Un jour le Serpent vit sa queue s’élever contre sa tête.
Quel orgueil ! disait la première à l’autre, de s’imaginer, comme vous faites, que je ne pourrais pas vous mener aussi bien que vous me menez ; comme si mon jugement était fort inférieur au vôtre ? Il y a assez de temps, ce me semble, que je vous suis, suivez-moi maintenant à votre tour, et vous verrez si tout n’en ira pas beaucoup mieux.
Cela dit, elle tire la tête et rebrousse chemin, heurte tout ce qui se trouve sur son passage ; ici se froisse contre une pierre ; là trouve des ronces qui la déchirent ; puis un peu plus loin va se jeter dans un trou. Elle n’eut pas fait vingt pas, que tout le Serpent fut en très-mauvais état. Alors elle se laissa gouverner, et convint, en suivant la tête comme à l’ordinaire, que tout était bien mieux conduit par elle que par la queue.
Ésope (VII VI siècles avant J.-C.).
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