La leçon de gauche de Mélenchon
L’ex-socialiste s’oppose avec force à la main tendue de François Hollande aux centristes.
Le yaourt et la madeleine qu’il engloutit n’y feront rien. Dans le train qui le ramène vendredi soir à Paris, Jean-Luc Mélenchon a l’orange amère. “Le mec, dit-il en parlant d’Hollande, à peine candidat, qu’est-ce qu’il fait? Bim, Bayrou d’un côté, bam, l’austérité de l’autre.” Jean-Luc Mélenchon voulait débattre publiquement avec François Hollande pour essayer d’arrimer ce “mec” sur son terrain. Ce fut niet. À la place, il a vu le candidat socialiste tendre la main à François Bayrou en début de semaine. Tranquillement, “le capitaine de pédalo”, comme il l’a surnommé, prend le large et s’écarte du ressac mélenchonien. L’ancien ministre de Lionel Jospin pourrait s’en réjouir. Se féliciter d’avoir un espace politique clairement identifiable : la radicalité de gauche. Mais il se méfie. Au lieu d’être au centre du jeu, le voilà mis sur le côté.
Surpris? Pas vraiment. “Il ne faut pas sous-estimer François Hollande en tant qu’idéologue. C’est quelqu’un qui, dans son domaine, est dogmatique. Sa ligne politique, c’est le recentrage du mouvement socialiste. Il essaie de réaliser ce que Delors n’a pas pu faire”, souligne-t-il à bord du TGV. Jean-Luc Mélenchon aime à rappeler une tribune cosignée par François Hollande. Le texte date de 1984 et s’intitule “Pour être modernes, soyons démocrates”. Démocrates, comme aux États-Unis. Presque un crime pour le candidat du Front de gauche, qui se réclame du socialisme historique et cite plus volontiers Léon Blum que Bill Clinton.
Lors du voyage aller, déjà, Mélenchon avait prévenu. “On ne fait pas un Front populaire avec Bayrou!” Sous-entendu : Hollande doit choisir ses alliances. Bayrou ou le Front de gauche. Pas les deux. Pour cet admirateur de Mitterrand, l’équation est simple. “La gauche gagne les élections quand elle est sur une ligne de gauche et elle les perd quand elle est sur une ligne centriste”, argumentait récemment celui qui fait campagne et programme communs avec les communistes.
Sarkozy “va comme un disque rayé”
En meeting jeudi dernier près de Bordeaux, Mélenchon n’a pas fait dans la nuance. Après avoir moqué le nouveau discours de Toulon de Nicolas Sarkozy – “cet homme qui va comme un disque rayé”, l’ex du PS a appelé les électeurs socialistes “à l’aide”. Puis les a conjurés : “N’acceptez pas le choix que font vos chefs de vous entraîner dans cette aventure sans issue de l’alliance au centre qui n’est qu’un déguisement de l’alliance avec la droite.” Le lendemain, à bord du car qui l’emmène vers Cognac en compagnie d’une poignée de militants, inévitablement, le sujet revient. “Il commence la campagne là où l’a finie Ségolène!” Allusion de Mélenchon à l’entre-deux-tours de 2007. Quand la candidate PS s’était retrouvée sous la fenêtre du centriste pour essayer d’obtenir, en vain, son soutien.
Ce que Pierre Laurent résume ainsi : “Au lieu de faire l’erreur entre les deux tours, il l’a faite avant!” Le chef du PCF, d’habitude plus conciliant avec Hollande, prévient : “Si on veut à nouveau faire perdre la gauche, on continue comme ça. Parier sur le fait que les gens de gauche veulent absolument battre Sarkozy et qu’on peut donc leur faire avaler n’importe quelle couleuvre est une erreur.”
Arthur Nazaret, envoyé spécial à Cognac – Le Journal du Dimanche
samedi 03 décembre 2011