Quand le cadeau que l’on offre déplaît, on s’excuse en disant que c’est l’intention qui compte. Comme si le motif importait davantage que le résultat. Mais comment ne pas préférer offrir un cadeau qui plaît ? N’est-ce pas surtout le plaisir de la personne qui le reçoit qui compte ?
Cet exemple illustre le problème qui se pose à tous ceux qui réfléchissent sur la morale. Faut-il privilégier l’intention ou les effets ? L’origine de l’action ou ses conséquences ?
D’un côté, il n’est pas indifférent qu’on vienne nous voir par amitié ou pour nous demander un service : nous sommes très sensibles aux intentions d’autrui à notre égard et savons bien reconnaître les hypocrites. Mais d’un autre côté, nous ne voulons pas qu’on fasse notre bien malgré nous, et nous savons qu’avec les meilleures intentions du monde on pourrait nous rendre tout à fait malheureux.
Aussi est-il tentant de se rallier au point de vue de l’utilitarisme, philosophie morale qui privilégie les effets. Est bon et moral ce qui est effectivement utile aux autres et les rend heureux. Admettons que je sauve quelqu’un de la noyade : que j’agisse par devoir ou dans l’espoir d’une récompense, je n’en accomplis pas moins une bonne action, puisque je sauve une vie.
Il faudrait donc mesurer la moralité d’une action à ses effets. Pas si simple. Il n’est pas d’action, utile sur le moment, qui ne puisse ensuite se révéler nuisible. Si celui que je sauve devient le tyran de tout un peuple, j’ai tout compte fait mal agi. Et pourtant il serait injuste de me reprocher d’avoir favorisé la tyrannie, moi qui n’en ai jamais eu l’intention.
Comme les bonnes intentions les actions utiles ont donc des effets pervers. L’intention prime mais si les conséquences sont prévisibles, ce qu’elles ne sont pas toujours, il serait irresponsable de les ignorer.