Magazine Finances

Claire : la reconquête d’une vie

Publié le 29 octobre 2011 par Simplicitevolontaire

Claire est l’exemple même du changement de parcours et de la reconquête de sa liberté. J’ai été très heureux de la rencontrer, car je trouve son parcours extrêmement enrichissant et porteur d’espoir.

Je vais essayer ici de vous traduire au mieux ce que j’ai appris et ressenti lors de notre entrevue. Bonne lecture !

En résumé

1/ la reconquête de sa vie est un chemin. Il est important de savoir où on veut aller (même si ça prend parfois du temps et des expériences avant de le savoir), et de s’engager dans la bonne direction. Comme le dit Sénèque : « il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ».

2/ la reconquête de sa vie n’est pas un chemin facile : Comme pour toute initiative originale, les critiques sont nombreux et les soutiens rares. La famille ou la pression sociale par exemple peuvent dans un 1er temps vous empêcher de réaliser vos décisions, et il faut apprendre à surmonter ces difficultés.

3/ Comme tout chemin, il faut parfois accepter de se perdre pour arriver au bon endroit : Claire a tenté des expériences diverses et variées afin de mieux se comprendre et définir ce à quoi elle aspirait.

Le parcours de Claire

Allez, pour vous mettre en condition, imaginez-vous sur la terrasse ensoleillée d’une belle maison Ardéchoise, avec une magnifique vue sur la vallée en contrebas. C’est déjà presque l’hiver, mais l’été semble-t-il ne veut pas disparaître et vous offre encore un magnifique ciel bleu ainsi qu’un soleil encore étonnement réconfortant.

Les études

Diplômée d’une école de commerce (European Business School de Paris) -et major de promotion par-dessus le marché !- elle se rend compte très vite que ce monde de fils de bonnes famille ne lui convient pas. Une anecdote l’illustre :

« Lors du 1er cours de Finance Internationale, le prof nous a demandé quel était notre objectif dans la vie. Le choix était entre l’argent, le pouvoir, ou… les deux ! Pas d’autres alternatives. Selon lui, cet objectif était essentiel « si nous voulions réussir dans la vie ». Et voilà donc qu’il demande à tous les élèves, un par un, de choisir et d’énoncer leur objectif personnel. Les réponses se suivent et se ressemblent : « le pouvoir », « moi c’est l’argent », « et bien moi c’est les deux »… lorsqu’est venu mon tour, je n’ai pas réussi à énoncer une telle énormité, ça ne me correspondait pas du tout, et donc j’ai expliqué que dans mon cas ce n’était ni l’un, ni l’autre. Le prof, après quelques secondes de réflexion, réplique « dans ce cas, vous n’avez rien à faire dans mon cour, mademoiselle », et moi de quitter la salle… »

Hésitante à tout plaquer, elle décide finalement de poursuivre jusqu’au diplôme, afin de pouvoir mettre les compétences qu’elle aura acquise au service d’associations et de causes auxquelles elle croit. Pendant ses étude, elle s’implique ainsi dans de nombreuses organisations, à faire la compta, créer des sites web, des plaquettes de com’ etc.

La période WWF

A la sortie des études, elle travaille 2 ans pour le WWF, où elle découvre le fonctionnement d’une grande organisation de l’intérieur. Mais très vite se fait sentir un décalage croissant entre son boulot d’un côté (promotion de la nature, aider les petits oiseaux, sauver les baleines etc.) et sa vie à Paris de l’autre (métro, boulot, dodo…). Aussi elle décide de tout plaquer et d’aller vivre en Corse, chez des gens qu’elle avait rencontré 5 minutes dans le cadre du WWF.

La Corse

En Corse, c’est la grosse claque. Elle vit dans un tipi, sans eau ni électricité, au milieu de la nature. Elle qui a grandi en région parisienne, le décalage est rude. Aujourd’hui encore, elle se souvient encore avec émotion d’avoir cru mourir plusieurs fois sous les orages automnaux, et de devoir faire la vaisselle dans le ruisseau, les mains rougies par le froid. Malgré tout, elle découvre aussi une grande chaleur humaine, accueillie comme une amie proche par des gens qu’elle connaissait alors à peine. Et surtout elle remet complètement en cause la valeur de ses études :

« Lorsque je suis arrivée en Corse, je me suis rendu compte que je ne savais rien faire de mes 10 doigts, que je ne connaissais rien ni aux arbres ni aux saisons… En comparaison, le mérite de mes études me parait dérisoire, après tout il s’agissait surtout d’ingurgiter des polys pour pouvoir les recracher tels-quels quelques heures plus tard. Le savoir-faire que j’ai trouvé chez ces gens était infiniment plus précieux ».

Auprès de Pierre Rabhi

Après un an, c’est le retour sur Paris, et de nouveau les grandes questions : « Qu’est-ce que je veux faire de ma vie, quelle est ma place, comment être heureuse etc. ». Ayant lu des livres de Pierre Rabhi, elle lui écrit une lettre lui présentant son parcours et lui demandant ce qu’elle pourrait faire pour lui. Les semaines passent, l’espoir s’amenuise et les questions restent sans réponse. Un jour, elle s’engueule avec une amie qui revient, toute contente, d’un entretien « où ça c’est bien passé ».  Le boulot en question consistant à vendre des cosmétiques, Claire ne comprend pas que son amie puisse être contente d’aller vendre son temps et son énergie pour un boulot sans saveur. Et finalement, le jour même, elle reçoit un coup de fil de Pierre Rabhi, qui lui propose de devenir son assistante personnelle.

