Malgré leurs discours qui affirment qu’ils sont infiniment respectueux de l’environnement, les constructeurs automobiles sont connus pour se mettre en travers des réglementations visant à faire baisser les émissions de CO2 de leurs véhicules. Les constructeurs ont beaucoup communiqué pour créer de véritables légendes urbaines sur les effets qu’aurait une réduction des émissions sur les performances de leurs entreprises…
Alors que l’ACEA, association des constructeurs automobiles européens, se réunit aujourd’hui pour décider si oui ou non, l’industrie soutiendra les nouveaux objectifs de réduction d’ici à 2020 et au-delà, il est intéressant de comparer ce que VW et ses concurrents ont déclaré il y a quelques années lorsque les objectifs actuels pour 2015 avaient été discutés, et ce qui s’est réellement passé …
photo (c) Hayley Baker / Greenpeace
Mythe n°1: “Nous ne pouvons pas le faire”
En 2007, lorsque l’Union européenne envisageait une baisse des émissions à 120g de CO2 par km en 2012, Volkswagen et d’autres constructeurs automobiles ont déclaré que c’était “techniquement irréalisable“. En conséquence, la cible a été affaiblie à 130g/km et retardée à 2015.
Mais depuis que cet objectif est devenu force de loi, des améliorations ont été faites très rapidement – si rapidement en fait que certaines compagnies atteindront leur objectif avant 2015. Certains, comme Renault, ont même mis en place leurs propres objectifs internes qui dépassent ceux fixés par la règlementation.
Mythe n°2: “L’industrie va s’effondrer”
Prévoir l’apocalypse pour un secteur industriel est l’une des tactiques favorites de toute industrie face au changement. Les câbles publiés par Wikileaks montrent qu’en 2008, Audi a fait valoir que fixer des objectifs d’émissions de manière juridiquement contraignante reviendrait à détruire l’industrie automobile.
D’autres constructeurs automobiles ont fait leur propre prédiction, arguant qu’une telle législation constituerait “ une intervention massive dans la politique industrielle, au détriment de l’industrie européenne, et tout particulièrement allemande. ».
Vous avez peut être remarqué que cette apocalypse industrielle ne s’est pas produite. Les règles sur les émissions de CO2 ont, au contraire, créé une dynamique, incitant à l’innovation et à la compétitivité. Le professeur Ferdinand Dudenhöffer expert de l’industrie automobile allemande, a fait remarquer que “l’expérience de la réglementation des émissions de CO2 des véhicules montre que les normes de consommation de carburant peuvent améliorer la capacité d’innovation du secteur de manière significative.”
Mythe n°3: “Nous avons besoin de plus de temps”
Alors que, en 2007, les constructeurs automobiles se plaignaient que la cible de 120g/km était inatteignable et que de surcroit ils ne pouvaient pas l’atteindre d’ici 2012, l’objectif de est passé à 130g et a été repoussé en 2015. Ce pour ne pas gêner les industriels qui affirmaient que cela prend beaucoup de temps pour développer de nouveaux modèles, et que les voitures qui seraient mis en vente en 2012 étaient alors déjà en production.
Cependant, les objectifs de CO2 ne concernent pas chaque véhicule de manière individuel mais s’adresse à une moyenne de la flotte du constructeur. Cela permet donc de répartir les efforts et le bilan des émissions entre les différents modèles de voitures. Ainsi les constructeurs ont parfois grossi le nombre de petits modèles moins gourmands en énergie ce qui leur a permis de continuer à produire des véhicules fortement émetteurs.
De plus, les constructeurs automobiles ne cessent d’améliorer leurs modèles bien après leur sortie sur le marché, en ajoutant notamment des options qui permettent une économie de carburant… Cette année par exemple, Volkswagen a présenté une Passat “ relookée” avec une efficacité améliorée… Les constructeurs nous leurrent quand ils font valoir le besoin de davantage de temps : ils nous prouvent chaque jour qu’ils n’ont pas besoin d’attendre la fin du cycle de production pour introduire des améliorations !
Mythe 4: “Cela va coûter trop cher”
Un autre argument favori des constructeur est celui du coût, affirmant que toute évolution technologique résultera immanquablement en une augmentation du prix des véhicules. En 2007, l’ACEA a ainsi affirmé que les objectifs de réduction de CO2 pourraient faire augmenter le prix d’une nouvelle voiture de 3000 €. Selon l’ACEA, “Pour beaucoup de consommateurs, les voitures pourraient devenir inabordables”.
Et pourtant, alors qu’on a vu les émissions de CO2 décroitre , les prix ont fait de même, même après ajustement de l’inflation ! Fedinand Dudenhöffer a alors déclaré que “l’adaptation et l’utilisation des nouvelles technologies est allée beaucoup plus vite et s’est révélée moins coûteuse que ce beaucoup attendaient“. Il a notamment mis en avant la technologie “stop-start” (qui coupe le moteur lorsque la voiture n’est pas en mouvement) comme une amélioration peu coûteuse. Actuellement, cela ajoute entre 250 et 300 € au prix total, et si la demande augmente, les coûts de production et donc d’achat diminueront encore ! L’option pourrait ainsi devenir un standard et être incluse sur l’ensemble des modèles.
Par ailleurs, ce que les constructeurs ne disent pas suffisamment c’est qu’une voiture moins gourmande en énergie, c’est, à la pompe, un gain financier pour le consommateur…
Mythe n°5: “Nos clients ne veulent simplement pas de voitures moins émettrices de CO2″
Les constructeurs nous le répètent à l’envi : s’il n’y a pas de marché pour les voitures à faibles émissions, comment peut-on s’attendre à voir les constructeurs les produire? Mais ce sont aussi eux qui motivent la demande via des campagnes de marketing agressives. Or, la majeure partie des budgets de marketing est aujourd’hui consacrée aux grosses voitures avec des émissions plus importantes (qui sont aussi à l’origine de plus gros profits pour les constructeurs… coïncidence ?)
Même l’ACEA l’a admis dans son rapport financier de 2010 : il est devenu clair que les clients veulent des véhicules à faibles émissions, en particulier parce que le prix du carburant est en hausse. Cela comprend les entreprises qui fonctionnent avec de grandes flottes, lorsque le coût global de fonctionnement de leurs voitures se révèle plus important que le prix initial. Or, il semble que le prix de l’essence va rester élevé, donc la consommation de carburant va devenir un poste budgétaire encore plus important. Si l’efficacité s’améliore, la consommation baisse, le budget consacré aussi, ainsi que les émissions de CO2 !
Mythe n°6: “Mais nous sommes vraiment soucieux de l’environnement !”
Ah, ce bon vieux credo. La publicité “ verte” de Volkswagen est un exemple classique de langue de bois… Mais d’autres constructeurs font eux aussi des déclarations d’intention exagérées par rapport à leurs réels engagement du point de vue environnemental.
Comme mentionné ci-dessus, les plus gros profits viennent des voitures haut de gamme – tels que les 4×4 et les “ SUV” – qui se bâfrent d’essence et rejettent beaucoup de CO2. Les business modèles des compagnies automobiles sont orientés en ce sens, plutôt que de promouvoir l’efficacité énergétique. VW veut être ” le constructeur automobile le plus écologique au monde”, mais le premier véhicule hybride de l’entreprise, le Touareg, émet 193g de CO2 par km, soit bien plus que l’objectif de 130g fixé pour 2015.
Les citoyens doivent, et peuvent se faire entendre eux aussi ! Lire : Action : l’Europe doit entendre les citoyens, pas les lobbies !