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Les mythes sur la libéralisation des trains britanniques

Publié le 02 décembre 2011 par Copeau @Contrepoints

La libéralisation des trains britanniques, si souvent décriée par les antilibéraux, fut-elle la caricature que ces derniers présentent? Rappelons quelques vérités.

Par Ronny Ktorza

Les mythes sur la libéralisation des trains britanniques

Train British Rail en 1975 (CC Max Batten)

Rarement un mythe aura eu autant la peau dure que celui sur les trains britanniques. En effet, entre 1993 et 1997, le système ferroviaire fut l’objet d’une libéralisation. Peu après, quelques dramatiques accidents survinrent et la presse s’empara immédiatement de ces tristes événements pour remettre en cause le bien-fondé de cette réforme.

Or, il est important de remettre en exergue certaines vérités à propos du système ferroviaire britannique : tout d’abord, la construction de ce dernier fut majoritairement l’œuvre de personnes privées. L’entrepreneuriat privé dans ce secteur n’a donc rien d’utopique, ce qui remet, au passage, en question la théorie du monopole naturel.

Hélas, deux guerres mondiales passèrent par là avec, « en prime », un contrôle étatique sur le système ferroviaire. Les gouvernements s’habituèrent si bien à un tel état de fait que l’ancien Premier Ministre, Clement Attlee en profita pour nationaliser les quatre grandes compagnies ferroviaires du pays, surnommées les Big Four.

Une grande compagnie publique naquit alors : British Railways (BR). Hélas, le gouvernement britannique, soumis à des arbitrages budgétaires toujours plus douloureux, délaissa les investissements en ce domaine et dès, 1949, 3.000 kilomètres de voies – soit 12% du réseau – furent fermés… Mais ne nous avait-on pas appris que le secteur public privilégiait l’intérêt général au détriment de l’aspect financier ? Nous aurait-on menti ? Et ce ne fut que le premier volet des fermetures qui se poursuivirent à un rythme effréné. La qualité du service devint si exécrable qu’elle fit même l’objet de railleries dans certaines émissions humoristiques télévisuelles. La part de marché du transport ferroviaire de marchandises par rapport à l’ensemble du trafic de voyageurs ne cessa de chuter entre le début des années 1950 et le milieu des années 1990. Le fret subit le même sort.

Face à une situation aussi catastrophique, il apparut alors essentiel de prendre des mesures radicales et seule la privatisation semblait à même de résoudre une partie des problèmes. C’est ce qui fut réalisé entre 1993 et 1997. Mais si l’exploitation des services de transport fut concédée à plusieurs compagnies, en revanche, une seule entité hérita de l’infrastructure : Railtrack. Malheureusement, les Britanniques durent se soumettre à une directive communautaire obligeant les États à séparer l’exploitation des services de transport de l’infrastructure. Au Japon, en revanche, les compagnies ferroviaires étaient également propriétaires d’une partie du réseau ferré, ce qui explique pourquoi la privatisation japonaise s’avéra plus efficiente que l’expérience britannique. Ainsi, Railtrack, du fait de sa position monopolistique, dut subir le sévère contrôle d’une agence de régulation. Le régulateur, Tom Winsor fut d’une intransigeance exagérée quant aux retards imputables à Railtrack et n’hésita pas à lui infliger de lourdes amendes. De son côté, Railtrack ne cessa de quémander toujours plus de subventions, ce qui nous conduit à nous questionner sur le véritable caractère privé du système ferroviaire britannique.

Néanmoins, l’expérience britannique accoucha aussi de nombreux succès : ainsi, entre 1992/1993 et 1999/2000, l’évolution du transport ferroviaire s’inversa soudainement à la hausse, que ce soit pour les branches d’activité « fret » ou « voyageurs ». La rentabilité revint à l’horizon et ce, alors que les tarifs des billets n’avaient finalement que peu augmenté.

Mais les « flèches » des opposants à la privatisation demeurèrent majoritairement concentrées sur un domaine : la sécurité. Toutefois, même en la matière, ces flèches étaient inoffensives : ainsi, 1998 fut la première année depuis 1902 où il n’y eut aucun décès dû à un accident ferroviaire. Certains drames marquèrent évidemment les esprits après la privatisation. Mais, tout d’abord, deux des trois principales tragédies, celles de Southfall et de Ladbroke Grove, eurent pour cause des dépassements de feu rouge imputables aux conducteurs. Ensuite, les études d’Eurostat montrent une diminution du nombre d’accidents ferroviaires depuis la privatisation. Enfin, le réseau ferré britannique était dans un tel état de délabrement au moment de la libéralisation qu’il était utopique d’attendre « monts et merveilles » immédiatement.

Malheureusement, la patience n’est pas la vertu première des politiciens, avant tout avides de réélection. Ainsi, en 2002, après sa mise sous contrôle de l’administration centrale, Railtrack fut vendue à Network Rail, société privée sans but lucratif. Un pas en arrière a été effectué et le gouvernement intervient désormais de plus en plus dans l’activité ferroviaire. L’« expérience » Network Rail (qui se poursuit, aujourd’hui encore) n’est pas vraiment un succès puisque, par exemple, en 2003, cette « entreprise » accusait une perte de 290 millions de livres sterling, tandis qu’en 2010, sa dette nette s’élevait à 23,8 milliards de livres sterling. Le taux de ponctualité de Network Rail (76% en 2005) est encore plus bas que celui de Railtrack (90% avant l’accident de Hatfield).

Il est dommage que le gouvernement Blair ait succombé, de la sorte, à la pression populaire, stoppant ainsi une évolution encourageante.


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