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Dans la forêt profonde

Publié le 06 décembre 2011 par Feuilly

Dans la forêt profonde, j’ai mis mes pas dans ceux d’autrefois.

Rien n’a changé. C’est toujours le même silence, le même calme des origines.

Le petit chemin serpente dans le sous-bois aux senteurs étranges et enivrantes. Parfum indistinct fait de feuilles en décomposition, de champignons, de branches mortes et de menthe sauvage.

Je marche. Voici le carré de pins et aussitôt l’odeur de la résine, qui coule le long des troncs, m’envahit. Souvenirs de jours anciens. Je ferme les yeux, je respire. Rien n’a changé. Eternité.

Je progresse encore.

Le chemin longe maintenant la rivière. Murmure étouffé et discret, clapotis chantant, petite musique dans l’épaisseur du silence.

Je marche toujours.

A un tournant, je quitte le sentier et pénètre au hasard dans le grand bois, à flanc de colline.  Mes pas font craquer quelques branches. Un merle s’envole, donnant l’alerte. Cri perdu qui résonne dans ma solitude.

Je me fraie tant bien que mal un passage à travers les ronces et les myrtilliers. Puis ce sont les fougères, aux grandes feuilles jaunes couchées dans un désordre de fin du monde. Obstacle infranchissable, qu’il faut pourtant franchir.

Il fait sombre. Déjà, le jour décline.

Je tâtonne un peu, j’hésite, reviens sur mes pas, repars dans l’autre sens. Enfin le voici. Seul au milieu de la  clairière, le chêne est là. Il a toujours été là, aussi loin que les hommes s’en souviennent. Je m’assois entre ses racines, sur la mousse tendre. C’est là qu’un jour tu t’es étendue, encore adolescente. C’est là qu’un jour, d’un doigt timide, j’ai effleuré ton épaule nue…

Il y a si longtemps ! Qu’es-tu devenue ? Seul le grand chêne est encore là. Ton rire a disparu, et l’éclair de tes yeux, et la rougeur sur tes joues quand je me suis aventuré vers d’autres chemins.

Aujourd’hui, dans le grand silence de la forêt, il n’y a plus rien. Le soir tombe, bientôt il fera noir. Seul mon souvenir conserve l’image des jours anciens, des jours d’innocence, d’avant la vie.

Il faut rentrer.

Dans l’obscurité, j’erre et je tâtonne. Mes pieds se prennent dans les fougères, je trébuche. Je ne retrouve plus le chemin, le chemin qui traverse la grande forêt et qui mène au village.

Il fait noir. J’écoute. On n’entend que le silence, l’éternel silence, et parfois, dans les lointains, comme le sanglot d’un oiseau de nuit.  

Littérature


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