Petit voyage en Germanie (6) : Weingut Dönnhoff

Par Mauss

Il faudrait là l'écriture d'un Bettane ou d'un Perrin pour bien dire les émotions exceptionnelles qu'on ressent immédiatement en entrant dans ce domaine de référence, en serrant la main de Monsieur Helmut Dönnhoff dont l'alter ego humain ne peut être que Monsieur Aubert de Villaine.

Je ne vais donc pas pouvoir traduire dans mon pauvre vocabulaire hasardeux tout ce que cet homme porte en lui de simplicité, de modestie, de connaissances, de visions, d'amabilité, de disponibilité sans oublier un sourire permanent et un sens de l'humour bien présent. Un seigneur. Si vous avez rendez-vous, soyez totalement disponible pour l'écouter : ce serait plus que dommage de manquer la belle leçon de vie qu'il vous offrira.

Un point singulier qui mérite réflexion : Herr Dönnhoff défend vigoureusement la consommation de très jeunes millésimes qui offrent certes une acidité évidente, mais une belle fraîcheur propre à ce cépage qui n'a pas besoin de fermentation malolactique.

Par contre, il défend avec autant de vigueur l'interdiction de toucher à ces vins pendant la lente période de maturation qui suit cette jeunesse rapicotante. Le grand riesling doit attendre dix ans au moins. Et naturellement beaucoup plus pour d'immortels Auslese, Beerenauslese ou TBA !

Il nous explique lentement, dans un allemand que je comprends suffisamment, l'histoire de sa famille impliquée dans la multi-culture agricole et sa vision précoce de ce que pouvaient apporter ces terroirs extraordinaires autour de chez lui, dans cette Nahe moins connue que la Mosel mais cachant des trésors de vignerons. C'est tout juste si au début, quand il a commencé à créer son domaine, les locaux ne lui donnaient pas de l'argent avec leurs terres. Il a ainsi acquis pour très peu de deutsche mark des hectares soigneusement choisis ici et là. C'est là encore un peu l'histoire de Monsieur Dubosq dans sa patiente création de Haut-Marbuzet : le dernier mètre carré lui a coûté aussi cher que son premier hectare acheté après guerre !

Helmut Dönnhof a ainsi de superbes parcelles sur lesquelles il produit des vins d'anthologie, des références absolues. Comment vous dire ? Ce sont là des crus qui, dans ma nouvelle échelle de cotation, sont tout au bout à droite, les vins devant lesquels on ne peut que se taire à moins d'accepter de dire des phrases, des mots incapables de traduire ce que vous apportent si violemment et intensément des crus inouïs de complexité, de saveurs épicées puissantes et variées, de longueurs infinies. Je n'ai rien trouvé de mieux, pour l'évoquer, que le nom de J.S. Bach qui crée dans ses cantates, dans ses motets, dans la lecture de sa vie, les mêmes types d'émotion.

QUELQUES PHOTOS

L'homme et une de ses oeuvres

La gravure "Erste Lage" réservée à certains crus des membres du VDP

Chaque terroir exprime ses spécificités immédiatement : impressionnant !

C'est simple : un chef d'oeuvre absolu. Immensissime.

Le domaine, en bas à gauche et quelques uns de ses terroirs en haut à droite

La leçon de choses : à gauche du granitique, à droite du volcanique

Quand on connaît la difficulté à trouver ces crus, quelle générosité du producteur de nous avoir fait déguster tous ces vins fascinants, rares, et recherchés par des amateurs pointus dans le monde entier.

Monsieur Helmut Dönnhoff et maintenant son fils Cornelius, prennent soin de garder au domaine environ 50 % de la production annuelle pour des clients privés, des cavistes, des restaurants allemands alors même qu'ils pourraient vendre sans aucun problème la totalité de leurs crus à des prix bien supérieurs, sur le seul marché américain. On retrouve ici la même approche qu'un Jean-François Coche-Dury.

Là aussi, l'amateur ne se satisfera qu'en encavant quelques crus qu'il recherchera comme le graal du riesling !