Un homme mourut loin de chez lui. Parmi ses dispositions testamentaires figurait un legs ainsi libellé : « Que les membres de la communauté sur le territoire de laquelle sont situées mes terres prennent ce qu’ils veulent pour eux-mêmes, et qu’ils donnent ce qu’ils veulent à l’humble Arif. »
Arif n’était alors qu’un tout jeune homme. Il avait bien moins d’autorité apparente que n’importe quel autre membre de cette communauté. Les anciens prirent donc tout ce qu’ils avaient envie de prendre sur les terres léguées par le testateur et n’attribuèrent à Arif que quelques broutilles dont personne ne voulait.
Les années passèrent. Arif croissait en force et en sagesse. Un jour il alla trouver les anciens pour réclamer son héritage.
« Voici les objets que nous t’avons attribués conformément au testament », lui dirent-ils. Ils n’avaient pas l’impression d’avoir usurpé quoi que ce soit. Le testateur ne leur avait-il pas dit de prendre ce qu’ils voulaient ?
C’est alors qu’un inconnu à la mine grave et à la noble prestance surgit au milieu d’eux et leur dit :
« Le testament vous demandait en fait de donner à Arif ce que vous vouliez pour vous-mêmes, car c’est lui qui peut en faire le meilleur usage. »
Une lumière soudaine se fit dans l’esprit des anciens : ils saisirent alors le vrai sens des mots « qu’ils donnent ce qu’ils veulent à Arif ».
« Sachez, dit l’inconnu, que le testateur est mort avant d’avoir pu protéger ses biens. S’il avait écrit en clair qu’il faisait d’Arif son légataire, ceux-ci auraient été usurpés par la communauté. Au minimum, cela aurait semé la discorde. Voilà pourquoi il vous les a confiés, prévoyant que si vous les considériez comme vos propres biens, vous en prendriez soin. Par cette sage disposition, il a fait en sorte que le trésor soit préservé et transmis. Le moment est venu de le restituer à l’héritier légitime. »
C’est ainsi que les biens furent rendus : les anciens avaient été capables de voir la vérité.
*****************************************************