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Quarante huit.

Publié le 18 janvier 2008 par Thywanek
Ca fait dix sept mille cinq cent vingt jours. Aurores et crépuscules compris. (Je n’ai pas fait le détail des années bissextiles). Ca fait quatre cent vingt mille cinq cent heures en gros. Deux mille quatre cent quatre vingt seize semaines. Ca va chercher dans les plus de cent cinquante millions de battements de cœur. Impossible de compter toutes les accélérations. Si je me lance dans une estimation, dont c’est peu de dire qu’elle serait approximative, je ne dois pas être loin des deux cent millions. Sachant que j’ai un cœur qui bat naturellement vite.
En année ca fait quarante huit ce jour même : 21h20 pour l’horaire.
J’aime bien ces petits comptes un peu ridicules. Ca sort des chiffres qui semblent tout petits, pour les jours notamment. Ou qui n’ont pas de sens. Tellement pas de sens.
Je ne sais plus qui disait qu’il faut cinquante ans pour faire un homme. Plus que deux.
Je n’ai renoncé à rien.
Jamais.
Si j’aime la vie ? Cette putain de bordel de merveille de drôle de saloperie de magnifique de géniale marante chiennerie de douleur d’amour infini de noirceur sordide de soleil de foutrerie de carnaval absurde de grâce de cafard de stupidité de merde de force de poing dans la gueule de tristesse de froid de culbute de morsure de caresse de chaleur de beauté de beauté de beauté de crasse de honte de dormir dormir courir à perdre haleine de vérole de mal au ventre d’éclat de rire de rire à s’en rendre malade de haine de tout de plus en pouvoir d’aimer d’aimer toujours toujours sinon t’es mort mort mort de plus en savoir mais encore encore encore ???
Oui, encore !...
Encore !...
Pourquoi faire ?
Comment ça pourquoi faire !...
Mais … pour rien. Comme ça. Parce que je sais que c’est plus bon que mauvais.
En tout cas voila : c’est que j’ai quand même réussi ça : à faire que pour moi ce soit suffisamment bon par rapport à ce que c’est difficile. Suffisamment bandant par rapport à ce que c’est dur. (Tu peux pas t’empêcher hein ?... – Ben … Non, pas tout l’temps …).
Qu’il y ait suffisamment d’amour pour que ce qui n’en est pas ne m’empêche pas de résister. Parce que j’aimerais bien goûter les prochaines cuvées de Gigondas jusque quand le vin aura fini d’essayer de me faire du mal en vain. Ce en quoi il n’a jamais eu beaucoup de succès. Parce que ma faculté d’émerveillement est intacte et que je sais comment faire pour qu’elle le reste. Parce que maintenant que je commence à comprendre que j’ai peut-être appris quelque chose, je voudrais savoir si c’est vrai. Et il n’y a pas de raison que ça ne prenne pas quasiment autant de temps. Parce je n’ai plus peur comme avant. Mais que j’ai toujours peur quand même. Que ça tremble toujours à l’intérieur de moi, comme quand ça tremblait au temps où je me demandais ce qui se passait, et que mes yeux s’écarquillaient pour mieux voir, et que je ne voyais rien et que je ne savais pas.
Bon, ça fait déjà pas mal comme bonnes raisons, non ?!?
Et puis j’ai du boulot aussi. Ai pris un peu de retard. Des kilomètres et des kilomètres de mots, de phrases à aligner.
Pourquoi faire ?
C’est pas un peu fini avec les « pourquoi faire ? » !!!
Pour rien. Voila. Peut-être pour rien. Pour avoir été. Pour avoir existé.
Et c’est pas tout.
Pour les pas dans les boues de l’automne au sortir de la maison du sud, dans le puissant calme pendant lequel tout s’enfonce dans la terre, pour retourner germer et revenir de nouveau, bientôt, toujours bientôt.
