En aval de Tukuche, rencontre avec une caravane dans le lit de la Kali Gandaki
Quel trafic sur la piste de Tukuche ! La région elle-même n'est pas densément peuplée mais elle est traversée par d'innombrables
caravaniers qui conduisent leur mules chargées de denrées introuvables dans le haut pays de Mustang, principalement du riz et d'autres céréales. Celles qui resdescendent à vide
vont à une allure si véloce qu'il devient parfois difficile de les suivre, surtout lorsque leur conducteur est lui-même juché sur un cheval.
Il faut se méfier de rencontres intempestives avec les mules sur les sentiers étrécis entre ravins et falaises. Ce n'est pas tant qu'elles soient indisciplinées mais avec les sacs gonflés de
grains qui battent leurs flancs, il peut devenir périlleux de se trouver pris au beau milieu. Je l'apprends à mes dépens lorsque profitant d'un espace libre entre les bêtes, je m'y précipite, un
peu inconsciemment j'en conviens, et me retrouve balloté de droite et de gauche par les chocs de leur chargement qui tangue sous leur pas cahotant. Plus de peur que de mal, je parviens
finalement à les écarter pour me frayer un chemin au sein de la caravane.
Ces rencontres sont finalement tout à fait sympathiques et pimentent le voyage. J'aime particulièrement voir ces admirables animaux de bât défiler à la queue leu leu, d'un pas placide et
discipliné, sur les ponts suspendus qui franchissent de temps à autre les cours d'eau.
Passée Tukuche, "capitale" des Thakali, nous empruntons le lit la Kali Gandaki, large à certains endroits d'un bon kilomètre, et arpentons une piste tour à tour de galets, de graviers et de sable, ce qui nous évite la traversée des villages établis un peu plus haut sur la rive droite, dont le plus important est celui de Larjung. Pour l'heure nous affrontons un vent de face, qui se lève curieusement tous les jours en fin de matinée pour souffler jusqu'au soir. Ces bourrasques en provenance du sud prennent ainsi le relais de la bise du nord qui jusque là nous poussait sur la piste. Sans doute le goulet d'étranglement situé quelques kilomètres en aval fait-il office d'appel d'air aux vents tropicaux et leur permet-il de porter leurs tièdes effluves jusqu'en cette contrée.
En chemin nous bénéficions de vues époustouflantes sur la Dhaulagiri et le Tukuche Peak à notre droite et sur les Nilgiri à l'opposé. Les premières forêts commencent de couvrir le versant ubac et de jeunes génévriers colonisent même les gravières, preuve de la vitalité de la végétation arbustive de la région.
En dépit des bourrasques, la marche est aisée et serait même agréable sans les tourbillons de sable et de poussière qu'elles soulèvent pour nous gifler la peau. De petits ponts rudimentaires faits de deux madriers liés, voire de simples troncs, ou parfois des gués lorsque l'eau est peu profonde, permettent de franchir les multiples bras entrelacés de la rivière qui charrient des eaux brunes provenant des hauts plateaux du Mustang.
Puis c'est la gorge que l'on passe avant de déboucher sur de nouveaux paysages...
La Dhaulagiri, à gauche, et le Tukuche Peak surplombant le village de Larjung