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Paso Doble n°228 : AAA, l’Euro, nos Préssssieux Tréssssors

Publié le 08 décembre 2011 par Toreador

A las cinco de la manana…

AAA, de l'insouciance à la sous-science

Attention, ce billet est sulfureux car il se permet de remettre en cause le Dogme.

Longtemps, AAAAA a signifié pour les Français une certification d'andouillet : Association amicale des amateurs d'andouillette authentique. Et puis, la crise est arrivée, et les Français ont découvert que le bonheur, c'est ce qu'on regrette quand il a cessé d'exister. Et le bonheur français tient en trois lettres : AAA. 

Pauvres innocents que nous étions : pendant toutes ces années, comme le bourgeAAA gentilhomme, nous vivions du AAA sans le sAAAvoir. Et maintenant qu'il est en danger, toute la classe politique française se lamente parce qu'il était notre plus beau joyau, notre tour eiffel financière, notre permis à 36 points (qui justifiait une conduite excessive). 

Oui, le 3A s'est imposé pendant l'année 2011 comme LE mot à la mode. Il se décline à toutes les sauces : va-t-on perdre le AAA ? Est-ce la faute de Sarkozy si on perd le AAA ? Ou est-ce à cause des propositions d'Hollande ? L'euro peut-il survivre sans le 3A ? etc, etc…

Philippique ou Philippe pique, sur l'euro

Le triple A va tuer l'euro, cet autre remède miracle dont on nous assurait il y a 15 ans qu'il serait le bouclier du Vieux continent dans la mondialisation. Relisez donc ce discours prononcé en 1992 par Philippe Seguin à l'Assemblée Nationale :

" Que l'on ne s'y trompe pas la logique du processus de l'engrenage économique et politique mis au point à Maastricht est celle d'un fédéralisme au rabais fonda­mentalement anti-démocratique, faussement libéral et résolument technocratique, L'Europe qu'on nous propose n'est ni libre, ni juste, ni efficace. (…) Certains s'en accommodent. Quant à moi, Ce n'est pas l'avenir que je souhaite à mon pays. (…) du fait de l'application des accords de Maastricht, notamment en ce qui concerne la monnaie unique, le coût de la dénonciation sera devenu exorbitant, le piège sera refermé et, demain, aucune majorité parlementaire, quelles que soient les circonstances, ne pourra raisonnablement revenir sur ce qui aura été fait. Craignons alors que, pour finir, les sentiments nationaux, à force d'être étouffés, ne s'exacerbent jusqu'à se muer en nationalismes et ne conduisent l'Europe, une fois encore, au bord de graves difficultés, car rien n'est plus dangereux qu'une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s'exprime sa liberté, c'est-à-dire son droit imprescriptible à choisir son destin."

(…)

On nous dit que la monnaie unique est la clé de l' emploi. On nous annonce triomphalement qu'elle créera des millions d'emplois nouveaux - jusqu'à cinq millions, selon M. Delors, trois ou quatre, selon le Président de la République. Mais que vaut ce genre de prédiction, alors que, depuis des années, le chômage augmente en même temps que s'accélère la construction de l'Europe technocratique ? Par quel miracle la monnaie unique pourrait-elle renverser cette tendance ? Oublierait-on que certaines simulations sur les effets de I'union monétaire sont particulièrement inquiétantes pour la France puisqu'elles font craindre encore plus de chômage dans les années à venir ? En vérité, tout ce que notre économie doit d'incontestablement positif à la construction européenne, c'est la fin du protectionnisme intracommunautaire, ce qui n'a rien à voir ni avec I"harmonisation à tout prix ni avec la monnaie unique.(…) 

On nous dit que la monnaie unique va favoriser nos exportations, mais les échanges intra-européens sont déjà considérables et I'unification de la mon­naie ne supprimera pas les risques de fluctuation vis-à-vis du dollar et du yen. Mieux : dès lors qu'il y aura trois pôles monétaires comparables, les arbitrages triangulaires iront se multipliant, avec tous les risques de change y afférent.

On nous dit que la monnaie unique favorisera les investis­sements français dans les autres pays de la Communauté. Or aucune statistique ne permet de conclure à un effet significatif du risque de change sur I"investissement.

(…)

Alors on vient nous dire, argument ultime et présumé décisif, que nous n'aurions plus d'autre choix qu'entre « subir » et « co-décider ». (…) Alors on objecte encore que, même si elle le voulait, la France ne pourrait pas exercer sa souveraineté, qu'elle n'aurait d'autre possibilité que celle de s'aligner sur les décisions des autorités allemandes afin d'éviter la fuite des capitaux flottants et l'effondrement de sa monnaie.

C'est oublier, me semble-t-il, que le maintien à tout prix d'une parité arbitraire entre le franc et le mark est un choix politique qui n'a rien d'inéluctable. C'est oublier qu'une monnaie qui ne se maintient qu'en s'appuyant sur des taux d'intérêt réels exorbitants ne peut pas être considérée comme une monnaie forte et qu'en adoptant une telle politique, la France a permis d'accentuer la sous-évaluation du mark au sein du SME où tous les experts s'accordent pour constater qu'il est déjà sous-évalué depuis 1979, ce qui est un comble puisque nous donnons ainsi à l'Allemagne une prime supplémentaire de compétitivité. Et quand j'entends dire, comme hier, qu'on veut réévaluer le franc par rapport au mark, je me demande si on ne nage pas en pleine folie !

En tout cas, rien n'impose aujourd'hui à la France la poli­tique monétaire qu'elle s'est choisie, qui joue au détriment des salariés, qui disqualifie les investissements à long terme et qui a des effets tellement désastreux sur l'activité qu'ils finiront de toutes les façons par faire fuir les capitaux étrangers.

Et puisque rien n'impose à la France cette politique, rien ne l'empêche non plus d'en changer !"

L'AAAnneau Unique

Quand on y réfléchit, c'est un tour de force politique et médiatique : arriver à faire d'un machin aussi imbitable qu'une note d'agence de fondation un sujet de préoccupation nationale, en si peu de temps, cela tient du génie politique. Surtout que le AAA permet de justifier toutes les mesures de rigueur : qu'on se le dise, les gouvernements sont prêts à tout pour garder le sésAAAme. 

Tout ceci est vaguement ridicule, et je terminerais par une série de réflexions :

- Si tout le monde perd son AAA et que l'Europe se retrouve notée AA, alors comme il n'y aura plus grand monde noté AAA, le AA deviendra la meilleure valeur refuge…

- Les agences de notation agissent trop en avance ou trop en retard. Notre triple A, nous l'avons perdu quelque part pendant les trente années qui se sont écoulées, lorsque la France a régulièrement présenté un budget en déficit. En sanctionnant cette conduite trop tardivement, les agences tirent sur l'ambulance. En revanche elles permettent de rendre réel le risque de défaut : notés AA ou A, les pays de l'UE deviendront lentement insolvables, ce qui justifiera une baisse de la notation et un effacement de la dette, sous peine de ruiner le système financier international. La notation est donc moins une sanction qu'une prédiction auto-réalisatrice.

- Comme tous les Etats sont soumis au même stimulus de la chasse au triple A, cela veut dire un plan européen de rigueur préparé dans la hâte. L'histoire retiendra qu'en 2011-21013, le système financier a implosé parce que les agences de notation ont poussé à un plan massif de désendettement qui ne peut entraîner l'Europe que vers un monde post-démocratique et replié sur lui-même. Standard & Poor's a le même effet nocif que la Fed en 1929. 

Triple A = Association des Authentiques Andouilles. 

AAA

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