Les Allemands (mais aussi les Italiens, les Espagnols, les Belges) sont dans une position toute différente. Ils ont l'expérience du fédéralisme, d'un pouvoir central contrôlé par des pouvoirs régionaux et par des institutions indépendantes. Or, on imagine mal pour l'Europe un autre modèle que celui-là. On ne voit pas quel européen pourrait accepter que Paris ou Berlin devienne la capitale de l'Europe comme Paris l'est de la France ou Londres de l'Angleterre. On ne voit pas comment on pourrait faire vivre ensemble tout un continent sans une bonne dose de fédéralisme. C'est ce modèle que les Allemands avaient en tête lorsqu'ils ont imposé l'indépendance de la banque centrale, c'est celui qu'Angela Merkel a défendu lorsqu'elle a voulu, au delà des considérations économiques, des dispositifs qui renforcent les contrôles sur les Etats membres. C'est ce modèle, naturel aux Allemands, c'est le leur depuis toujours, qu'a refusé la Grande-Bretagne. C'est sans doute aussi ce qui fonde l'hostilité grandissante à l'égard de l'Europe en France et les réserves qu'exprimait Hubert Védrine dans un article du Monde (Le fédéralisme n'est pas la solution miracle à la crise). L'Allemagne, l'Italie, l'Espagne ou la Belgique ont des modèles nationaux qui peuvent s'étendre à la dimension d'un continent. Ce n'est le cas ni de la Grande-Bretagne ni de la France malgré nos timides tentatives de décentralisation. Les Allemands n'ont pas seulement une économie plus forte, ils ont aussi un modèle démocratique mieux adapté à la construction européenne. Et, qu'on le veuille ou non, cela nous condamne à les suivre. Dit autrement, et malgré tous les discours sur l'axe franco-allemand, l'Europe s'inspirera plus des institutions allemandes que des notres.
