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Ll2t 10

Publié le 24 février 2008 par Thywanek
C��st un haut pic rocheux incongr没ment sailli
Au bord d’une presqu’île d’où il a jailli,
Gigantesque rejet des dérives sismiques,
Erection médusée de fureur tellurique,
Feu du ventre profond et fusion des matières,
Tremblement souterrain et violence première.
Et puis tout se figeant en pays primitif
Dans un calme hanté de grondements plaintifs,
Abandonné au bout de mille millénaires,
Assiégé par les eaux, assailli par les airs
Barbare monument vomi par la nature,
Eperon isolé, surgi d’une blessure.
Quel maître a fait tailler et par combien d’esclaves,
Un escalier au flanc de cette tour de lave,
Un logis au sommet, dans le roc dur et noir,
Béant de tout coté comme un grand encensoir ?
Sculptés dans les funèbres orgues basaltiques,
Se dressent les piliers qui d’un art magnifique,
Ceignent un atrium à tous les vents ouverts,
Et de la cime ainsi que d’un dôme couvert.
Pas la moindre légende, par un peuple ancien,
Jusqu’aujourd’hui transmise et pas un seul gardien,
Au devoir hérité d’une longue lignée,
Pour, d’un conte mythique, venir témoigner.
Pourtant en demeurant dans la proximité,
Quelques heures qu’on sème pour y méditer,
De ce phare muet dominant l’horizon,
On peut entrevoir d’une sobre apparition,
L’imprécise silhouette d’un résident,
Improbable veilleur d’un désert évident.
Pas encore fantôme et cependant à peine
Certain d’appartenir à l’existence humaine,
Immobile debout sur son seuil aérien,
Humble, dépossédé, noblement il se tient,
Dans la simplicité de n’avoir à paraître,
Que seul dans un décor encombré de son être.
Si l’on demeure assez, arrivé sur la plage
Qui sait, d’être égaré au hasard d’un voyage,
Fatigué et pris par le climat singulier,
On le verra auprès de l’immense escalier,
Empruntant l’aune de la plus grande lenteur,
Commencer de descendre de cette hauteur,
S’appuyant ça et là sur la pierre sévère,
Soulevant sur ses pieds un vêtement austère,
Connaissant chaque marche et chaque endroit où vire,
Cet ouvrage sans age où sans doute on peut lire,
L’usure des passages, le nombre de jours,
Qu’il descend et remonte cette grave tour.
Et si l’on reste encore, attendant de savoir,
Qui est donc ce reclus, que serait son histoire,
On le regardera en bas de son repaire,
Cherchant dans les rochers aux angles funéraires,
Battus par les marées, combat de déchirures,
Celui où s’y asseoir, dans les éclaboussures.
Son front offert aux vents qui essaiment l’écume,
Il semble s’abîmer dans une autre amertume,
Et est-ce de penser ou qu’il n’en puisse plus,
Est-ce d’être à la mort sans y être reçu,
Ou d’être retiré de tous autres malheurs,
Les embruns sur ses joues ressemblent à des pleurs.
On se sait fourvoyé ou on se trouve ici,
Dessein, coïncidence, tout deux indécis,
Spectateur imprévu et surtout invisible,
Interdit d’approcher cette aire inaccessible.
Mais cependant on est, peu à peu, sans vouloir,
Atteint au fond de soi comme d’un désespoir.
Et il suffit alors de permettre un visage,
Au lointain exilé dans son pauvre esclavage,
Pour sentir investi tout son corps et son âme,
D’un même feu obscur, sans chaleur et sans flamme,
D’une même fêlure au creuset mortifère,
D’une même douleur à tout monde étrangère.
Et cela pèse alors mais on ne peut lutter,
Tant on est attiré autant que rebuté,
De contempler cet être aux devenant ravi.
D’habiter sous ces cieux, pauvrement on l’envie,
D’être si retiré des cohues qui s’enchaînent,
Vaincu par le refus des entraves que traînent,
Des grappes infinies de masques effacés,
Aux croyances plaquées sur des stèles glacées,
Marchands de leurs douceurs de cœurs brutalisés,
A l’encan des sursis qu’on voit rivaliser,
La honte pour le prix de sinistres breloques,
La fierté pour maquiller de sanglantes loques.
Cela rampe et se dresse et cela nous embrasse,
Cela nous tient, nous serre et cela nous terrasse,
Et longtemps absorbé par tout ce mal vivant,
On distingue nos traits, sous l’écume bavant,
Des larmes transparentes, vides et mutiques,
Des surplus de remords sans digue et sans viatique.
On en persiste ainsi de cette maladie,
Conservée sèchement dans tout ce qu’on ne dit,
Invivable caché, monstres immarcescibles,
Dont on s’effraie du doute et des beautés possibles.
Dont on a remplacé l’avenir qui se tend,
Par l’éternel passé des cavernes du temps.
On se rencontre peu dans cet état perdu,
Cet état aux confins de la vie suspendue,
Où l’on entend plus que, ramant bien lourdement,
L’organe qui charrie avec ses sédiments,
Le flux qui s’alourdit autour de l’ossature,
Et tient la chair au dessus de la pourriture.
Résistances à cette si morne épouvante,
Combien de pièges pour l’éviter on invente.
Il faut comme des siècles des jours refusés,
Entendre l’insistance de l’âme éclusée,
Savoir ne plus pouvoir jouer sa partition,
S’incliner du dedans, tromper la dérision.
Et même taraudé, marée après marée,
Par l’envie de céder, d’être désemparé,
On flouera les débuts de cette tentation,
Par le faste marin, plein de fascination.
Les ors dépolis dont les voiles de l’air pâle,
Laissent filtrer du ciel une clarté d’opale.
Profonde incantation, lancinance océane,
De l’écume au plain-chant, les émulsions diaphanes.
Les sables, no man’s land, alentour qui s’étendent,
Grises dunes qu’en nuages les brises détendent.
Tout ici, jusqu’aux rochers, patients mausolées,
Invite à séjourner l’avenir désolé.
Dernier luxe inutile au joueur éreinté,
A l’évadé du jour et de l’obscurité,
Le recours éthéré d’une fin temporaire,
L’édifice oublié dans les strates primaires,
Qui servit bien avant qu’on ne l’ensevelisse,
A l’age où on rêvait déjà que tout finisse.
C’est un haut pic rocheux ruine de forteresse
Au bord d’une presqu’île que le flot oppresse,
Abandonné au bout des ultimes dérives,
Où la vague et le vent boivent l’âme plaintive.
Où s’écoule voisin d’une close nature,
Un reste d’existence loin de sa blessure.
S’il faut en revenir, avant de le quitter,
On voit, toujours très lent, l’inconnu remonter,
S’agrippant aux aspérités de la pierre sombre,
Soulevant sur ses pieds son long vêtement d’ombre.
Il retourne à l’abri du petit péristyle,
Disparaissant à tout, dans son replis stérile.
On apercevra rien de plus aux embrasures,
Tout sera silencieux comme une sépulture.
Et on s’éloigne de cet étrange rivage,
Anxieux d’y retourner, lors d’un prochain passage,
Dans un moment d’absence au monde mortuaire,
Ou on voudra revoir ce lointain sanctuaire.

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