Ainsi, elle va travailler pendant 2 ans auprès de Pierre Rabhi, l’accompagnant lors des conférences, aidant à la coordination des différentes organisations et projets (Terre & Humanisme, les Colibris, la Ferme des Enfants et le Hameau des Buis, la campagne présidentielle de 2007 etc.). Elle loge sur place, avec la famille, dans la ferme de Montchamp. C’est un travail passionnant, en prise direct avec de larges organisations et de gros projets… mais là encore, elle se sens peu à peu en décalage, entre le discours (la Sobriété Heureuse, le retour à la Terre, l’agro-écologie etc.) et sa propre vie, où elle n’a pas une seconde à elle et pas le temps ni de ralentir, ni de cultiver un bout de jardin. Elle décide donc de demander sa mutation dans l’association Terre & Humanisme, où elle devient responsable du journal.

Terre & Humanisme

Là, avec toujours cette énergie vitale pour tout améliorer, elle change complètement la maquette du journal, le fait évoluer d’un bulletin d’information sur l’association à un « vrai » journal avec des thèmes et des articles de fond, augmente le nombre de page, atteint de nouveaux points de distributions, refonde la mise en page… et au final réussit à faire passer le journal de 1 000 à 3 000 numéros. Mais là encore, et malgré des horaires plus « classiques », elle se fatigue d’un travail qui fondamentalement consiste à rester toute la journée devant un ordinateur.  L’appel d’une vie plus autonome, plus manuelle, plus lente, se fait sentir. Elle finit donc par démissionner. Elle rejoint alors son compagnon Danny, dans sa maison isolée. Là-bas, elle retrouve le temps de réfléchir et de définir ce qu’elle veut faire. Bientôt enceinte, elle retrouve des plaisirs simples tels que les ballades en forêts ou d’aller s’occuper des ânes.

Trouver sa voie

Aujourd’hui, ils vivent dans une maison louée avec leur enfant de un an et demi, Shan. Ils ont acheté un terrain pas très loin, afin de pouvoir y construire leur maison et y développer des activités leur permettant de vivre le plus possible en autonomie (« je rêve de pouvoir vivre sans électricité »). Ils ont diminué autant que possible leurs dépenses, se sont débarrassés du superflu et apprennent à faire un maximum de choses eux-mêmes.  Comme souvent, les projets prennent plus de temps qu’initialement prévu, et bien que la construction de la maison n’ait pas encore démarré, on ne sent aucun stress chez eux mais bien plus de joie de vivre. Leur niveau minimum de dépense, à seulement 500€ mensuels, leur permettent de vivre des ateliers vannerie ou d’écriture qu’ils organisent. C’est un mode de vie libre, où le travail est subordonné à leur énergie et à leurs envies, et non l’inverse.

Claire sent qu’elle a de nouveau pris le contrôle de sa vie, et trouvé enfin un équilibre entre ses activités manuelles (vannerie, entretien du jardin) et intellectuelles (atelier d’écriture, pigiste pour des journaux écolos, édition de livre etc.). Tout n’est pas encore parfait (la vie est un chemin…) mais elle sent qu’ici sa vie peut s’épanouir dans la bonne direction.

 Conclusion

1/ Sur la reconquête de la liberté

Claire l’explique très bien : il est difficile de sortir d’un chemin déjà tracé.

Sa famille, par exemple, plaçait beaucoup d’espoirs et de fierté en elle, étant la seule de ses sœurs à « avoir fait des études ». Sa propre mère reste encore aujourd’hui déçue que sa fille n’ait pas « réussi » comme ses cousines… alors que celles-ci ne semblent pas forcément plus heureuses.

La pression sociale existe aussi : « Quant tu te cherches professionnellement, c’est extrêmement délicat de te définir socialement. Tout le monde te demande : Que fais-tu ?, et toi tu ne sais pas trop quoi répondre… ». C’est complètement paradoxal, qu’une activité en accord avec ses valeurs, qui donc apporte un enrichissement intérieur fort, soit aussi difficile à défendre « à l’extérieur », devant une société avide de signe extérieur de richesse…

Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, et la reconquête de sa vie est à ce prix !

2/ Sur le « savoir » et le « savoir-faire »

Bien que major de sa promotion, Claire considère que ses mérites académiques sont pour le moins… limités ! Savoir faire quelque chose avec ses mains, connaître la vie, les saisons, les plantes, les arbres, est selon elle bien plus important que comprendre les produits financier complexes ou les lois du marketing.

« C’est important pour moi d’avoir un équilibre entre un travail intellectuel et un travail manuel. Je voulais savoir faire quelque chose de mes mains, et franchement passer toute ma journée derrière devant un ordinateur… » dit-elle en levant les yeux au ciel.

3/ Sur l’importance des choix de vie

Rencontrer Claire était entre autre intéressant parce qu’elle a beaucoup d’amis de son école de commerce, qui eux n’ont pas fait ses choix de vie et travaillent donc dans de grosses entreprises, souvent en région parisienne. Elle peut donc témoigner que beaucoup d’entre eux tournent à vide, perdant leur temps et leur énergie dans des métiers sans intérêt, sans valeur ni saveur (peut-on parler de prostitution ?). Certains sont même tellement englués dans une vie « pauvre » (même si riche d’argent) qu’ils préfèrent ne pas se poser certaines questions, ayant peur des réponses que cela pourrait apporter.

Et vous, qu’en pensez-vous ?


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Simplicitevolontaire 36 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine