Comme je vous l’avais promis ce week-end, j’ai un peu planché sur l’épineux dossier du financement des syndicats. L’envie de creuser le sujet m’est venue en particulier de la confession d’un permanent départemental d’un grand syndicat dont je tairai ici le nom.
Je m’ouvrais alors à lui de mon étonnement de constater, de par mon travail de blogueur (notamment sur une affaire qui avait alors défrayé la chronique), le développement de certaines pratiques syndicales qui contrariaient ma déontologie personnelle en la matière. Pour l’instant, pour ne froisser personne, on dira que dans certains milieux professionnels, une carte syndicale peut devenir un précieux sésame…
Il m’avait alors répondu en substance que le dossier était assez brûlant, voir explosif, et que l’explication devait se rechercher du côté d’un manque de réflexion et de concertation politique de haut niveau sur le sujet, personne n’y ayant cependant vraiment intérêt… Ou pas le courage politique de s’y atteler. Pour lui, nous en étions au même point que les partis politiques il y a vingt ans, avant que les choses ne soient rendues un tout petit peu plus claires (j’ai dit un peu plus…) par des outils législatifs et réglementaires adaptés obligeant ceux-ci à plus de transparence. Il y a donc une nécessité impérieuse de mettre le dossier sur la table afin d’y voir plus clair et de renforcer l’action et la crédibilité du monde syndical auquel je tiens si fortement. Question de survie…
J’entends souvent des gens autour de moi dire avec des mots simples leur incrédulité, voir leur méfiance envers les syndicats de salariés, estimant ne pas être suffisamment défendus, et visités par des délégués peu scrupuleux (il y en a, comme partout…) exclusivement au moment des élections, dans un but intéressé.
Le problème que connaissent tous les syndicalistes, c’est que malgré ce genre de discours, et la nécessité de plus en plus évidente pour les salariés d’être défendus face à des employeurs dans un contexte où le rapport de force est de moins en moins du côté des « masses laborieuses », rares sont les personnes qui acceptent de se syndiquer, voire même de solliciter les syndicats sur leurs conditions de travail par peur d’être mal vus de leur hiérarchie, par exemple. Ils préférent donc se plaindre devant une machine à café ou dans un cercle plus familial qui n’y changera rien…
C’est un poncif que de dire que le taux syndicalisation en France est parmi l’un des plus faibles d’Europe : 8 %pour la fourchette haute, la plus optimiste. Mais que font les partis politiques pour changer cela ? La réponse est RIEN. Et cela, pas depuis hier… Et ce n’est pas la faute à la droite. Ni à la gauche. Ni au centre. Le coupable, c’est le manque de courage politique face à un dossier d’ampleur qui nécessite une réforme importante, de laquelle pourrait découler une meilleure représentation, plus démocratique, des salariés, et la possibilité du retour d’un dialogue social tragiquement absent aujourd’hui, ce que l’on a pu constater pendant les débats sur la réforme des retraites l’année dernière dans lesquels le monde du travail, malgré une mobilisation sans précédents, n’était pas en position de force. Pourquoi ? Parce que ceux qui dominent les débats, ce sont les syndicats patronaux, qui ont pu par l’évidente force qui est la leur dans une période de chômage massif, imposer leur vision, dont on sait qu’elle est attentivement écoutée par ce gouvernement là….
Aussi, lorsque j’ai découvert les informations qui suivent, je n’ai pas été très étonné. Parlons d’abord dans ce premier billet sur le sujet du travail intéressant que les parlementaires de droite comme de gauche se sont hâté de « cacher sous le boisseau », le rapport Perruchot. Du nom du député du nouveau centre qui s’ est fait le rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur le financement des organisations patronales et syndicales, ce document notait une certaine opacité dans l’utilisation des fonds, notamment au sein des Comités d’Entreprise (CE) et de la fonction publique…
ça, c’est ce qu’écrit, par exemple, ce genre de site qui arrive en première ligne des requêtes google, sur lequel a du s’appuyer Mr Rioufol. Il en reprend en effet les lignes directrices quasiment mot pour mot… Comme de nombreux réacs bien français, repris par leurs médias favoris, il n’a pu que sauter sur l’occasion trop belle de prendre des gauchistes en flagrant délit de compromission... dans un délire anticommuniste primaire auquel ces gens là associent tout ce qui bouge : la gauche qui commence à Hollande (sic), les syndicats, les associations de défense de droits de l’homme, les anti-racistes, et tout ce qui tente de redonner une dignité à l’être humain.
Après les innombrables affaires qui ont secoué dernièrement la droite, la tentation était trop bonne pour un esprit simple. J’irai même jusqu’à dire simplet car on ne demande pas à un journaliste de se contenter d’une part – en l’occurrence celle qui l’arrange – de la réalité, mais de nous livrer un travail nettement plus objectif (ce n’est pas difficile…). Mais je parle là de vrais journalistes, c’est à dire de gens qui ne travaillent pas au Figaro, gazette si honteusement orientée que tout le monde s’en rend compte aujourd’hui. Et je me demande soudain pourquoi moi, après tout, je n’aurais pas aussi une carte de presse… dans ces conditions.
Car si Monsieur Rioufol avait cherché plus loin que le bout de son nez, il aurait trouvé ceci. Et nous serions correctement informés, et saurions que dans ce rapport, si l’opacité règne dans les syndicats de salariés, et que certains CE ont d’étonnantes pratiques, les syndicats patronaux ne sont pas en reste et qu’ils disposent quant à eux, en outre, de patrimoines «considérables»…
En période de crise et d’austérité, on sera donc ravis de savoir que nos employeurs, dans leur grande sagesse, thésaurisent pour notre futur... Tout en nous demandant sans cesse des sacrifices qui ne serviront qu’à nourrir plus copieusement leurs dîners d’affaire quand tant d’autres ont simplement… faim. De justice et de la satisfaction de leurs droits les plus élémentaires : manger, avoir un toit, se vêtir, se chauffer s’éclairer… Et si possible pas à la bougie…
Qu’est-ce que je propose, au lieu de polémiquer ? Simplement que les candidats à la présidentielle s’emparent de ce dossier, le jugent un peu plus prioritaire que la couleur de la djellaba de mon voisin, s’interrogent et déterminent un projet cohérent de financement des syndicats tout en leur permettant de retrouver une position plus conforme aux exigences démocratiques. Ainsi, pour rendre les syndicats plus attractifs, se poser la question d’une adhésion obligatoire pour tous, passant par une cotisation minime, prise en charge par les employeurs. Tout le monde aurait à y gagner. Les salariés seraient mieux défendus, le financement des syndicats plus transparent, et moi je paierai peut-être une cotisation peut-être plus minime… pour un service encore meilleur. Les employeurs quant à eux auraient enfin en face d’eux des interlocuteurs plus crédibles et représentatifs. Comme cela, nous n’aurions peut-être plus à assister à ce genre de spectacle désastreux… pour ceux qui travaillent et qui luttent au quotidien dans l’ombre sans en tirer aucune gloire ni aucun profit.
#Jedisçajedisrien…
Le problème du financement des syndicats est en tous les cas un problème trop sérieux pour le confier à des polémistes… et à des éditorialistes de droite. Reprenons le flambeau. Et agissons.