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François Hollande: "Comment expliquer aux Français qu’il y a des efforts à faire quand les plus privilégiés y ont jusque là échappé ?"

Publié le 06 décembre 2011 par Letombe

Mardi 6 décembre, François Hollande était l'invité de Patrick Cohen au 7/9 de France Inter. Il s'est exprimé sur le nouveau projet de traité européen discuté par N. Sarkozy et A. Merkel ainsi que sur la situation économique européenne.


François Hollande par franceinter

Patrick COHEN

Bonjour François HOLLANDE.

François HOLLANDE

Bonjour.

Patrick COHEN

La France menacée de perdre son triple A et même de voir sa note dégradée de 2 crans par Standard & Poor’s, la France doit-elle faire davantage d’efforts pour garder ce triple A ?

François HOLLANDE

D’abord moi je ne vais pas faire commentaire sur un pronostic, ou sur une indication, une mise sous surveillance. Je ne veux rien dire qui puisse affaiblir la France au moment où elle affronte des difficultés. Elle les affronte d’ailleurs depuis plusieurs années. Donc, je regarderai ce que feront les agences de notation, et d’ores et déjà je pointe qu’il y a deux reproches qui sont faits à la France. Le premier reproche c’est qu’il n’y aurait pas assez de croissance pour atteindre les objectifs de réduction des déficits publics en 2012.

Patrick COHEN

Et pour les années ensuite.

François HOLLANDE

Et donc les plans successifs, l’absence de soutien de l’activité, tout cela c’est conjugué pour faire une croissance minimale au premier semestre 2012 et donc le doute s’est installé sur l’affichage des perspectives de réduction de déficits.

Patrick COHEN

Mais cela vaut aussi pour vous, François HOLLANDE.

François HOLLANDE

Et la deuxième remarque que fait cette agence, c’est que notre système bancaire est fragile, et qu’il pourrait être, demain, recapitalisé. Donc voilà la situation. Elle marque tout simplement un échec, disons le mot tel qu’il est, de la politique qui est conduite depuis 5 ans. Je ne souhaite pas que ce soit au détriment de la France, c’est pour ça que je le dis à ce micro, je ne souhaite pas qu’il y ait une dégradation de la note de la France. A la fois pour les Français, parce que ça voudrait dire que nous serions obligés, les uns et les autres, d’emprunter, l’Etat d’abord, à des taux plus élevés, je ne le souhaite pas non plus parce que je pense à l’après 2012. Le prochain chef de l’Etat aura à faire le redressement, redressement des finances publiques, redressement de la croissance, redressement du potentiel productif.

Patrick COHEN

Donc, pour éviter cette dégradation, la France doit faire davantage d’efforts budgétaires ?

François HOLLANDE

La France devrait, d’ores et déjà, reprendre les allégements fiscaux qui ont été consentis aux plus favorisés, et qui n’ont pas été repris par les deux derniers plans dits de rigueur, présentés par le gouvernement. Comment expliquer aux Français qu’il y a des efforts à faire quand les plus privilégiés y ont jusque là échappé ?

Patrick COHEN

François HOLLANDE, soutiendrez-vous le projet SARKOZY-MERKEL de traité européen, de projet de traité européen, qui imposerait une règle d’or budgétaire aux 27 ?

François HOLLANDE

Ce traité est un processus long, qui vient d’ailleurs essayer de calmer des marchés qui sont dans l’immédiat.

Patrick COHEN

Même s’il pourrait se faire en quelques mois, d’après le gouvernement, et soumis au Congrès avant le premier tour de la présidentielle, d’après François BAROIN ce matin ?

François HOLLANDE

Je reprends donc vos mots, quelques mois, avant le premier tour de l’élection présidentielle, et là nous sommes dans une spéculation au jour le jour. Quand je dis le jour, ça veut dire jour et nuit, parce que cette nuit c’est là qu’est tombée effectivement l’annonce de Standard & Poor's et c’est là que les marchés se sont retournés, donc je vois là comme une illusion. L’annonce d’un traité, on ne parle même pas de son contenu…

Patrick COHEN

On va en parler.

François HOLLANDE

L’annonce d’un traité comme moyen, comme remède, d’une crise, en fait de gouvernance de la zone euro. Parce que qu’est-ce qu’il faut faire pour sortir de la crise de la zone euro ? Un nouveau traité, ou faire intervenir davantage la Banque Centrale Européenne ? Un nouveau traité ou lancer des emprunts qui pourraient se substituer aux emprunts des Etats pour régler les questions de dettes souveraines ? Qu’est-ce qu’il faut faire, utiliser le Fonds de Stabilité Financière, qui devrait être davantage doté, ou annoncer un nouveau traité ? Posant ces questions-là, je donne les réponses.

