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Julien Noé (Enercoop) : "le marché de l'électricité verte doit s'ouvrir à tous les fournisseurs"

Publié le 14 janvier 2008 par Energie2007

Avec son statut de société coopérative d’intérêt collectif, Enercoop fait figure d’exception dans la liste des fournisseurs d’électricité. Nous sommes une « société à but non lucratif », résume Julien Noé, directeur adjoint. « Nous n’avons pas d’actionnaires, mais des sociétaires (le coût d’adhésion est de 100 euros), et nous réinvestissons nos bénéfices dans les énergies renouvelables. » L’énergie verte est en effet le créneau d’Enercoop, seul fournisseur à garantir une énergie d’origine renouvelable à 100%. Ce qui a un coût : « notre offre est environ 30 à 40% plus chère, ce qui se traduit par 10 à 15 euros en plus par mois sur la facture. » Entretien.


Quel bilan tire Enercoop de l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence ?

Julien Noë : Quel marché ? Le marché a été tué en juillet 2007 puisque les particuliers ont été invités à tous les niveaux à garder le tarif réglementé. D’un point de vue économique et écologique, on considère que le tarif réglementé ne reflète pas la réalité des coûts, notamment externes : démantèlement des centrales, sécurité des installations, déchets... et surtout réchauffement climatique ! D’un point de vue social, Enercoop est cependant favorable au tarif réglementé, compte tenu de l’extrême volatilité des prix de marché. Il faudrait donc augmenter le tarif de manière significative, en prévoyant un dispositif de protection pour les millions de personnes à faible revenu (dont 6 millions en dessous du seuil de pauvreté). Pour Enercoop, dans ce contexte difficile, le bilan est mitigé : nous avons 1.400 clients – dont 1.000 sont aussi sociétaires. 5 à 10 clients nouveaux nous rejoignent chaque jour. Notre plan de marche qui prévoit l’équilibre en 2009 avec 10.000 clients devrait pouvoir être tenu mais il faudrait néanmoins que ça s’accélère un peu. Signe encourageant : de plus en plus de clients ne sont pas issus de nos réseaux traditionnels. Ils sont sensibilisés à notre offre en raison de préoccupations environnementales et sautent le pas.

La réversibilité qui vient d’être adoptée au Parlement pourrait-elle vous y aider ?

Julien Noë : C’est difficile à dire. Nos clients font en fait un choix militant, la plupart venant d’ailleurs de réseaux associatifs écologistes ou de l’économie solidaire. On explique la démarche, on dit qu’on est plus chers… Les gens qui viennent chez nous le font en connaissance de cause. De fait, hors déménagements, nous n’en avons perdu aucun à ce jour. Plus que sur la réversibilité, nous misons sur des labels : le label EVE, la meilleure note du classement Ecolo Watt ou Clair’Energie sur les conditions générales de vente, sont pour nous des appuis plus importants. Le fait que l’UFC-Que Choisir nous ait distingués comme la seule offre verte valable est aussi très important. Ensuite, le bouche à oreille fait son travail. Il est vite devenu notre meilleur vecteur de communication.

Comment garantissez-vous à vos clients l’origine renouvelable de l’énergie que vous leur vendez ?
Julien Noë : Nous nous approvisionnons exclusivement auprès de centrales hors obligation d’achat (voir note ci-dessous), produisant à partir d'une source d'énergie renouvelable. Nos producteurs sont membres de la coopérative où un « collège producteurs » leur est réservé. Ils nous vendent l’électricité qu’ils produisent ainsi que les droits verts attachés (garantie d'origine). C’est une solution qui est coûteuse pour nous car nous ne bénéficions pas de la CSPE. Nous estimons d’ailleurs que c’est discriminatoire et avons formulé une plainte auprès de la Commission européenne pour pouvoir bénéficier, comme EDF, du mécanisme de la CSPE. Celle-ci l'a jugée recevable et a écrit à la France en avril 2007. Dans l’immédiat, nous espérons qu’un texte législatif pourrait nous donner satisfaction en ouvrant à tous les fournisseurs le mécanisme de compensation. Des amendements en ce sens ont déjà été débattus au Sénat (amendement de M. Ladislas Poniatowski) et à l’Assemblée (amendement de Jean Dionis du Séjour), sans succès jusqu’à présent. Un espoir est récemment né des propositions du groupe de travail énergie du Grenelle de l'environnement : une révision du système actuel a été reconnue nécessaire. Quoi qu’il en soit, c’est bien parce que nous achetons directement à des producteurs l’électricité d’origine renouvelable que nous pouvons garantir à nos clients une offre 100% verte. A chaque fois que nous avons de nouveaux clients, nous achetons à de nouveaux producteurs.

Quelle est la différence avec les offres « vertes » des autres fournisseurs ?

Julien Noë : Leurs offres reposent le plus souvent sur des certificats verts ou TÜV. Ces certificats sont des mécanismes privés de traçabilité. Mais ces certificats peuvent être émis indépendamment du mécanisme officiel de traçabilité (système des Garantie d'Origine) : en clair, il y a la possibilité d’une double comptabilité, d’une double traçabilité.

Comment est-ce possible ?

Julien Noë : Un producteur qui vend son électricité d’origine renouvelable à EDF, via l’obligation d’achat, transfère à EDF la garantie d’origine associée à sa production. EDF, dispose donc déjà, en plus de l'électricité, des »droits verts » attachés à l'électricité produite. Mais, et c'est là qu'il y a problème, rien n'empêche ce producteur de vendre un certificat privé, pour cette même électricité. Car, même si les émetteurs de certificat disent ne traiter que de l'électricité hors contrat d'obligation d'achat issu de la loi 2000, rien n’oblige les organismes certificateurs à demander la garantie d’origine qui y est attachée. En résumé, coexistent un mécanisme public (la garantie d’origine) et des mécanismes privés (certificats verts et TUV) qui peuvent porter sur la même électricité. Avec les certificats, de bonne ou de mauvaise foi, les consommateurs peuvent être trompés. Ceux-ci croient payer pour développer de la production verte, ce qui n’est pas le cas. Le même produit « valeur verte de l'électricité » peut être vendu plusieurs fois par le même producteur (une fois via l'obligation d'achat et une fois via un certificat privé). Ouvrir le droit au mécanisme de soutien aux fournisseurs souhaitant proposer une offre verte permettrait de résoudre le problème de traçabilité.

L'obligation d’achat est un mécanisme qui permet à un producteur d’énergie renouvelable de vendre sa production à EDF à un prix couvrant le coût de production. EDF la réinjecte alors sur le réseau. Pour cela, EDF bénéficie d’une subvention ou compensation, financée par le CSPE (contribution au service public d’électricité) payée par chaque foyer sur sa facture. Le système de garantie d'origine (GO) est le mécanisme de traçabilité officielle de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables. Il a été mis en place par la loi. Sa gestion est assurée par RTE.


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