas de la «vraie» intimité. Je me souviens avoir été «fan» une fois. C’était avec Jonatha Brook ! Je suis allée à son concert, et j’ai fait des pieds et des mains pour la voir ensuite. Je voulais qu’elle me note les accords de ses chansons sur une feuille, ce qu’elle a très gentiment fait. Mais ensuite c’était fini, ça n’a pas duré très longtemps.
«Jouer dehors» est votre troisième album, qu’est-ce que vous vouliez en faire ?
Je voulais revenir plus près de la chanson que sur le précédent. J’avais envie d’autres couleurs, de pianos, de cordes. Il y avait cette notion d’électricité. Je me suis faite connaître en faisant du rock et je suis une artiste rock, c’est sûr. Mais il y avait ce lien avec la crise, l’écologie, le gaspillage... je me suis vraiment posée la question : «Et si je n’ai pas de guitare électrique, je la chante comment ma chanson?» Mais maintenant je pense déjà au prochain album et je me dis que mes fondamentaux c’est l’énergie rock ! Les albums se nourrissent les uns les autres, à chaque fois j’y recherche un «essentiel» mais il est toujours différent !
Il faut y voir une sorte d’insatisfaction chronique ?
Oui, mais tant mieux ! Je pense que je n’ai pas encore fait mes meilleures chansons. Si je regarde mes trois albums, il doit y avoir peut-être... cinq chansons à retenir.
Sur celui-ci lesquelles gardez-vous ?
J’en vois deux, pour des raisons très différentes. «Jouer dehors», qui est pourtant probablement l’une des chansons les moins originales du monde !
Mais j’ai aimé son évidence. Elle m’a beaucoup portée parce qu’elle m’a réappris à faire simple. Parfois c’est dans cette simplicité qu’il se passe vraiment quelque chose. L’autre c’est «A l’infini». Elle est certainement moins grand public mais d’un point de vue compositionnel c’est la chanson qui fait la synthèse la plus aboutie entre ce mélange rock-pop et des arrangements un peu plus subtils. C’est difficile d’obtenir les deux, or cette chanson est très élaborée mais en même temps on ne perd jamais l’énergie. C’est peut-être celle qui est aujourd’hui la plus proche de ce rock symphonique que je recherche.
Certains textes parlent de l’évolution du monde, de la société... Vous vous sentez une responsabilité de «porte-voix» ?
Oui, j’ai une responsabilité mais je fais très attention à la manière de dire les choses. Dans «Aisément» je parle comme un citoyen lambda qui se prend tout ça dans la gueule, c’est mon ressenti. Mais un Bertrand Cantat, qui sait faire de la vraie poésie politique et qui fait ça super bien, c’est rare. Moi c’est clair que je suis plus socialiste que UMP mais je n’ai pas la prétention d’en faire un discours. Souvent les artistes sont prétentieux avec ça et ils le font mal. Même des artistes que j’aime bien... Tout le monde n’est pas Balavoine. Lui savait faire, c’était un érudit et on sentait qu’il ne sortait pas de son rôle. Je ne dis pas que je ne le ferai jamais, mais aujourd’hui je n’ai pas la prétention d’être ce que je ne suis pas.•
Propos recueillis
par Sophie Lemaire
Mademoiselle K + Be Quiet, demain au Krakatoa, 21h, 22-24€