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Kosovo/Bretagne par Christian Guyonvarc'h

Publié le 19 février 2008 par Chacalito
logo-CR.jpg La reconnaissance du Kosovo comme Etat par la France repose la question du statut de la Bretagne
A l'instar des Etats-Unis, de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne ou de l'Italie, la France vient de reconnaître le Kosovo comme Etat souverain et indépendant. Comme l'ont admis les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne réunis à Bruxelles le 18 février, cette décision a été prise en dérogation du droit international. Il n'empêche, elle contraste singulièrement avec le refus persistant de l'Etat français d'ouvrir le débat sur les évolutions institutionnelles dont la Bretagne a besoin pour s'affirmer dans le concert des grandes régions d'Europe et surtout faire valoir ses atouts naturels et humains.

Le statut de la Bretagne aujourd'hui est celui d'une sous-région de France. Si l'expression peut choquer, elle correspond à une double réalité. D'abord celle d'un territoire démembré, puisque les lois dites de décentralisation qui se sont succédé depuis 1982 ont toutes entériné l'acte antidémocratique de séparation de la Loire-Atlantique du reste de la Bretagne posé par le régime de Vichy le 30 juin 1941 puis confirmé par la IV ème République à la création des régions-programme. Faut-il rappeler que l'appartenance du pays nantais à l'ensemble breton a été officiellement reconnu par la France... en l'an 851. Le démembrement récent de la Bretagne contraste objectivement avec le respect de l'intégrité territoriale de régions comme l'Alsace, la Lorraine ou la Corse.

L'autre réalité qui témoigne du statut inférieur qui est celui de Bretagne dans la France de 2008 concerne les ressources de l'institution régionale. L'Etat prive la Bretagne administrative chaque année de l'équivalent de 240 millions d'euros, soit  un quart de son budget actuel ou encore 40% de la contribution demandée à la Région pour la réalisation du projet ferroviaire « Bretagne Grande Vitesse » (Brest et Quimper à 1h30 de Rennes et 3h de Paris). Comment une telle injustice est-elle possible? se dira le lecteur. Elle s'explique par le fait que, bien que la Région Bretagne dispose parmi toutes les régions métropolitaines (hormis la Corse) du plus faible potentiel fiscal par habitant, l'Etat ne vient nullement compenser ce désavantage puisqu'il lui verse les dotations par habitant les plus faibles. Or, les dotations de l'Etat représentent aujourd'hui plus de 50% des recettes des régions. Comme les taux de fiscalité votés par la Région se situent dans la moyenne, il en résulte que la différence entre le budget par habitant de la Région Bretagne et le budget moyen par habitant des régions de métropole est de près de 80 euros par habitant et par an, soit une impasse globale d'environ 240 millions d'euros chaque année. Pourquoi ce traitement discriminatoire? Où est l'égalité républicaine?

Bien entendu le Kosovo et la Bretagne évoluent dans des contextes qui ne sont pas comparables. L'accession du Kosovo à l'indépendance est l'aboutissement d'une décennie de répression de l'Etat yougoslave puis serbe à l'encontre de la majorité albanophone, d'une guerre épouvantable et d'un protectorat international qui n'a pas su, depuis 1999, construire une alternative. L'histoire séculaire des relations entre la Bretagne et la France, quant à elle, est faite d'une alternance de conflits, parfois sanglants (conquête militaire de la Bretagne à la fin du XV ème siècle, répression féroce de la révolte paysanne des Bonnets Rouges en 1675, exécution du marquis de Pontcallec et de ses trois conjurés en 1720, abandon des soldats de l'Armée de Bretagne dans la boue de Conlie en 1870), de brimades et de vexations (généralisation de l'insigne infamant au cou des petits écoliers brittophones jusqu'au milieu du XX ème siècle, caricature de la Bretonne inculte au travers du personnage de Bécassine) mais aussi d'une forte implication des Bretons dans l'avènement de la République (Rennes vécut dès 1788 les prémices de la Révolution et la Brestoise Nathalie Le Mel fut une des pasionaria de la Commune de Paris) et dans sa défense face à la barbarie nazie (les Bretons ont constitué un tiers des Forces Françaises Libres et formé de nombreux maquis). Les Bretons sont attachés aux valeurs fondatrices de la République qui ont forgé sa devise et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils rejettent majoritairement l'idéologie du chacun pour soi.

Ce à quoi les Bretons aspirent, c'est que la devise de l'Union européenne, « Unie dans la diversité », soit déclinée en France. Ils veulent être reconnus et respectés pour ce qu'ils sont: un peuple doté d'une longue histoire, une culture à la fois singulière et plurielle, une identité linguistique où le français, le breton et le gallo forment un patrimoine indissoluble, un esprit ouvert au monde qui se traduit entre autres par une multitude de rencontres interculturelles. Ils veulent que cet héritage collectif soit protégé juridiquement, reconnu dans l'espace public et transmis à leurs enfants, notamment dans les écoles de la République, pour que, sachant d'où ils viennent, ils transmettent à leur tour les valeurs de solidarité, d'unité et de respect de l'autre qui sont autant de repères indispensables dans le monde souvent angoissant de ce début de millénaire où prime l'individualisme. Ils veulent une république vraiment fraternelle. Seule une régionalisation authentique, c'est-à-dire négociée entre l'Etat et les représentants élus de la Bretagne, y parviendra.

   Christian GUYONVARC'H
   vice-président du Conseil régional de Bretagne
   chargé des affaires européennes et internationales
Rennes / Roazhon, le 19 février 2008

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