Patrick COHEN

Vous dites que cet accord est insuffisant, est-ce qu’il est au moins nécessaire ?

François HOLLANDE

Je pense qu’il est surtout partiel. Comment voulez-vous dire aux Européens, qui se posent plein de questions aujourd’hui - je parle des citoyens, mais je parle aussi des gouvernements – comment voulez-vous dire que nous allons changer des traités simplement, même si c’est déjà pas mal, en fixant des règles de contrôle des budgets et des sanctions ?

Patrick COHEN

Est-ce qu’il les faut ces règles de contrôle de budgets ?

François HOLLANDE

Qu’il y ait des contrôles des budgets, c’est la logique dès lors que nous sommes en union monétaire et que nous devons tous prendre des engagements de maîtrise de nos déficits et de notre dette. Mais je…

Patrick COHEN

Donc il faut des règles d’or.

François HOLLANDE

Pardon ; mais je ne crois pas qu’il sera possible de convaincre des Européens, parce que c’est un processus très long, il faudra non seulement l’accord des chefs d’Etat et de gouvernement, il faudra l’accord des Parlements, et dans certains pays un référendum, si on est dans un traité à 27, et même si on est dans un traité à 17. Alors, ce que je dis, c’est qu’il n’est pas possible, aujourd’hui, de proposer un nouveau traité qui ne comporterait que des règles de contrôle, de limites, qui seraient jugées comme des règles organisant l’austérité. S’il n’y a que de l’austérité dans ce traité, eh bien il n’y aura pas, au bout du compte, d’acceptation du traité.

Patrick COHEN

Pouvez-vous tout de même clarifier votre point de vue sur la règle d’or, idée que Ségolène ROYAL a fait sienne pendant la campagne des primaires, et qu’Arnaud MONTEBOURG continue de qualifier de stupide ? Est-ce qu’il faut des règles d’or budgétaires dans les pays de la zone euro ?

François HOLLANDE

Qu’est-ce que ça veut dire une règle d’or, pour ceux qui nous écoutent. Ce serait une règle de bonne gestion de nos finances publiques, c’est pour ça que quand Nicolas SARKOZY vient nous parler de la règle d’or en fin de mandat, il y a quand même quelques paradoxes. C’est le président de la République qui a dégradé tous nos comptes publics, qui fait que nous en sommes dans la situation que vous avez décrite dès votre première question, une menace de dégradation, et qui vient nous dire, « vous savez, avant de partir je veux qu’il y ait une règle d’or. » Eh bien moi j’ai précisé les choses, devant les Français, j’ai dit que si je suis élu président de la République je ferai voter une loi de programmation de nos finances publiques pour ramener à l’équilibre nos comptes à l’horizon 2017. Pour moi ce sera ça la stratégie, ce sera ça l’engagement que je prendrai devant le Parlement européen.

Patrick COHEN

Donc vous prônez l’objectif mais pas le moyen.

François HOLLANDE

Quel moyen ?

Patrick COHEN

Mais pas le moyen, ou pas la contrainte juridique.

François HOLLANDE

Parce que vous pensez que c’est une contrainte juridique, une Constitution, qui va nous permettre de faire ces choix ? C’est une Constitution qui fait qu’on va prélever chez certains et pas chez d’autres ?

Patrick COHEN

C’est la solution adoptée dans beaucoup de pays européens.

François HOLLANDE

Non…

Patrick COHEN

Y compris par les socialistes européens.

François HOLLANDE

Dans une minorité de pays. Mais, imaginons que ça nous serait demandé, quelle règle d’or ensuite ? Il y a quelques semaines Nicolas SARKOZY voulait faire voter une règle d’or, et maintenant il nous parle, avec madame MERKEL, d’une règle d’or renforcée. C’est quoi une règle d’or renforcée ? J’attends qu’on me fasse la proposition…

Patrick COHEN

Avec des sanctions automatiques, non ?

François HOLLANDE

Ah non, la sanction automatique, ça c’est dans le traité européen dans le cadre de ce qui serait fait, non pas par une Cour constitutionnelle française, mais par la Commission européenne…

Patrick COHEN

Car vous pensez qu’on ira au-delà des critères de 3% de déficits et de 60% de dette ?