Pour les livres qu’il y a encore à lire. Dans la rageuse frustration de ne pas pouvoir les lire tous. (Y’en a, ceci dit, c’est pas grave …)
Pour les sept mille six cent quatre vingt trois endroits de la planète où je veux aller mettre les pieds, les mains, les yeux, les oreilles. Pour connaître un peu ce qui s’y passe. Les autres. Les étrangers. Et moi étranger de naissance, dans ces pays où je serai sans importance.
Pour l’odeur suave qui plane au dessus de l’autre dans son sommeil pendant que moi, éveillé, je regarde, un peu hagard, cette source d’inconnu m’ignorer de ses rêves.
Pour comprendre de mieux en mieux pourquoi on en sait moins plus on en apprend.
Pour le sable chaud dans l’été brûlant. Pour sentir et ressentir sans fin.
Pour être seul.
Pour celles et ceux que j’aime.
Pour partager ma solitude : tiens voila d’la lumière, j’garde le reste, t’en a déjà.
Oui, de la lumière aussi. Mais bon. C’est pour goûter.
Curieux de voir aussi comment tout ça va tourner : c’te monde.
Pour être là.
J’aime bien être là. Même silencieux. Presque invisible. Incognito. Sans réprobation. Sans hargne. Avec un sourire amusé.
Pour attendre. Pour ce qui vient. Qui va venir. Pour le printemps prochain.
Pour continuer à gueuler contre la médiocrité et la petitesse. Pour continuer à me moquer et à fustiger les salauds. Pour continuer à me battre contre le sale, le lâche, le veule, l’arrogant, le vaniteux, la laideur. Comme je peux. Comme je sais. Comme il le faut. Pour continuer à dire non à l’injustice, au cynisme, à l’intégrisme, à la brutalité, à la loi du plus fort, à la foi du plus fou, au droit du plus puissant. Pour interroger sans répit celui qui se laisse faire et pourquoi il se laisse faire. Pour parler de liberté, ce que c’est, que c’est compliqué, plus compliqué qu’on ne dit, mais qu’on doit en passer par là : par cet esprit qui ne vit bien que d’elle.
Et puis …
Pour vieillir aussi.
Découvrir ce que c’est. Comment quoiqu’on fasse, ça va arriver.
Pour défier les petites misères et les clouer au sol au pied de mes dorures.
Pour avoir régulièrement besoin de me racheter des rollers.
Pour voir à quel moment je vais commencer à me résigner.
Pour guetter mon orgueil quand sa couronne subira ses premiers vacillements.
Pour voir si je saurais en rire comme je m’y prépare.
Pour ne plus me souvenir de ce que j’aurais fait la veille, puisque ça n’aura plus aucun intérêt, mais me souvenir comme si c’était hier de quand j’étais gamin.
Pour voir grandir et devenir les mômes autour de moi. Ceux des amis. Les voir se transformer en jeunes femmes, en jeunes hommes, tâcher de leur glisser deux ou trois trucs pas trop inutiles, pas trop lourds, pas trop difficiles, sans être mièvres ni niais. Et que ça puisse leur servir.
Pour sentir, au fur et à mesure où je vais aller verser dans le néant de l’autre bout, au fur et à mesure où je vais sentir que ça gonfle et que ça serre mon cœur, cette impression qu’un jour il n’y aura plus de soleil et plus d’étoiles, pour sentir au redoutable mal que ça va faire, que j’ai eu raison, bien raison d’aimer ça.
Quoiqu’il en ait été. Et qui n’est pas fini.
D’ailleurs à ce propos …
Oui bah ça va aller là ! Tu vas pas nous le faire à la castro ton truc !
Ben quoi ! Ca sert à quoi ce blog si je parle pas un peu de moi aussi ?
Un peu ?!? T’arrêtes pas !!

Allez … Ca va … gardes-en pour plus tard !...

Et bon anniversaire alors !!
Merci ! C’est sympa !...
Illustration : Un matin après le déluge de James Turner

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