François HOLLANDE

Non, je ne dis pas ça, je pense qu’il y aura là des contraintes qui seront posées, dans une règle d’or que je ne connais pas. Donc je ne vais pas me prononcer sur une mécanique qui pour l’instant n’a pas été précisée. Ce que je dis en revanche, parce que j’ai le sens de la responsabilité, parce que je veux du sérieux, c’est que si je suis élu président de la République nous reviendrons vers l’équilibre à l’horizon 2007. Par ailleurs, ce n’est pas une règle qui fait une politique, c’est une politique qui permet de respecter les règles, et dans une politique il y a des choix, il y a toujours des choix. Qui va payer, qui va faire l’effort, et est-ce que l’on s’en tient simplement à du sérieux budgétaire ou on y met de la croissance ? Sans croissance, et c’est là la faiblesse, pour ne pas dire la faillite du dispositif qui nous est proposé, sans croissance il n’y aura ni réduction des déficits publiques, ni maîtrise de la dette, ni résolution de la crise de la zone euro, ni acceptation par les peuples de ce qui sera proposé.

Patrick COHEN

Donc, pour résumer, la règle d’or vous la feriez, mais vous ne voulez pas la voir dans la Constitution française.

François HOLLANDE

La règle d’or ça sera après l’élection présidentielle. J’ai le sens, aussi, de la démocratie, c'est-à-dire…

Patrick COHEN

Et pas dans la Constitution ?

François HOLLANDE

C'est-à-dire que ce sera à chacun des candidats de présenter ce qu’il fera pour rétablir les comptes publics, la manière de le faire, les dispositions qu’il faudra prendre et à quel niveau, constitutionnel ou pas, et c’est ensuite aux Français de juger. De toute manière, la règle d’or elle ne peut pas être votée avant l’élection présidentielle.

Patrick COHEN

Diriez-vous, comme certains des dirigeants du PS qui se sont exprimés depuis hier, que Nicolas SARKOZY a abdiqué devant Angela MERKEL ?

François HOLLANDE

Moi j’évite de faire du bruit avec la bouche, comme on dit, c'est-à-dire des mots. J’essaye de juger les actes et les politiques. Ce qui est clair c’est que c’est plutôt le modèle tel que le proposait madame MERKEL, de contrôles et de sanctions, qui l’a emporté. La chose qui a été évitée c’est l’intervention directe de la Cour de justice européenne, ce sera une intervention indirecte.

Patrick COHEN

C’est une bonne chose.

François HOLLANDE

Mais ce qui a manqué, parce que je crois que là les deux partagent cette conception, et madame MERKEL, et Nicolas SARKOZY, ce qui a manqué c’est de donner un sens à la construction européenne, pas simplement une vertu, qui a d’ailleurs manqué en France, un sens. Il ne sera pas possible de convaincre les opinions publiques et les peuples simplement de faire de l’austérité. Ce qui a manqué dans cet accord-là c’est une ambition, et ce qui a manqué aussi c’est une réaction, car imaginer que l’annonce d’un nouveau traité va calmer les marchés et va rassurer, et les citoyens, et les agences de notation, vous avez vu, dans la nuit même, dans la nuit même, ça n’a pas attendu quelques jours, quelques semaines…

Patrick COHEN

Ça avait été décidé avant.

François HOLLANDE

Dans la nuit même, il y a eu une agence de notation qui a parlé déjà de dégradation.

Patrick COHEN

Angela MERKEL n’est pas BISMARCK, et SARKOZY n’est pas DALADIER ?

François HOLLANDE

Ecoutez, il vaut mieux regarder les personnages dans leur réalité, c'est-à-dire dans leur rôle historique, que plutôt d’aller des références d’hier. J’essaye de savoir si monsieur SARKOZY et madame MERKEL ont été à la hauteur de leurs responsabilités. Pour ce qui me concerne, je considère qu’avec l’annonce d’un nouveau traité ils n’ont pas pris la mesure de la crise de la zone euro. Je laisserai ensuite les historiens, dans 10 ans, ou dans 20 ans, savoir quel qualificatif il faudra poser à Nicolas SARKOZY et à madame MERKEL. Ce qui compte ce n’est pas le travail de l’Histoire, c'est-à-dire le retour vers le passé, ce qui compte pour moi c’est de savoir qui sera le prochain président de la République en France, quelle sera la prochaine majorité, et quelle sera la prochaine politique.

Patrick COHEN

François HOLLANDE, invité de FRANCE INTER jusqu’à 8H55, on vous retrouve dans quelques minutes monsieur HOLLANDE, après la revue de presse et un peu de pub, et des questions très très nombreuses pour vous, évidemment, au standard de FRANCE INTER. A tout de suite.

François HOLLANDE

Merci.

 

Réécoutez l'intégralité de l'entretien sur le site de France Inter

 

François Hollande


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